Source : ARTE-TV
#FRENCHARMS : LES ARMES DU CRIME
Des armes françaises sont-elles utilisées contre des populations civiles ? En ce moment, servent-elles à commettre des crimes de guerre ?
Comme le montre notre enquête, la réponse est oui.
La France, troisième exportateur d’armes dans le monde, compte parmi ses principaux clients des pays engagés dans des conflits et/ou épinglés pour leurs violations des droits de l’homme. Les journalistes et experts qui ont contribué à réaliser cette enquête apportent les preuves qu’au Yémen, en Libye, au Sahara occidental et au Cameroun, des armes vendues par la France sont utilisées sur des théâtres de guerre, dans des cas de répression interne et de torture. Tout cela au mépris des engagements pris et des traités signés par le gouvernement français, comme la position commune de l’UE en matière d’armement et le Traité sur le commerce des armes classiques.
Jusqu’au 20 septembre, retrouvez chaque jour un nouveau volet de notre enquête
CHAPITRE 1
AU YÉMEN, LES CIVILS AFFAMÉS PAR LE BLOCUS
Première étape de notre enquête : le Yémen. Le 3 septembre, l’ONU a publié un rapport sur le conflit yéménite. Il fait état de la “multitude de crimes de guerre” commis par les diverses parties depuis le début de ce conflit : “personne n’a les mains propres”. La France non plus : d’après les experts de l’ONU, elle “influence ou peut apporter un soutien aux parties dans ce conflit”, notamment à travers ses “transferts d’armes”.
Elle participe à l’un des crimes de guerre de ce conflit : affamer délibérément les civils. Aujourd’hui, le Yémen est frappé par l’une des plus graves crises humanitaires au monde. Plus de 20 millions de Yéménites sont en insécurité alimentaire, dont près de 10 millions au bord de la famine. Près de deux millions d’enfants sont en sous-nutrition et 400 000 sont considérés comme gravement malades.
Les causes de la crise sont nombreuses : vous pouvez consulter en détail notre précédente enquête pour en prendre la mesure. Ce qui a considérablement détérioré cette situation est le blocus mis en place par la coalition dirigée par l’Arabie saoudite. En août 2018, l’ONU a publié un rapport pour dénoncer les crimes de guerre commis par les belligérants de ce conflit : “l’utilisation de la famine des civils comme méthode de guerre est un crime de guerre”. En raison du blocus, les médicaments ne parviennent plus aux hôpitaux yéménites. Cela affecte gravement la population. Le choléra se propage, en particulier chez les mineurs.
Cette stratégie de la famine menée par les Saoudiens et les Émiratis est possible grâce aux navires et aux équipements “made in France”. Voici dans cette vidéo ce que montre notre enquête :
CHAPITRE 2
LE SAHARA OCCIDENTAL EN QUÊTE D’INDÉPENDANCE
Le Maroc occupe le Sahara occidental depuis 1975. Il y a érigé une barrière de séparation de 2720 km, le “mur des Sables”, pour contrôler près de 80% du territoire. 100 000 soldats marocains gardent ce mur, achevé en 1987. L’objectif ? Faire taire les revendications du Front Polisario, qui jusqu’en 1991, s’est battu pour l’indépendance du Sahara occidental. Cette année-là, une trêve entre le Maroc et le Front Polisario a été négociée et un accord a été signé : le Maroc a promis un référendum sur le droit à l’autodétermination des Sahraouis. Il n’a jamais eu lieu.
Aujourd’hui encore, le Maroc revendique le contrôle administratif du territoire. Pendant toutes ces années, il a exercé une répression sur les Sahraouis. Une grande partie d’entre eux a été forcée de quitter leur pays d’origine pour s’entasser dans des camps de réfugiés dans le désert algérien. À cet exode, s’est ajoutée la politique de colonisation du Maroc incitant de nombreux civils à s’installer au Sahara occidental. Résultat : en 2015, on estime que les Marocains y sont au moins deux fois plus nombreux que les Sahraouis… Le transfert de la population est considéré comme un crime de guerre par la Convention de Genève.
De quoi le Maroc est-il accusé ? Voici le principal chef d’accusation : refuser le droit du peuple sahraoui à l’autodétermination, pourtant garantie par une résolution de l’ONU votée en 1952. Pour y parvenir, le gouvernement marocain n’a jamais cessé d’utiliser la répression et de bafouer les droits de l’homme. Ce rapport d’Amnesty international d’avril 2019 fait état des “restrictions persistantes de la liberté d’expression, d’association et de réunion” visant notamment des personnes favorables à l’autodétermination.
Que fait l’ONU ? Le Conseil de sécurité des Nations unies a créé le 29 avril 1991 la Mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (MINURSO). Depuis 28 ans, un détachement de 230 militaires est chargé du maintien de la paix sur ce territoire. Il est aussi chargé de l’organisation du référendum. Le processus est enlisé devant la réticence marocaine.
Que fait l’Union européenne ? La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a jugé en 2018 que l’Union européenne devait respecter le droit à l’autodétermination du peuple sahraoui. Elle a notamment invalidé un accord commercial de pêche entre l’UE et le Maroc. L’avocat général de la Cour de justice de l’Union européenne en explique les raisons : cet accord “ayant été conclu par le Maroc sur la base de l’intégration unilatérale du Sahara occidental à son territoire et de l’affirmation de sa souveraineté sur ce territoire, le peuple sahraoui n’a pas librement disposé de ses ressources naturelles, comme l’impose pourtant le droit à l’autodétermination”. Un avis qui n’a pas été suivi par le Parlement européen : un an plus tard, il a voté un texte incluant le Sahara occidental dans l’accord commercial entre l’UE et le Maroc. Et cela, alors que l’UE ne reconnaît pas la souveraineté du Maroc sur ce territoire. Une position bien ambivalente.
De quoi est accusée la France ? Malgré les condamnations du droit international et des organisations internationales, la France vend de grandes quantités d’équipements militaires qui sont acheminés au Sahara occidental. Ces derniers contribuent à :
assurer l’occupation militaire et soutenir la politique colonialiste du Maroc
faciliter l’exploitation des ressources en territoire occupé
Notre enquête a permis de repérer les équipements militaires français déployés sur le territoire du Sahara occidental. Les voici en vidéo :