Par Finian Cunningham
Source : Russia Today
Traduction : lecridespeuples.fr
Le blitz dévastateur sur l’industrie pétrolière saoudienne a donné lieu à une série d’accusations de la part de responsables américains contre l’Iran. La raison en est simple : l’échec spectaculaire de Washington en matière de protection de son allié saoudien.
L’administration Trump doit faire de l’Iran le bouc émissaire du dernier assaut militaire contre l’Arabie saoudite, car reconnaître que les rebelles Houthis ont organisé un assaut aussi audacieux contre le cœur du royaume du pétrole serait un aveu de l’insuffisance américaine.
L’Arabie saoudite a dépensé des milliards de dollars au cours des dernières années pour acheter des systèmes de défense antimissile Patriot aux États-Unis et une technologie radar supposément à la pointe du progrès technologique du Pentagone. Si les rebelles yéménites peuvent envoyer des drones de combat jusqu’à 1 000 kilomètres sur le territoire saoudien et neutraliser les sites de production essentiels de l’industrie pétrolière du royaume, les « protecteurs » américains devraient alors être extrêmement embarrassés.
La défense américaine de l’Arabie Saoudite est liée à leur relation historique. Les exportations de pétrole saoudiennes sont les plus importantes de la planète, et sont effectuées en dollars, ce qui est essentiel au maintien du marché mondial des pétrodollars, qui est à son tour essentiel pour la puissance économique américaine. En retour, les États-Unis sont obligés d’être les protecteurs de la monarchie saoudienne, ce qui présente l’avantage supplémentaire de vendre des armes d’une valeur de plusieurs milliards de dollars chaque année au royaume.
Selon l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm, l’Arabie Saoudite dispose du troisième budget militaire le plus important au monde, derrière les États-Unis et la Chine. Avec une dépense annuelle d’environ 68 milliards de dollars, Riyad est le premier au monde en termes de pourcentage du produit intérieur brut (8,8%). La plupart des armes saoudiennes proviennent des États-Unis, les systèmes de missiles Patriot en particulier constituant un élément majeur et très onéreux acquis récemment.
Pourtant, malgré toutes ses largesses financières et la meilleure technologie militaire américaine, le royaume pétrolier vient de subir une vague d’attaques aériennes potentiellement dévastatrices sur son industrie pétrolière vitale. La production de pétrole saoudienne dans son complexe de raffinerie gigantesque d’Abqaiq, situé à 330 km à l’est de la capitale Riyad, a diminué de 50% après avoir été ravagée par les flammes à la suite d’attaques aériennes. L’un des plus grands champs pétroliers de l’Arabie Saoudite, à Khurais, également dans la province de l’Est, a également été partiellement fermé.
Selon des informations crédibles, les dégâts sont beaucoup plus graves que ne le concèdent les autorités saoudiennes. La réparation de ces sites industriels clés pourrait prendre des semaines.
Le secrétaire d’Etat américain, Mike Pompeo, a eu à moitié raison en déclarant que « L’Iran a lancé une attaque sans précédent contre l’approvisionnement énergétique mondial ».
Cette attaque est effectivement sans précédent. Mais Pompeo et d’autres responsables américains se sont probablement trompés en accusant l’Iran.
Certains responsables de l’administration Trump ont déclaré aux médias américains que des « missiles de croisière » étaient responsables des boules de feu géantes vues au-dessus des installations pétrolières saoudiennes. L’un d’eux, cité anonymement, aurait déclaré: « Il n’y a aucun doute que l’Iran est responsable de cela… Il ne pourrait en aller autrement. Il n’y a pas d’autre candidat. »
Dans un effort empressé pour étayer les accusations contre l’Iran, des images satellites ont été publiées, montrant ce qui semble être la conséquence de la frappe aérienne sur le complexe de la raffinerie d’Abqaiq. Les autorités américaines affirment que le lieu précis des explosions indiquait que les armes provenaient non pas du Yémen au sud, mais de l’Iran ou de l’Irak.
Même le New York Times, normalement docile, a exprimé des doutes sur cette affirmation, commentant dans son rapport : « Les photos satellites publiées dimanche ne paraissaient pas aussi claires que les responsables l’ont suggéré, certaines apparaissant comme montrant des dommages sur le côté ouest des installations, et non venant de la direction de l’Iran ou de l’Irak. »
Les accusations portées par Pompeo et d’autres sont des affirmations à la place d’allégations fondées.
Il est à noter que le Président Donald Trump s’est abstenu de blâmer ouvertement l’Iran nommément, faisant simplement allusion à cette possibilité. Si Pompeo est si inflexible à pointer l’Iran du doigt, pourquoi Trump n’a-t-il pas fait de même ? En outre, le Président a fait une remarque éloquente lorsqu’il a déclaré qu’il « attendait la vérification » de l’Arabie Saoudite « quant à l’identité de la personne qui, selon eux, était la cause de l’attaque ». Encore une fois, si des responsables américains accusent explicitement l’Iran, alors pourquoi Trump dit-il vouloir une « vérification » des Saoudiens ?
Pour sa part, l’Iran a catégoriquement rejeté les accusations selon lesquelles il était impliqué, affirmant que les déclarations de Pompeo étaient « aveugles » et équivalaient à la préparation d’un conflit.
Le Premier ministre irakien, Adel Abdul Mahdi, a également rejeté les affirmations selon lesquelles des activistes chiites pro-iraniens auraient utilisé le territoire de son pays pour lancer des frappes aériennes.
Les rebelles Houthis au Yémen ont publié des déclarations sans ambiguïté dans lesquelles ils revendiquent la paternité des attaques aériennes sur les installations pétrolières saoudiennes. Ils ont précisé que les armes étaient des drones et non des missiles, ajoutant que 10 drones (UAV) avaient été déployés.
Il est également notable que la plupart des médias américains ont initialement rapporté que les attaques avaient été menées par des drones lancés depuis le Yémen. Associated Press a signalé un haut niveau de sophistication des attaques, des drones ayant été utilisés en premier pour désactiver les systèmes radar Patriot des États-Unis avant que d’autres UAV ne procèdent à des frappes aériennes.
Il semble donc que les responsables américains tentent de déformer les faits en accusant l’Iran. C’est une tentative imprudente de désigner un bouc émissaire car la conséquence logique pourrait être de déclencher une attaque militaire contre l’Iran, auquel cas Téhéran a averti qu’il était prêt à la guerre.
La raison pour blâmer l’Iran est que les rebelles yéménites (que l’Iran soutient politiquement) ne seraient tout simplement pas capables d’utiliser des drones avec un succès aussi spectaculaire contre l’industrie pétrolière saoudienne. Le coupable doit être l’Iran, d’après ce raisonnement. Ceci fait suite aux accusations de prétendu sabotage par l’Iran contre des pétroliers dans le golfe Persique plus tôt cet été.
Cependant, la chronologie montre que les Houthis sont plus que capables de lancer des missiles balistiques de plus en plus puissants et des drones pénétrants toujours plus profondément sur le territoire saoudien. Les rebelles utilisent des drones depuis le début de la guerre que la coalition américano-saoudienne soutenue par les États-Unis a lancée en mars 2015 contre ce pays situé au sud de l’Arabie saoudite.
Au cours des quatre dernières années, la puissance de feu aérienne des Houthis s’est progressivement améliorée. Auparavant, les Saoudiens, dotés de systèmes de défense américains, avaient pu intercepter des drones et des missiles du Yémen. Mais au cours de cette dernière année, les rebelles ont augmenté leur taux de réussite en atteignant leurs objectifs dans l’intérieur saoudien, y compris dans la capitale, Riyad.
En mai de cette année, des drones Houthis ont frappé le pipeline est-ouest crucial de l’Arabie Saoudite. Puis, en août, des drones et des missiles balistiques auraient frappé le champ pétrolifère de Shaybah, près de la frontière avec les Émirats Arabes Unis, ainsi que le complexe d’exportation de Dammam dans la province orientale de l’Arabie Saoudite.
Les Yéménites affirment qu’ils portent légitimement la guerre en Arabie Saoudite et aux Émirats après des années de frappes aériennes incessantes sur leur pays, qui ont fait plus de 100 000 morts. Un récent rapport de l’ONU a condamné les États-Unis, la Grande-Bretagne et la France pour leur complicité dans de potentiels crimes de guerre par le biais de leur soutien militaire à la coalition saoudienne.
Les souverains d’Arabie Saoudite et des Émirats Arabes Unis doivent être aux abois, craignant que les rebelles du Yémen déchiré par la guerre et affamé les attaquent maintenant des drones qui pourraient détruire leurs économies pétrolières. De plus, le protecteur américain tant vanté n’est pas en mesure de respecter ses engagements stratégiques, malgré des milliards de dollars dépensés pour acquérir les armes du Pentagone. C’est pourquoi Washington doit trouver une excuse en faisant de l’Iran le méchant.
Source : Le cri des peuples, 16 sept 2019
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