Le 10 mars prochain, la chanteuse sahraouie Aziza Brahim était censée se produire à l’Institut du Monde Arabe à Paris. C’était sans compter sur l’intransigeance des autorités marocaines pour tout ce qui a trait, de près ou de loin, à la culture sahraouie.
L’Institut du Monde Arabe est en grande partie financé par l’Etat français mais également par la Ligue arabe et une poignée de mécènes privés. Certains des bailleurs de fonds marocains sont montés au créneau suite à la parution d’un article dans le magazine 360, une officine du palais royal chérifien [1]. L’article (truffé d’erreurs) qualifiait Aziza Brahim « d’activiste du Front Polisario ». Les bailleurs de fonds ont alors sollicité le Consulat du Maroc afin qu’il agisse directement auprès de l’Institut.
Une stratégie qui semble avoir payé puisque l’Institut a tout simplement fait le choix de déprogrammer Aziza Brahim du festival les « Arabofolies ».
Ainsi, les autorités marocaines et les défenseurs des thèses marocaines sur le Sahara Occidental ne se limitent pas au lobbying et aux tractations politiques pour assoir l’occupation du Sahara Occidental. Ils interviennent désormais librement et sans discrétion pour faire annuler des représentations artistiques et l’expression d’une culture qu’ils s’efforcent d’annihiler
Des clichés exposés en 2012 censurés en 2018
Cet événement survient quelques mois seulement après la décision, par le Centre Pompidou, de suspendre la présentation d’un livre réalisé par le collectif d’artistes « Collectivo informale ». Le livre, intitulé « Necessita dei Volti » comprend une sélection de 483 clichés de prisonniers de guerre marocains immortalisés par l’Armée Populaire de Libération Sahraouie[2].
Il n’en fallait pas plus pour que Mehdi Qotbi, Président de la Fédération marocaine des musées, n’adresse une lettre incendiaire au Président du Centre Pompidou. La lettre lui faisait part de « son incompréhension réelle sur la motivation [du Centre Pompidou] à participer à la propagande d’un mouvement séparatiste financé notoirement par l’Algérie »[3]. Trois jours plus tard, le Centre Pompidou suspendait fébrilement la présentation du livre.
Or, le fait que le livre en question ait déjà été présenté au Centre Pompidou en 2012 démontre que les autorités marocaines intensifient leur politique d’ingérence et de menaces à l’encontre de toutes les institutions qui souhaiteraient mettre à l’honneur l’histoire et la culture sahraouie. A n’en pas douter, les récentes décisions européennes d’étendre les accords de pêche et de commerce UE-Maroc au Sahara Occidental confortent le gouvernement marocain dans sa diplomatie fondée sur les pressions et la menace.
Attention au retour de manivelle
Ces tours de force bénéficient d’un large écho dans les médias. Ainsi, depuis l’annonce de la déprogrammation d’Aziza Brahim, un grand nombre de salles européennes ont témoigné leur intérêt pour la chanteuse sahraouie[4]. Aziza Brahim se produira :
• Le 27 mars au Cultuurcentrum De Spil à Roeselare
• Le 28 mars à Handelsbeurs Concertzaal à Ghent
• Le 29 mars à De Warande à Turnhout
• Le 30 mars à C-Mine Cultuurcentrum à Genk
Il n’y pas de meilleure illustration de la répression marocaine que la répression elle-même.
Comité belge Sahara occidental
Pour aller plus loin :
[1] Le 360, Comment l’IMA, en invitant une activiste du Polisario, se trompe de vocation, le 29 janvier 2018, http://fr.le360.ma/politique/commen…
[2] Centre Pompidou, https://www.centrepompidou.fr/cpv/r…
[3] Médias 24, https://www.medias24.com/MAROC/Quoi…
[4] France Info, https://www.francetvinfo.fr/monde/a…
Source : Afrique en Lutte