La classe politique, toutes tendances confondues, a été unanime pour rejeter la proposition du chef d’état-major et vice-ministre de la Défense, Ahmed Gaïd Salah, de recourir à l’article 102 de la Constitution comme outil de règlement de la crise actuelle.
Le Parti des travailleurs de Mme Louisa Hanoune estime que «l’application de l’article 102 implique le maintien du gouvernement actuel et les deux chambres du Parlement dont l’écrasante majorité du peuple réclame le départ car non légitimes».
Dans un communiqué du parti, à l’issue de la réunion de son bureau politique le mardi 26 mars, le PT estime que la proposition de Gaïd Salah «vise donc le sauvetage du système et sa continuité». «Et l’application de l’article 102 est porteuse de tous les risques pour la nation, pour sa souveraineté et son intégrité ouvrant la voie aux ingérences étrangères tant rejetées par les millions de manifestants. Ce qui confirme que toute période de transition constitue un réel danger pour le pays.
Par conséquent, une éventuelle constitutionnalisation de ce qui s’apparente à un coup de force constituerait une dérive sans précédent qui menacerait les fondements mêmes de l’Etat et la sécurité nationale, une menace contre la paix recouvrée». A noter que le bureau politique du Parti des travailleurs a également décidé «la démission du groupe parlementaire du parti de l’APN».
Pour le Front des forces socialistes (FFS), la proposition du chef d’état-major est une «grave atteinte à la dignité du citoyen». «Encore une fois, le pouvoir algérien par le biais du chef d’état-major de l’armée provoque et se joue de la volonté populaire. L’institution militaire ne s’est pas retirée du politique, elle s’ingère encore une fois dans le processus constitutionnel et ne répond pas aux revendications du peuple algérien qui demande le changement du système et non un changement dans le système», lit-on dans un communiqué du FFS rendu public mercredi.
Le FFS estime que «l’option de l’application de l’article 102 de la constitution n’est pas la solution demandée par le peuple algérien, l’armée vise à étouffer le mouvement populaire et permettre au système de se pérenniser». «L’article 102 ne répond plus aux revendications du peuple algérien, le peuple veut contrôler son destin, prendre en charge son avenir, un avenir de libertés, de justice sociale et de dignité», indique le communiqué signé par le premier secrétaire du FFS, Hakim Belahcel.
Le président de Talaie El Hourriyet, Ali Benflis, estime de son côté que «compte tenu de la situation exceptionnelle que vit notre pays, la mise en œuvre de l’article 102 de la Constitution n’est pas susceptible de constituer à elle seule une base – toute la base – pour le règlement de la crise. De ce point de vue, l’application de l’article 102 devra impérativement être adaptée de manière que soient respectées les conditions de transparence, de régularité et d’intégrité que le peuple réclame afin de pouvoir exprimer son choix librement et sans contrainte et sans tutelle».
Au Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), on qualifie la proposition de Gaïd Salah de «tentative de coup d’Etat». Cité par TSA, le secrétaire national à la communication du RCD, Yassine Aissiouane, estime qu’«il ne s’agit plus pour eux (le pouvoir, ndlr) de sauver le soldat Bouteflika, mais d’organiser le sauvetage du régime», dit-il. «Ceux qui se sont rendus complices, par leur trahison légendaire, auront à répondre de leurs actes ignobles devant le tribunal de l’histoire. Ils veulent une passation de consignes à l’intérieur du même système, nous exigeons une transition démocratique qui pose les fondations de l’Algérie nouvelle», ajoute-t-il.
Pour Abdallah Djaballah, président du Front de la justice et du développement (FJD), la proposition du chef d’état-major «est en contradiction avec les revendications du peuple algérien et l’application de l’article 102 requiert le transfert des responsabilités au président du Sénat, Abdelkader Bensalah, ce que nous refusons».
Le Mouvement de la société pour la paix (MSP) de Abderrezak Makri estime lui aussi que la «proposition» du chef d’état-major, Ahmed Gaïd Salah, «d’appliquer l’article 102 de la Constitution ( ) ne permet pas la transition démocratique, ainsi que des élections libres et équitables». Le MSP souligne «la nécessité pour l’institution militaire d’accompagner l’accès à une solution politique et à un consensus national et la préservation de l’Etat civil, ainsi que la nécessité d’ajouter des mesures garantissant les revendications du peuple algérien dans le cas de l’application de l’article 102, tout prenant en compte les propositions de la classe politique, avant que le Conseil constitutionnel ne déclare la situation de vacance du poste du président de la République».
Le MSP propose la «nomination d’un chef de gouvernement consensuel» en «collaboration avec la classe politique» et qui soit «accepté par le mouvement populaire». Il propose également : la «création d’une Commission nationale indépendante pour l’organisation des élections et la révision de la loi électorale» et la «publication en toute urgence de décrets garantissant la libéralisation de l’action politique, l’indépendance du pouvoir judiciaire et la protection des richesses nationales».
Le Quotidien d’Oran, 28 mars 2019
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