Maroc: L’effondrement du mythe de « l’exception marocaine »

Aziz Chahir

Vive le peuple « et » État corrompu « , ont crié la foule de manifestants rassemblés dans les rues de Rabat, capitale du Maroc Des milliers de manifestants se sont récemment ralliés pour la libération des prisonniers politiques, dans un mouvement lancé par le collectif des familles des prisonniers de Hirak .

La population du Rif, a été choquée quand la cour d’appel a confirmé le mois dernier les peines de prison pouvant aller jusqu’à 20 ans de prison pour des dizaines de militants du mouvement /Hirak. Le meneur de la protestation Nasser Zefzafi, à l’intérieur de la prison d’Oukacha, a cousu les lèvres pour dénoncer le verdict.

Craignant des troubles sociaux, l’Etat marocain a été contraint de laisser la marche se dérouler.

À l’aube d’un nouveau Printemps arabe, le Maroc traverse une crise politique majeure. Le roi commence à faire l’objet de critiques acerbes, en particulier sur les médias sociaux, ce qui était extrêmement rare dans le passé.

Critique croissante

En raison de leur proximité géographique, les Marocains sont parfaitement conscients de ce qui se passe en Algérie, où un soulèvement anti-gouvernemental semble avoir revitalisé les mouvements sociaux dans le pays.

Les manifestants à Rabat dénonçaient des procès politiques expéditifs, qui vont à l’encontre du discours officiel de la démocratie et de la résilience face au Printemps arabe. La théorie de « l’exception marocaine » mise en avant par les partisans du régime, y compris certaines chancelleries occidentales, ne résiste plus à l’examen minutieux de la réalité sociale.

Au sein même de l’establishment politique, les voix critiques se font de plus en plus entendre. Ils dénoncent les excès et les défauts du régime, même s’ils ne ciblent pas ouvertement la monarchie.

« Le Maroc est au milieu d’une situation confuse qui touche toutes les catégories sociales (…). Nous notons également un recul des grands changements subis par le Maroc depuis le début des années 2000 et la Constitution de 2011 », a déclaré l’ancien ministre socialiste Nabil Benabdallah, compte rendu de la marche, par Akhbar al Yaoum.

Face à un climat politique insoutenable, le régime et ses affiliés persistent obstinément à décrire le Maroc comme un havre de paix et une stabilité politique dans la région.

En 2011, les manœuvres proactives de la monarchie ont permis de contenir les manifestations; une constitution révisée a été approuvée par 98% des électeurs après un référendum organisé au moyen de la propagande officielle. Les autorités n’ont même pas hésité à mobiliser des imams de mosquées pour encourager les votes favorables.

Un nouveau printemps arabe?

Le Maroc est maintenant exposé à une vague de manifestations qui pourrait marquer le nouveau Printemps arabe, notamment à des manifestations qui ont conduit à l’expulsion spectaculaire d’Omar al Bachir au Soudan et au retrait forcé d’Abdelaziz Bouteflika en Algérie.

Mais si le Soudan et l’Algérie sont des autoritaires, les régimes militaires, le Maroc reste un hybride énigmatique: une monarchie héréditaire qui supervise de près les efforts de démocratisation.

Un examen attentif de la situation politique du Maroc met en évidence les symptômes d’un soulèvement imminent, similaires à ceux du Soudan et de l’Algérie. Il est prudent de dire que les manifestations sociales vont augmenter, même si elles sont présentes pour être sporadiques et intermittentes.

Plusieurs facteurs rapprochent le Maroc de ce type de troubles, notamment la crise socio-économique actuelle, l’affaiblissement des islamistes légalistes du PJD (Parti de la justice et du développement, qui dirige le gouvernement de coalition), la honte portée contre le système judiciaire après les condamnations arbitraires Les militants du Hirak et la réduction de la liberté d’expression et d’association. Un autre facteur est la vulnérabilité de l’appareil de sécurité, qui tente de réprimer violemment les manifestations pacifiques.

Parmi les facteurs décisifs des soulèvements populaires, trois méritent d’être soulignés: le retrait des «élites médiatrices», y compris les élus locaux, les dirigeants syndicaux et les ONG; les conflits d’identité, tels que le conflit sur la langue et la culture amazigh (ou berbère); et le recours disproportionné à la répression policière, qui peut finalement renforcer le mouvement de protestation.

Saisir l’occasion

Ces trois mécanismes sont déjà opérationnels, à des degrés divers. Tous auraient besoin d’un catalyseur, tel que la mort d’un dirigeant du Rif en grève de la faim, pour que le mouvement soit ravivé. Cette convergence de facteurs pourrait à tout moment conduire à une flambée de troubles sociaux violents.
Quel acteur saisira l’occasion d’établir le pouvoir et d’utiliser ces facteurs à son avantage? Avec l’arrivée d’un nouveau printemps arabe, le régime vacille sous la forte pression de manifestations de masse.

En cautionnant la répression – à la fois policière et judiciaire – le roi Mohammed VI a mis fin au mythe qu’il s’était personnellement efforcé de créer : le mythe de « l’exception marocaine ». Cela rend de plus en plus imaginable le scénario d’un soulèvement populaire violent.

Source : Middle Eats eye

Traduction : Rachid Oufkir

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