Les procès à huis clos en Arabie saoudite des personnes accusées d’avoir tué le journaliste Jamal Khashoggi n’ont pas encore atteint les normes internationales, a déclaré jeudi une experte des droits de l’homme de l’ONU.
Agnès Callamard, l’experte de l’ONU chargée d’une enquête indépendante sur l’assassinat de M. Khashoggi au consulat d’Arabie saoudite à Istanbul en octobre dernier, a dénoncé le manque de transparence de l’enquête et de la procédure judiciaire en Arabie saoudite.
« Le gouvernement de l’Arabie saoudite se trompe gravement s’il estime que ces procédures, telles qu’elles sont actuellement constituées, satisferont la communauté internationale, que ce soit en termes d’équité procédurale au regard des normes internationales, ou en termes de validité de leurs conclusions », a dit Mme Callamard qui est Rapporteure spéciale des Nations Unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires.
Il semble qu’au départ, 21 personnes aient été détenues par le gouvernement saoudien à la suite de son enquête sur l’assassinat de M. Khashoggi. Onze d’entre elles sont actuellement jugées, dont cinq risquent la peine de mort.
« L’assassinat de M. Khashoggi est le résultat d’un meurtre extrajudiciaire commis dans un bureau consulaire en territoire étranger », a rappelé Mme Callamard.
« Contrairement à ce qu’affirme l’Arabie saoudite, il ne s’agit pas de questions intérieures. Les droits de la victime et de sa famille sont en jeu, mais il en va de même pour les droits des autres États en vertu des traités et du droit internationaux. L’enquête et les poursuites qui en découlent doivent être conformes aux normes juridiques internationales, ce qui exige le plus haut niveau de transparence et d’impartialité », a souligné l’experte.
Ryad a invité les représentants des membres permanents du Conseil de sécurité à assister au moins à certaines audiences du procès. Mais Mme Callamard les a mis en garde : « Ils risquent de participer à une erreur judiciaire potentielle ; ils risquent d’être complices s’il est démontré que les procès sont entachés de violations du droit relatif aux droits de l’homme. Ils devraient revoir leur coopération et insister pour que les débats soient pleinement ouverts au public et aux internationaux experts observateurs ».
Pour qu’une enquête crédible sur l’assassinat et sa résolution devant un tribunal soit crédible, il faut que la disparition et l’assassinat soient jugés sur la base du droit international relatif aux droits de l’homme, de la Convention de Vienne sur les relations consulaires et du droit coutumier sur l’inviolabilité d’un territoire souverain.
« Jusqu’à présent, les autorités saoudiennes n’ont même pas révélé publiquement l’identité des accusés, leur rôle par rapport au gouvernement ou les détails des charges retenues contre eux, et ont tenu les audiences à huis clos », a déclaré Mme Callamard.
La Rapporteure spéciale a demandé au gouvernement saoudien de prendre des mesures concrètes pour s’acquitter de ses obligations internationales en ce qui concerne l’enquête sur la disparition et la mort de M. Khashoggi et les poursuites ultérieures :
1. Rendre publics à la fois le nom de toutes les personnes poursuivies et les détails des accusations portées contre elles ;
2. Rendre publiques toutes les procédures du procès et toutes les preuves contre l’accusé
3. Inviter des experts internationaux indépendants à suivre le déroulement du procès
4. Rendre publics les détails et les résultats des efforts déployés pour retrouver la dépouille de M. Khashoggi
5. Rendre public le sort de toutes les personnes initialement arrêtées en relation avec le meurtre de M. Khashoggi.
« Le gouvernement de l’Arabie saoudite démontrera davantage sa bonne foi s’il ouvre ses efforts à un examen international », a déclaré Mme. Callamard. « Je renouvelle donc ma demande d’autorisation d’entreprendre une visite en Arabie saoudite dans le cadre de mon enquête sur le sort de M. Khashoggi et sur l’endroit où il se trouve », a-t-elle ajouté. Une requête pour laquelle l’experte espère recevoir une réponse positive.
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