» Des terres agricoles à la valeur inestimable ont également été bétonnées sous l’ère des DEC, puis des maires RND. Le seul cas de Birkhadem suffit à montrer l’ampleur de cette prédation. Celui d’El-Achour et de Draria, où des coopératives de luxe ont été bâties en contradiction avec le PDAU d’Alger, en est un autre « .
Par Mohamed Abdoun
La justice avec, à sa tête, un homme réputé incorruptible, et aux compétences avérées, dispose désormais d’atouts majeurs à même de lui permettre de jouer pleinement son rôle, en toute indépendance, et en restant consciente des énormes enjeux de l’heure. C’est dans ce contexte, sans doute, qu’il convient d’appréhender la relaxe dont a bénéficié à Annaba le porteur d’un drapeau amazigh. Ordre a même été donné de lui restituer cet objet confisqué.
Un pareil verdict est on ne peut plus rassurant. Comme écrit par moi dans ces mêmes colonnes, même s’il y a peut-être complot contre l’Algérie, à travers le recours à ce drapeau pour exacerber le régionalisme et tenter de fracturer le pays, il ne fait pratiquement aucun doute que la plupart des manifestants ayant brandi ce drapeau l’avait fait en toute bonne foi. Aussi, s’ils devaient être jugés, cela ne se ferait que par rapport à leur extrême naïveté.
Ce verdict qui, espérons-le, pourrait faire jurisprudence et pousser les autres magistrats à en faire autant, vient également conforter le fameux panel dans ses futures missions. Celui-ci, en effet, avait demandé comme préalable, la libération de l’ensemble des manifestants ayant été emprisonnés uniquement à cause du drapeau amazigh.
Cette décision permet également de réduire la pression, et d’aider le peuple à retrouver sa confiance perdue envers ses dirigeants et sa justice. Ce n’est pas un hasard, sans doute, que le même jour, le chef d’état-major, dans un mémorable discours, a réitéré l’engagement de l’ANP à soutenir et accompagner la justice dans ses missions constitutionnelles et rouvrir tous les dossiers lourds liés à la corruption.
Cet engagement sous-entend que l’on ne va pas se borner à la seule ère de Bouteflika et des siens. Cela équivaudrait, en effet, à une sorte de règlement de compte, et de remplacement d’un clan par un autre. Les années 90, pour ne citer que cette période, avait par exemple été qualifiée de » deuxième 62 » par beaucoup d’observateurs. Des fortunes énormes et illégales avaient été amassées durant cette période trouble, où la lutte contre le terrorisme autorisait tous les dépassements au profit de certains. C’est durant cette période, par exemple, que Rebrab avait bâti son immense fortune grâce au rond à béton -douteux- d’abord, puis l’huile et le sucre ensuite. Un homme comme Mohamed Betchine, par exemple, avait profité de son poste de ministre-conseiller auprès du président Zeroual pour bâtir deux usines avec l’argent d’une banque publique sans jamais accepter de rembourser ses dettes.
C’est également durant cette période que les magnifiques résidences de Moretti avaient été accaparées contre une bouchée de pain par des arrivistes dans le cadre de la cession des biens de l’Etat. Des terres agricoles à la valeur inestimables ont également été bétonnées sous l’ère des DEC, puis des maires RND. Le seul cas de Birkhadem suffit à montrer l’ampleur de cette prédation. Celui d’El-Achour et de Draria, où des coopératives de luxe ont été bâties en contradiction avec le PDAU d’Alger, en est un autre. Il est également question de beaucoup de crédits contractés et jamais remboursés.
La mafia des containers, qui a régné pendant des années sur certains produits de très large consommation, doit elle aussi être démasquée, sachant que la plupart de ses membres, devenus immensément riches, ont toujours activé sous des prête-noms.
La justice a donc pas mal de pain sur la planche. Un énorme boulot l’attend également durant la période qui avait précédé Bouteflika. Je n’oublie pas, non plus, le blanchiment de l’argent lié au terrorisme. La justice a donc pas mal de pain sur la planche. Sa mission, historique, sera une sorte d’oeuvre de salubrité publique.
M. A.
La Tribune des Lecteurs, 9 août 2019
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