• La Cour d’Appel de Casablanca refuse de mettre fin à la détention arbitraire du journaliste Taoufik Bouachrine malgré l’avis du Groupe de Travail sur la Détention Arbitraire (GTDA) du Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies qui appelait en janvier 2019 les autorités marocaines à libérer immédiatement le journaliste et à lui accorder réparation
• Taoufik Bouachrine, journaliste marocain critique du gouvernement et directeur du journal indépendant Akhbar Al-Yaoum, est détenu en isolement depuis plus de 19 mois après avoir été faussement accusé de viol et trafic d’être humain ; le procès en 1ere instance avait été entaché de nombreuses et graves irrégularités
• La décision de la Cour d’Appel s’inscrit dans un contexte particulièrement difficile pour la liberté de la presse au Maroc alors qu’une journaliste d’Akhbar Al-Yaoum, Hajar Raissouni, réputée pour sa couverture des soulèvements du Hirak du Rif, est détenue depuis 11 jours, accusée “d’avortement illégal” et de “débauche”.
CASABLANCA, le 11 septembre 2019 – A la suite du refus de la Cour d’Appel de Casablanca d’accéder à la demande de liberté provisoire formulée par la défense du journaliste Taoufik Bouachrine le 10 septembre 2019, Maitre Mohamed Ziane, avocat de l’accusé, annonce sa décision de se retirer du procès de son client Taoufik Bouachrine, en protestation contre les conditions inéquitables dans lesquelles se déroule la procédure à l’encontre de son client.
Maitre Mohamed Ziane explique ainsi : « Les Nations-Unies ont décrit l’absence flagrante de conditions favorables à un procès équitable, notamment avec le maintien de Taoufik Bouachrine en détention. Pendant des mois, nous avons bataillé pour obtenir une réponse du Ministère public à la demande de liberté immédiate émise par le Groupe de Travail sur la Détention Arbitraire ; notre dernier recours était cette demande de liberté provisoire et elle a été refusée hier par la Cour d’Appel. »
« Je prends acte et estime désormais que la Cour d’Appel refuse d’offrir les conditions d’un procès équitable à Taoufik Bouachrine et qu’il est invalide. Il n’y a donc aucune raison que je continue à participer à cette mascarade. »
Le journaliste Taoufik Bouachrine, directeur du quotidien marocain Akhbar al-Yaoum considéré par Reporters Sans Frontières comme l’un des derniers journaux indépendants du Maroc, est détenu en isolement depuis son arrestation en février 2018 pour des accusations de viol et traite d’être humain qu’il a toujours démenti. En novembre 2018, à la suite d’une procédure ahurissante, avec notamment cinq présumées victimes conduites de force au tribunal qui ont refusé d’accuser le journaliste, menant l’une d’entre elles à être condamnée à 6 mois de prison ferme pour outrage à un officier de police judiciaire, il avait été condamné à 12 ans de prison, sentence pour laquelle toutes les parties ont fait appel.
Ses avocats ainsi que Reporters Sans Frontières, Amnesty International, Human Rights Watch, le Committee to Protect Journalists, l’International Press Institute ainsi que l’Association Marocaine des Droits Humains dénoncent un procès politique, mettant en danger la liberté de la presse mais aussi la lutte contre la violence faites aux femmes.
En janvier 2019, le groupe de travail de l’ONU sur la détention arbitraire appelait les autorités marocaines à « libérer immédiatement [Taoufik Bouachrine] et à lui accorder le droit d’obtenir réparation, notamment sous la forme d’une indemnisation et d’une garantie de non-répétition, conformément au droit international », critiquant entre autres les conditions dans lesquelles s’est déroulé le procès1.
Rodney Dixon QC, avocat international spécialiste des droits de l’homme et conseil de Taoufik Bouachrine, commente également : « Le GTDA avait donné un délai de six mois aux autorités marocaines pour se mettre en conformité avec leur avis et notamment la libération immédiate de Taoufik Bouachrine. Ils ne l’ont pas fait. Nous allons donc reprendre nos actions auprès du GTDA en leur signalant la décision de la Cour d’Appel de Casablanca et en leur demandant d’agir en conséquence. »
« Le Royaume du Maroc fait partie des Nations-Unies et nous ne pouvons que nous étonner du manque de volonté manifeste des autorités de coopérer avec le Conseil des Droits de l’Homme qui en est l’une des émanations les plus importantes »
La décision de la Cour d’Appel de Casablanca de maintenir le journaliste Taoufik Bouachrine en détention s’inscrit dans un contexte particulièrement difficile pour la liberté de la presse au Maroc. En effet, Hajar Raissouni, journaliste de 28 ans dans le quotidien Akhbar al-Yaoum, est quant à elle poursuivie pour « débauche » et « avortement illégal » dans un procès que beaucoup qualifient de politique. Son arrestation a provoqué un tollé médiatique.
Khadija Ryadi, membre de l’Association Marocaine des Droits Humains, note que « Ces deux procès sont politiques. Dans les deux cas, on détourne des sujets primordiaux comme la lutte contre la violence faites aux femmes ou le droit à l’avortement et au respect de la vie privée pour s’attaquer à des journalistes que les autorités veulent faire taire par n’importe quel moyen».
Ali Lmrabet
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