Ali Lmrabet
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Le journaliste espagnol, Javier Otazu, énumère « l’impressionnante opération de séduction » du régime marocain en Espagne à l’occasion du 20ème anniversaire de la montée sur le trône de Mohamed VI.
On savait depuis deux ans que le palais préparait une telle opération, mais il faut reconnaître que le succès de cette action de marketing pictural (peindre joliment la façade extérieure pour que son éclat empêche de voir la pourriture de l’intérieur) va au-delà des attentes.
Le premier élan de déférence a été publié par le quotidien « El Pais » du 29 juillet sous la signature de l’ancien président du gouvernement espagnol, José Luís Rodríguez Zapatero. « L’Espagne et le Maroc à l’occasion du 20ème anniversaire du règne de Mohamed VI ». Bien sûr.
Ces dernières années, Zapatero a damé le pion à son prédécesseur Felipe González pour devenir le premier défenseur de l’autocratie alaouite. Dommage que «El Pais» ne compte pas de service contrôle qualité pour évaluer la pertinence et les incohérences des papiers qu’il publie.
Le lendemain, toujours dans «El Pais», c’est rien moins que l’actuel président du gouvernement espagnol, Pedro Sánchez, qui écrit un autre article d’opinion sur le génie de M6 et les relations entre les deux pays : «Espagne et Maroc: une relation stratégique». On a compris. D’après la presse espagnole, tout comme pour sa thèse de doctorat, c’est pas M. Sánchez qui écrit, ce sont des « nègres » grassement payés. Par exemple, son livre « Manuel de résistance » a été rédigé par la journaliste et secrétaire d’Etat Irene Lozano, qui l’a reconnu.
La fête continue. Le même jour de la publication de l’article de M. Sánchez dans « El Pais », que lit-on dans l’autre grand quotidien espagnol « ABC » ? Un autre article élogieux à la gloire de Mohamed VI signé, celui-ci, par l’ancien président de droite Mariano Rajoy Brey. Un revenant ce Mariano. Disparu des radars depuis qu’il a été débarqué du gouvernement après une motion de censure, il est sorti expressément de son mutisme pour clamer « Et moi, et moi et moi… ». Titre de son article : « Mohamed VI : deux décennies de progrès », assure-t-il. « Progrès » ?
Apparemment, M. Rajoy n’a lu ni le dernier rapport du gouverneur de la Banque centrale du Maroc (un technocrate) sur la persistance de la crise économique, ni les graves atteintes aux droits du citoyen commises par le régime de M6, selon les principales ONG de droits humains.
C’est fini ? Non. L’ancien ministre des relations extérieures Miguel Angel Moratinos, qu’on a sorti de la naphtaline, rejoint le concert d’éloges. Comme «El Pais» et «ABC» ont déjà donné, ce sera dans « La Vanguardia ». « Vingt ans de règne de Mohamed VI ». Repos Moratinos !
Enfin, u invité surprise, Ahmed Charai, un pion de la DGED, les services secrets marocains (c’est pas moi qui l’affirme ce sont des documents révélés par le hacker Chris Coleman, ainsi que la sentence du procès, perdu !, intenté à Madrid par Charai contre le journaliste Ignacio Cembrero).
Charai écrit… Non. Pour ceux qui l’ont côtoyé à «La Gazette du Maroc», cet ancien commercial de pub devenu « agent d’influence » de la DGED par la main du patron Mohamed Yassine Mansouri qu’il appelle affectueusement « Sdi Yassine » (Mon Maître Yassine), ne sait pas écrire. Les textes de « Sdi Ahmed Charai » sont rédigés par un « comité littéraire » de la DGED, pour le compte de qui il a acquis un empire de presse (encore une fois, c’est pas moi qui le dit, ce sont des documents divulgués et jamais infirmés par l’Etat marocain).
C’est dans « El Mundo », où Charai, c’est-à-dire la DGED, lance un hameçon en forme de question innocente : « Et si le Maroc rejoignait l’Union européenne ? », se demande le service secret. Pour compenser le prochain départ de la Grande Bretagne ?
Et pour la presse people espagnole, me direz-vous, celle qui fait rêver et pleurer dans les chaumières ibériques ? Voilà « Hola ! », le seul média que dévore la gente du palais selon un ancien prince alaouite aujourd’hui en disgrâce.
Cette revue du coeur est d’ailleurs la seule qui a accès non pas aux secrets d’Etat du royaume, mais plutôt aux potins salés du palais. « L’ambassade du Maroc célèbre une année de plus sa ‘fête du trône’ », titre solennellement la feuille rose.
Qui manque à l’appel ? A part le redoublement déchaîné des péroraisons du même Zapatero, cette fois-ci dans « Le Matin », le journal officieux que plus personne ne lit au Maroc, il y a l’intervention pour le prix d’un de deux ministres espagnols dans la presse marocaine. Il s’agit du ministre de l’intérieur Fernando Marlaska et de son collègue du ministère des affaires étrangères Josep Borrell qui passent au journal télévisé de la première chaîne officielle du régime alaouite.
Pour dire quoi ? La même chose quoi : Le Maroc est au top.
Croyez-moi, devant un tel déploiement de forces du régime de M6, qui sait mettre la forme et le prix, quand il n’utilise pas le chantage, pour attirer les complaisants (la liste, nationale et internationale, est très longue), on est bien peu de chose.
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