PEDRO MIGUEL CHOMÉ FÚSTER
Tant de choses nous sont arrivées dans notre histoire récente que la mémoire risque d’en laisser certaines dans l’oubli et d’en souligner d’autres, sans qu’il soit possible que l’un ou l’autre ne soit juste.
Récemment, on a commémoré l’arrivée au Chili du cargo Winnipeg avec des exilés républicains espagnols venus des camps de réfugiés de France. L’écrivain Martin Cabrero a relaté dans un article, en détail, les circonstances pénibles de cette hégire et la sélection politique qui a influencé la sélection des passagers, conséquence des factions encore présentes dans la république dans l’exile.
Tout exile est un échec et un espoir, une fuite du pire et un nouveau départ. Et il est rempli de très différentes histoires personnelles. Quelques-unes tristes et d’autres inavouables. Il y a tout dans l’enfer de la guerre. Il est bon de faire mémoire, de l’objective, de celle avec laquelle on apprend et on comprend l’histoire, mais il faut dénoncer sans réserve les demi-vérités, la vision partisane et la tentative de falsifier notre histoire.
Il y a eu un flux important de réfugiés espagnols qui avaient participé aux institutions, à la politique et à l’armée de la deuxième république et qui craignaient l’arrivée de l’armée nationale de Franco. L’exil espagnol pour cette cause en Europe et en Amérique a été un saignement douloureux en général.
Il y a aussi eu un exil terrible d’Espagnols qui ont quitté la zone républicaine pour sauver leurs vies. Et ce fut un exil particulièrement injuste parce qu’ils se trouvaient dans ce qui était supposé être la zone légale et démocratique de la république et dont le seul crime était d’être conservateurs ou d’aller à la messe. Nombreux sont ceux qui n’ont pas réussi à s’exiler ni à vivre, car emprisonnés dans les prisons soviétiques, ils ont été tués dans les caniveaux par les bandes de miliciens.
Ils m’ont raconté en détail avec émotion la façon dont, en partant des ambassades à Madrid , qui agissaient comme des camps de réfugiés improvisés, des milliers d’espagnols ont réussi à s’embarquer à Valence en direction de la Tunisie, mais qu’en passant par la Sicile, ils en ont profité pour se jeter à l’eau et arriver sur les terres italiennes, où ils ont été accueillis avec affection, comme des réfugiés qui fuyaient cette république du front populaire.
D’autres exilées, forcées, furent les 14 religieuses Concepcionistes qui, en 1936, furent enlevées et tuées par les milices armées de la République. Il est difficile d’imaginer quel était le crime commis par elles, à l’exception de la haine de leurs bourreaux. Ils ont été béatifiés, et la nouvelle a été donnée par notre TVE publique actuelle, disant qu’ils avaient disparu. Un exemple de manque de mémoire et d’éthique.
Il est bon d’avoir la mémoire, et de se rappeler les exilés, les bons, les injustement exilés, il faut les reconnaître. Tous.
El Español, 13 sept 2019
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