Quarante prisonniers du mouvement rifain Hirak continuent dans les prisons marocaines

Javier Otazu

Rabat, 5 juin (EFE) .- Quarante militants du mouvement Hirak Rif, y compris leurs principaux dirigeants, sont toujours incarcérés dans différentes prisons marocaines après la troisième grâce accordée par le roi Mohamed VI au Maroc, rapporte EFE citant des sources de leurs familles.

Hier, à l’occasion de la fin du Ramadan, le monarque a gracié soixante d’entre eux « en tenant compte de la situation familiale et humaine des personnes condamnées », selon un communiqué du ministère de la Justice.

Toutefois, des sources du Conseil national des droits de l’homme et de l’association Tafra, formée par les parents des prisonniers du Rif, ont confirmé à Efe qu’il y avait au moins vingt autres Rifans parmi les grâciés mais qui n’apparaissent pas comme des prisonniers du Hirak car ils sont considérés comme des prisonniers pour des crimes de droit commun (violence de la rue, en général) et non politiques.

Ainsi, les rifains graciés hier soir étaient plus de quatre-vingts et leur libération, survenue dans la nuit du dernier jour du Ramadan, a provoqué des scènes de joie et de fête qui ont duré plusieurs heures dans la ville d’Alhoceima, où des cris ont été entendus de « Vive le Rif » ou de « plutôt la mort, que l’humiliation ».

Le vice-président de Tafra, Boubker Jaouhari, a expliqué à Efe qu’il n’y avait pas eu de demande de grâce de la part des libérés, demande qui est habituelle avant ces libérations.

Le pardon d’hier est le troisième octroyé par le roi Mohammed VI aux prisonniers du Rif, qui, au moment de la répression maximale, atteignait plus de 700 personnes, dont plusieurs mineurs.

Le premier pardon a été accordé en juillet 2017, deux mois après que la police ait réprimé d’une main forte lors des interventions dans le Rif; plus tard, il y a eu un autre grand pardon le 21 août 2018, lorsque 188 prisonniers ont été libérés.

Mais ni à l’époque ni à présent, il n’y a eu de clémence pour le noyau dirigeant du Hirak, y compris son dirigeant, Naser Zafzafi, ainsi que Nabil Ahamyik ou Mohamed Yelul.

Ceux-ci, ainsi que d’autres dirigeants de deuxième rang, purgent des peines de dix à vingt ans de prison dans différentes prisons du nord du pays (Tánger, Tetuán, Fès, Taza, Nador et Alhucemas, entre autres), vers lesquels ils ont été transférés de Casablanca pour les rapprocher de leurs familles peu après le prononcé du procès en appel, qui a confirmé toutes les condamnations prononcées en première instance.

Ce mouvement de rapprochement n’a pas réussi à faire plier les dirigeants du Hirak: Zafzafi a cousu les lèvres pendant deux jours pour protester contre le verdict en appel, tandis que plusieurs autres ont mené de longues grèves de la faim pour la même raison.

Pour Bubker Yauhari, la « solution » au « climat politique dégradé et instable » passe maintenant par un nouveau sursis pour le noyau dirigeant du Hirak, une initiative décriée par la situation intérieure du pays et le contexte international.

Les demandes de grâce pour les rifains ont été nombreuses dans le pays et ont été sollicitées par des hommes politiques (y compris certains ministres), journalistes et intellectuels, qui ont toujours insisté sur le caractère pacifique du mouvement Hirak, à l’exception de quelques événements exceptionnels.

Tous les regards se tournent vers les deux prochaines dates (la fête du sacrifice, au début du mois d’août, ou la fête du trône, le 21 du même mois), durant lesquelles le monarque accorde généralement les plus grand nombre de pardons.

Les protestations dans le Rif contre la marginalisation politique historique, le manque d’opportunités économiques et l’isolement ont commencé fin 2016 après la mort dans un camion poubelle du jeune Mohcin Fikri, à qui la police avait réquisitionné une cargaison illégale de poisson.

Ces manifestations ont duré plusieurs mois et ont conduit des dizaines de milliers de personnes à manifester dans toute la région du Rif. Elles ont également suscité une vague de sympathie dans le reste du Maroc et sont ainsi devenues l’un des moments les plus critiques du règne de Mohamed VI qui fête cette année son 20 anniversaire sur le trône. EFE

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