Difficile de remettre en question l’article d’El Pais, paru le 14 décembre passé, tant la notoriété de son auteur, Ignacio Cembréro, n’est plus à faire. Avec comme titre « La chasse à l’espion Marocain » l’article relate la descente aux enfers d’un service secret qui a « perdu le plus d’agents sur le vieux continent après la Russie ».
La DGED (Direction Générale des Études et de la Documentation) aurait perdu depuis 2007 dix agents en Europe plus un au mali l’année dernière (ce dernier utilisait comme couverture le poste de correspondant de l’agence de presse MAP). L’auteur cite le cas de Bagdad A., 59 ans, évoluant comme un poisson dans l’écosystème de la diaspora Maghrébine en Allemagne. En 2007 il se met à la disposition des services marocains et affirme avoir « un vaste réseau de contacts ». Le 7 décembre dernier, le tribunal de Karlsrhue l’envoie en prison pour ses « activités en faveur de services de renseignement étrangers », il est le quatrième Marocain, envoyé en prison pour les mêmes raisons, c’est à dire, surveiller les faits et gestes des 230 000 marocains établis en Allemagne et accessoirement des militants Sahraouis.
Le plus célèbre de ces agents démasqués est, selon l’auteur de l’article, celui répondant au surnom « Re », Redouane Lemhaouli en vrai, 42 ans et policier batave d’origine marocaine, qui a eu accès au fichier du Ministère de l’Intérieur des Pays-Bas.
Re a pu transmettre des informations sur les « actions contre le Roi », le « terrorisme » et le « trafic d’armes », aux agents marocains sous couvert diplomatique.
L’article se penche aussi sur le rôle de la DGED, seul service de renseignement sous tutelle unique du palais royal, qui serait devenu au fil des ans un Ministère des Affaires Etrangères bis, et sur la personnalité atypique du patron de ce service Yassine Mansouri, premier patron civil de cette institution. Ami d’enfance de Mohamed 6, il fut le seul de ses proches loué par le puissant Driss Basri et envoyé par ce dernier en 1992 se former chez le FBI.
« Né à Bejaâd, dans le centre du pays, fils d’un alem (érudit musulman), Mansouri avait reçu une éducation religieuse, ce qui était plutôt problématique pour les amitiés gauchistes de son frère, jusqu’à ce qu’on lui offre une place au sein du Collège royal. Aujourd’hui encore, il reste un homme pieux qui fait ses prières, ne boit pas d’alcool, ne fume pas, et ne fait pas dans l’ostentation.
Sa traversée du désert a pris fin après l’intronisation du Roi Mohammed VI qui, en 1999 l’avait nommé directeur général de la MAP, l’agence de presse officielle du pays, qu’il avait quittée en 2003, pour revenir au ministère de l’intérieur, y entrant cette fois-ci par la grande porte. Pendant deux ans, il avait dirigé la plus importante direction du ministère, d’ou Basri l’avait limogé, la Direction des Affaires générales. De là, il avait fait ses premiers pas dans le monde de l’espionnage et dans la diplomatie parallèle.
Mansouri était ainsi membre, par exemple, de la délégation marocaine qui s’était rendue à New York en 2007 pour soumettre au Secrétaire général de l’ONU la proposition d’autonomie pour le Sahara ; il avait aussi rencontré à plusieurs reprises le Polisario pour négocier et avait secrètement noué des contacts, à Paris en 2007, avec la ministre israélienne des Affaires étrangères, Tzipi Livni. En 2008, il avait reçu à Rabat le Secrétaire d’Etat-adjoint américain, David Welsh, qui s’était déclaré préoccupé par la fragilité du régime tunisien et la « cupidité » du dictateur Ben Ali, ce qui avait été révélé par la suite dans les messages diplomatiques divulgués par Wikileaks. Trois ans plus tard, Ben Ali a été renversé, et Mansouri figurait donc parmi les rares personnes qui avaient établi un bon diagnostic pour la Tunisie », conclue l’article.
Source : Secret Difa3, 24 déc 2012
Tags : Maroc, Sahara Occidental, Front Polisario, DGED, Yassine Mansourim, espionnage, services secrets,