L’Espagne, alliée traditionnelle du Maroc sur la question sahraouie tout comme la France, vient de lâcher subitement son partenaire aux abois ces deux dernières années. Le Premier ministre espagnol Pedro Sanchez plaide, désormais, pour un élargissement de la mission de la Minurso à la surveillance des droits de l’Homme au Sahara Occidental, une vieille revendication du Polisario qui a toujours été combattue par le Maroc, qui ferraille dur pour l’écarter des discussions bilatérales. Car les atteintes aux droits de l’homme dans les territoires occupés sont monnaie courante.
Les services de sécurité marocains pratiquent une véritable chasse aux sorcières en ce qui concerne tous les citoyens sahraouis soupçonnés à tort ou à raison de sympathie à l’égard du Polisario : tortures, sévices corporel multiples, arrestations arbitraires, chasse à l’homme, traques policière, emprisonnements sont en effet le lot quotidien des citoyens sahraouis dans les territoires occupés.
Aussi l’élargissement de cette question des droits de l’homme gêne considérablement le régime marocain. Assistons-nous enfin à un véritable tournant dans les relations maroco-espagnoles ? Le PSOE de Pedro Sanchez a opéré une révision profonde de sa position sur le Sahara occidental. Le parti socialiste a exhumé une vieille revendication du Polisario déclarant : » Le gouvernement espagnol soutient les processus de négociations sur le Sahara occidental, tant au niveau des Nations unies que dans d’autres cadres, basé sur un total respect des obligations du droit international « .
Mieux encore, le PSOE s’est engagé officiellement à élargir les prérogatives de la MINURSO. » Nous appuierons un élargissement du mandat de la Minurso à la surveillance des droits de l’Homme » dans la région « , ditil. Une mesure inscrite dans le document » Proposition ouverte pour un programme commun progressiste « , élaboré par les socialistes et révélé le mardi 3 septembre à Madrid.
Elle constitue une nouveauté par rapport à la ligne observée jusque- là par la gauche classique mais également par le PP quand il était au pouvoir. En effet, aux élections anticipées du 28 avril, ils avaient plutôt plaidé pour une » solution du conflit qui soit juste et mutuellement acceptée » par les parties. Aucun parti espagnol au pouvoir ne s’est engagé à soutenir publiquement la surveillance des droits de l’Homme au Sahara occidental par la mission onusienne.
Le régime marocain qui a appris cette nouvelle est pour l’instant incapable de réagir. Groggy, il observe les évènements sans broncher. Le ministre des Relations avec le Parlement, porte-parole du gouvernement, Mustapha El Khalfi, questionné lors d’une conférence de presse sur cette volte-face espagnole est resté muet : » Je n’ai pas l’habitude de commenter les programmes électoraux de partis étrangers « , a affirmé le ministre.
Visiblement, la réponse de Mustapha El Khalfi n’a pas vraiment convaincu les représentants des médias présents lors de sa conférence de presse, au point qu’un autre journaliste a plus tard posé la même question. Une nouvelle fois, Mustapha El Khalfi s’est refusé de commenter la proposition du PSOE. Il a également rappelé que l’élargissement des prérogatives de la MINURSO à la surveillance de la situation des droits humains a été définitivement balayée par les Nations unies en 2013.
La représentante du Front Polisario en Espagne, Khira Boulahi, a exprimé récemment sa condamnation la plus ferme de la politique du régime marocain et du blocus imposé aux zones occupées du Sahara occidental en empêchant l’accès au territoire à des journalistes et observateurs internationaux.
Dans une déclaration publiée après l’expulsion, par les autorités d’occupation marocaines, de l’avocate espagnole Cristina Martinez Benitez, Mme Boulahi a averti que » l’expulsion des observateurs internationaux, le manque de pression de la communauté internationale et l’absence de mécanismes des droits de l’Homme pour la Mission des Nations Unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental encouragent une puissance occupante à prononcer des peines sévères et illégales à l’encontre de militants pacifiques « .
La représentante du Polisario a dénoncé » l’attitude préoccupante du Maroc et l’impunité avec laquelle il opère « , demandant aux pays de l’Union européenne, principalement l’Espagne et la France, » de garantir la libre circulation de leurs citoyens et de garantir l’accès des observateurs internationaux dans les zones occupées du Sahara occidental « .
Dans ce contexte, l’avocate espagnole Cristina Martinez a été empêchée, pour la deuxième fois en moins d’un mois, par l’occupant marocain de se rendre dans la ville d’El Ayoun occupée où elle devait assister au procès intenté contre 8 militants sahraouis. La jeune militante sahraouie Sabah Hamida été tuée par un véhicule de la police marocaine qui a foncé à pleine vitesse sur la foule sortie célébrer pacifiquement la victoire de l’équipe algérienne face à la sélection sénégalaise. C’est en l’absence des observateurs internationaux et avec une procédure jugée » illégale » par des organisations de défense des droits de l’Homme.
Durant l’année 2019, le Maroc a expulsé plus de 30 observateurs internationaux, avocats et journalistes, qui devaient se rendre au Sahara occidental occupé pour s’enquérir notamment de la situation des droits de l’Homme et des conditions de détention des militants politiques sahraouis. Plusieurs organisations internationales ont condamné cette attitude marocaine, exigeant le respect de la légalité internationale et l’entrée libre aux observateurs des droits de l’Homme dans les territoires sahraouis occupés.
Source : Tribune des Lecteurs, 8 sept 2019
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