Algérie : DEUX POIDS ET… DÉMESURE

» Lui, en revanche, reconnait toute honte bue avoir » manqué d’intelligence « . Mais, au lieu d’être jugé pour ce » manque d’intelligence « , absolument impardonnable à ce niveau de responsabilité, ou au moins d’être écarté pour incompétent notoire et reconnue par le concerné lui-même, celui-ci a continué d’occuper pas mal de hauts postes, jusqu’à celui de président du Conseil constitutionnel « .

Par Mohamed Abdoun 

Le procès d’Ali Haddad a déçu pas mal d’espoirs. Explications. L’homme, pour le moment du moins, n’a été jugé qu’à cause des deux passeports qu’il avait en sa possession au moment de son interpellation au centre frontalier d’Oum Tboul. Certes, il s’agit là d’un délit caractérisé. Le réquisitoire du procureur, demandant 18 mois de prison ferme, n’est donc pas exagéré. Le débat, ou la déception si je puis dire, réside ailleurs en effet.

Les deux passeports de Haddad donnent l’air d’être aussi authentiques, et aussi valables, l’un que l’autre. L’explication en est toute simple. A l’en croire, et nous n’avons aucune raison de douter de sa parole, sachant qu’à l’apogée de sa puissance, l’ex-président du FCE avait ses entrées auprès de la plupart des ministres des gouvernements Ouyahia et Sellal, à l’en croire donc, le second document en question, et pour lequel il croupit en prison, lui aurait été délivré avec l’assentiment d’Abdelmalek Sellel, ancien Premier ministre, Noureddine Bedoui, ministre de l’Intérieur au moment des faits, et Hocine Mazouz, ancien secrétaire général du ministère de l’Intérieur.

Or, aucun de ces très hauts responsables n’a été inquiété, ni même interrogé afin de connaitre le fin mot de l’histoire. Seul le dénommé Hassan Boualem, chargé de la délivrance de ce genre de documents au niveau du département de l’Intérieur, a été interpellé, sachant par ailleurs qu’il encourt lui aussi la même peine de prison.

L’homme, comme n’ont pas manqué de le rappeler ses avocats, n’a pourtant fait qu’obéir aux ordres. Certes, il aurait dû se braquer, connaissant le caractère illégal d’une telle décision. Mais, il n’en demeure pas moins qu’avant son jugement, ses donneurs d’ordre auraient dû être interpellés et jugés premier.

Cela est d’autant plus vrai que le dénommé Hassan Boualem va jusqu’à nous révéler qu’il n’a jamais rencontré de sa vie le sieur Ali Haddad. Un scénario pareil rappelle trop le dossier, ou le procès, Khalifa. Seul les lampistes avaient été inquiétés, et avaient payé, à l’égal du DG de la CNAS de l’époque, dont les compétences et la rectitude étaient connues de tous, alors que Sidi Saïd, dont la culpabilité avait été reconnue publiquement par luimême en plein tribunal, n’avait absolument pas été inquiété.

Idem pour Mourad Medelci, ministre des Finances au moment des (mé)faits. Lui, en revanche, reconnait toute honte bue avoir » manqué d’intelligence « . Mais, au lieu d’être jugé pour ce » manque d’intelligence « , absolument impardonnable à ce niveau de responsabilité, ou au moins d’être écarté pour incompétente notoire et reconnue par le concerné lui-même, celui-ci a continué d’occuper pas mal de hauts postes, jusqu’à celui de président du Conseil constitutionnel.

Dans le dossier relatif aux deux passeports d’Ali Haddad, si les magistrats ne décident pas d’aller jusqu’au bout de ce dossier, force me serait de supposer que rien n’a changé sous le ciel d’Algérie, et que l’on ne cherche des poux sur les têtes de certaines grosses légumes que dans le strict cadre de ces sempiternels règlements de comptes entre clans au pouvoir…

M. A.

La Tribune des Lecteurs

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