Par Ali Lmrabet
Quand ils ne sont pas occupés à faire du shopping (savonnette par ci, shampooing par là) pour « Sidi » et « Lalla », les diplomates marocains mènent une guerre impitoyable contre les rares journalistes indépendants qui restent au Maroc.
Dans le passé, on avait de forts soupçons sur cette guerre souterraine, aujourd’hui il existe des documents qui prouvent que des diplomates marocains montent des cabales contre les journalistes qui dérangent le régime.
Dans une note non signée adressée au ministre des affaires étrangères, mais qui est sûrement l’œuvre ou bien du secrétaire général ou bien de la directrice des affaires américaines, ce (ou cette) haut fonctionnaire fait part à son patron de la réunion qu’il a eue avec le conseiller politique de l’ambassade des Etats-Unis à Rabat, David Greene.
Des cinq sujets abordés avec l’Américain, le fonctionnaire marocain a cru bon de placer « L’éventuel octroi d’une bourse au journaliste Ali Anouzla » en deuxième position. Après « La cause nationale et le Conseil de sécurité », mais avant le reste des autres sujets évoqués, comme par exemple le rapatriement d’un certain Younés Chekouri, citoyen marocain détenu à Guantanamo.
Au sujet d’Ali Anouzla, le diplomate écrit :
« S’agissant de l’éventuel octroi d’une bourse d’études universitaires, dans le cadre du programme « Mireille Fellowship », au journaliste Ali Anouzla, j’ai précisé à M. Greene qu’au cas où l’Ambassade américaine à Rabat aurait proposé l’attribution de cette bourse, ce Département aurait souhaité être approché comme il l’a été il y a deux ans au sujet d’un membre d’Al Adl Wal Ihssane, tout en soulignant que cette information, si elle s’avère vraie, serait inquiétante et inacceptable ».
Voilà que le ministère marocain des affaires étrangères doit être « approché » à chaque demande de bourse d’un citoyen marocain. Comme si on était en Chine communiste. De surcroît, la possibilité d’octroi d’une bourse à Ali Anouzla serait « inquiétante et inacceptable ».
Pour quelles raisons ? Cette note ne le dit pas. Mais cela prouve l’importance démesurée que prête la diplomatie marocaine, qui est complètement noyautée par les services secrets marocains, aux journalistes indépendants.
Demain s’est mis en contact avec Ali Anouzla. Si ce dernier reconnait avoir bien demandé un visa pour les Etats-Unis en début d’année, il dément formellement avoir sollicité une bourse.
L’ambassadeur Bouhlal s’amusant pr!s du Jefferson Memorial de Washington (Photo DR)
Mais la cerise sur le gâteau reste la correspondance envoyée au ministre des affaires étrangères par l’ambassadeur du Maroc à Washington, l’inénarrable Rachad Bouhlal.
Dans ce courrier « confidentiel », un document révélé par le hacker « Chris Coleman », dirigé au cabinet du ministre Salaheddine Mezouar, Bouhlal semble répondre à une sollicitation de ce dernier :
« Suite à notre conversation téléphonique, je tiens à signaler que pour l’instant seul le site www.art19 (http://www.art19) a rapporté que l’organisation non gouvernementale américaine « Project on The Midle East Democracy (POMED) compte décerner le 8 mai 2014, le prix Leaders for Democracy » pour l’année 2014 au profit d’Ali Anouzla et Boubker Jamaï ».
A Demain, nous avions eu vent de cette affaire au mois de mai dernier, et avions alors publié un article intitulé « L’ambassadeur du Maroc à Washington a tenté de faire retirer des prix à Anouzla et Jamaï ». Mais nous n’avions pas tous les détails que vient de nous offrir ce hacker.
Sur deux pages, l’ambassadeur, qui parle de manière péjorative des deux journalistes en les traitant d’« individus », fait état de son enquête sur le prix du POMED et tente d’en minimiser la valeur avec des phrases du genre « le conseil de cette organisation est composée de personnalités de stature moyenne », ou bien « cette organisation nouvellement créée, serait en quête de reconnaissance ».
Ce qui ne l’empêche pas de faire quatre (4) propositions pour contrer l’octroi de ce prix à Ali Anouzla par cette organisation de « stature moyenne » et « en quête de reconnaissance ».
Les voilà, ces « démarches proposées », dont la plus ignominieuse reste l’appel à Serge Berdugo, le secrétaire général du Conseil des communautés israélites du Maroc, et ambassadeur itinérant du roi Mohamed VI, pour qu’il « envoie un mail au président de cette organisation, Stephen McLnerney (qu’il a rencontré et avec lequel il a déjeuné), dans lequel il lui signifie le trouble causé au Maroc et en particulier à la communauté juive de voir qu’un journaliste qui a publié une vidéo faisant l’apologie du terrorisme puisse être primé ».
Les « démarches proposées » par l’ambassadeur Rachad Bouhlal pour discréditer le journaliste Ali Anouzla.
Ainsi donc, le secrétaire général du Conseil des communautés israélites du Maroc a voyagé expressément aux États-Unis pour déjeuner avec le président d’une ONG dans le seul but de discréditer un journaliste. C’est trop, c’est exagéré.
Et puis contrairement aux affirmations de Bouhlal, le site d’Anouzla, Lakome, n’a jamais « publié une vidéo », il a simplement indiqué le link où elle apparaissait comme l’ont fait d’autres sites, comme Demain. D’ailleurs, plusieurs copies de cette vidéo circulent toujours sur Youtube et d’autres vidéos sur le même ton sont publiées chaque semaine par le site américain SITE ou, par exemple, sur le site du ministère espagnol de l’Intérieur, sans que cela ne provoque l’émoi ou le « trouble » d’une quelconque communauté juive.
Que Bouhlal, un « fonctionnaire » qui maintient des relations directes avec le chef des services secrets (DGED), sans passer par son théorique ministère de tutelle, le MAEC, complote contre un journaliste, c’est dans l’ordre des choses. Cela fait partie de son sale « boulot ». Mais, pourquoi Serge Berdugo implique-t-il la communauté juive marocaine dans une cabale contre la presse indépendante du Maroc ?
Cherche-t-il l’obtention d’une prébende ou d’une faveur ? Comme par exemple quand, en 2010, il a demandé au directeur du protocole royal l’octroi un wissam pour son ami Aharon Abuhatzira, un Juif marocain reconnu coupable en Israël de « corruption », « abus de confiance et fraude » pour avoir volé l’argent qui devait revenir à des yeshivot, des écoles religieuses ?
Ou bien veut-il faire oublier l’affaire du tableau de Bertuchi ? Quand il était ministre du tourisme (1993-1995), le bon Serge avait dérobé de Tétouan un tableau du peintre espagnol Mariano Bertuchi, légué à la ville, et ne l’avait restitué qu’après les protestations des habitants de cette cité du Nord du Maroc.
Tout le monde sait que le défunt Hassan II, puis Mohamed VI, ont utilisé et utilisent encore les Juifs de cour pour accuser faussement les dissidents, ou les journalistes qui déplaisent au régime, d’« antisémitisme », d’« islamisme » ou, comme dans le cas d’Ali Anouzla, de « terrorisme », pour tenter de ternir leur réputation, et par la même leur crédibilité. Mais ces méthodes de basse police ne doivent pas être celles du secrétaire général du Conseil des communautés israélites du Maroc dont le vrai travail aujourd’hui est de réformer les structures sclérosées de son organisation qui ont été incapables de retenir nos compatriotes juifs qui ont fait le choix d’aller vivre ailleurs.
Demain online, 26 dec 2014
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