La journaliste Denise Mendez, amie de l’Algérie, n’est plus
Chaque soir, dans sa chambre d’hôpital, juste avant de mourir ce 2 juillet 2019 à Paris, à l’âge de 84 ans, Denise Mendez regardait les informations à la télévision et pensait à sa jeunesse à Alger dans les années 1960, lorsqu’elle y travaillait comme correspondante de presse pour l’agence de presse cubaine «Prensa Latina».
Comment s’est-elle retrouvée dans la capitale algérienne, à cette époque étrange où tous les rêves étaient permis, elle ne s’en souvenait guère. Mais c’était bien elle, en personne, qui avait traduit en français le fameux discours que Che Guevara avait prononcé en 1965 à Alger, et dans lequel il avait annoncé sa rupture avec ce qu’on appelait alors «le bloc soviétique». Ah ça oui, elle s’en rappelait très bien et même quelle n’était pas d’accord !
En ce temps-là, non seulement pour elle mais aussi pour une partie de la planète, l’Algérie avait du sens, Alger était la «Mecque des révolutionnaires», les bras étaient grands ouverts, les esprits déterminés. A cette époque, pas le moindre doute n’avait effleuré son esprit, elle avait décidé de s’engager à fond, travaillé pour le ministère algérien du Tourisme, dirigé la revue El Djezaïr, encore à ses premiers balbutiements. Avec Jean de Maisonseul, alors conservateur du musée national des beaux-arts d’Alger, elle étudiait l’archéologie, faisait des escapades passionnées au Sahara.
Elle ne s’en rendit pas compte rapidement mais l’Algérie se mit progressivement à changer; alors comme dans un vieux couple, elle la quitta avec un pincement au cœur mais lui garda toute son amitié. De temps en temps, elle prenait des nouvelles de ses anciens amis algérois comme on s’intéresse à un mari qui avait décidé de refaire sa vie. Ils lui disaient entre autres que le monde avait évolué mais elle, elle n’avait pas bougé d’un pouce. Elle militait dans le courant alter-mondialiste, écrivait parfois dans le mensuel français «Le Monde diplomatique».
Comment peut-on oublier d’où l’on vient, se renier à ce point, trahir ses rêves, Denise Mendez n’arrivait pas à comprendre, il devait bien y avoir une raison. Avant de mourir sur son lit d’hôpital, à Paris, ce 2 juillet 2019, Denise Mendez a eu un dernier petit sourire sur ses lèvres, en se disant que, quoi qu’on en dise, la jeunesse du monde était cent fois éternelle, et terrible et imprévisible était la vie !
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