par Rachid Oufkir
Lors d’une pause-café à la Sorbonne, il s’avance vers moi pour me demander un service : lui envoyer les photos prises avec mon appareil lors de son intervention au sujet de La question berbère dans le Maroc de 1956-1960. Les dessous d’une instrumentalisation au lendemain de l’indépendance, chercheur de son état dans une institution scientifique, l’Ircam, quand je l’ai félicité pour son exposé il me sussure tout fièrement à l’oreille une confession en toute discrétion, comme pour éviter les oreilles indiscrètes « Tu sais j’ai essayé de faire bref, je n’ai pas voulu entrer dans les détails, et épargner ainsi les militaires ! Après tout, Oufkir est un berbère, donc un des nôtres ». Ce fut lors du colloque international tenu à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne 19 et 20 mai 2015 sous le titre LA QUESTION BERBÈRE DEPUIS 1962 Amnésie, Renaissance et Soulèvements. Un propos surprenant et chargé de symboles, tenu par un « chercheur » qui boute en touche tout professionnalisme du métier ! Je suis sûr qu’il ignorait tout de mon amazighité, et que s’il savait que j’étais rifain, il n’aurait probablement pas pu prononcer cette bêtise ! Il n’est absolument pas des nôtres !
Lorsqu’on examine les idées, insidieuses, et un peu discrètes, qui ressortent de certaines prises de position, et des « réflexions », vulgarisées dernièrement dans la presse et dans les réseaux sociaux par quelques « acteurs actifs du fait amazigh » on est vite frappé par un décalage. On se dit que là il y a une crise. Ces idées font état d’un mouvement mystérieux, visiblement bien coordonné où l’on s’emploie à distiller des idées dédouanant le Général Mohamed Oufkir, exécuteur de basses œuvres de Hassan II, assassin impitoyable des rifains, et des opposants politiques de Hassan II, un autre assassin des rifains… ainsi commence une « opération de com » afin de le réhabiliter à titre posthume et d’imposer un nouveau paradigme s’agissant de l’histoire. Et pourtant l’homme tînt le pays d’une main de fer en éliminant toute opposition à Hassan. Il fut une figure noire du Maroc, un symbole honni d’une époque, sa terreur structurelle est assez largement mythifiée, et décrit comme un homme sans pitié. Il fut une crapule meurtrière, qui avait la direction de viols, meurtres, enlèvements, exactions… en somme un régime de terreur.
Depuis quelques temps ces acteurs en question ont renoué avec un « combat » celui de blanchir le Général, de lui accoler une nouvelle identLors d’une pause-café à la Sorbonne, il s’avance vers moi pour me demander un service : lui envoyer les photos prises avec mon appareil lors de son intervention au sujet de La question berbère dans le Maroc de 1956-1960. Les dessous d’une instrumentalisation au lendemain de l’indépendance, chercheur de son état dans une institution scientifique, l’Ircam, quand je l’ai félicité pour son exposé il me sussure tout fièrement à l’oreille une confession en toute discrétion, comme pour éviter les oreilles indiscrètes « Tu sais j’ai essayé de faire bref, je n’ai pas voulu entrer dans les détails, et épargner ainsi les militaires ! Après tout, Oufkir est un berbère, donc un des nôtres ». Ce fut lors du colloque international tenu à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne 19 et 20 mai 2015 sous le titre LA QUESTION BERBÈRE DEPUIS 1962 Amnésie, Renaissance et Soulèvements. Un propos surprenant et chargé de symboles, tenu par un « chercheur » qui boute en touche tout professionnalisme du métier ! Je suis sûr qu’il ignorait tout de mon amazighité, et que s’il savait que j’étais rifain, il n’aurait probablement pas pu prononcer cette bêtise ! Il n’est absolument pas des nôtres !
Lorsqu’on examine les idées, insidieuses, et un peu discrètes, qui ressortent de certaines prises de position, et des « réflexions », vulgarisées dernièrement dans la presse et dans les réseaux sociaux par quelques « acteurs actifs du fait amazigh » on est vite frappé par un décalage. On se dit que là il y a une crise. Ces idées font état d’un mouvement mystérieux, visiblement bien coordonné où l’on s’emploie à distiller des idées dédouanant le Général Mohamed Oufkir, exécuteur de basses œuvres de Hassan II, assassin impitoyable des rifains, et des opposants politiques de Hassan II, un autre assassin des rifains… ainsi commence une « opération de com » afin de le réhabiliter à titre posthume et d’imposer un nouveau paradigme s’agissant de l’histoire. Et pourtant l’homme tînt le pays d’une main de fer en éliminant toute opposition à Hassan. Il fut une figure noire du Maroc, un symbole honni d’une époque, sa terreur structurelle est assez largement mythifiée, et décrit comme un homme sans pitié. Il fut une crapule meurtrière, qui avait la direction de viols, meurtres, enlèvements, exactions… en somme un régime de terreur.
Depuis quelques temps ces acteurs en question ont renoué avec un « combat » celui de blanchir le Général, de lui accoler une nouvelle identité et des attributs positifs, de citer avec ostentation l’enfant de Tafilalt, le génie militaire ainsi que ses faits d’arme ! Nostalgiques, ils y tâchent de le réintégrer en héros à part entière au panthéon des « grands » et des « amazighs libres », une distinction à la hauteur de ses méfaits, et peut être bien u »n musée en sa mémoire » comme pour cet autre assassin Ameziane ou encore Franco en Espagne. Il est exalté, encensé, flatté, « béatifié » (J’exagère je sais, mais c’est l’impression que cela me procure) peut être potentiellement candidat à figurer dans les manuels scolaires ! Ces acteurs n’hésitent pas à prendre fait et cause pour lui, à balayer d’un revers de la main « les racontars», leurs prises de positions se font claires et décomplexées, quand bien même ils prennent l’Histoire à revers !
Les initiateurs de cette « compagne » justifient leur démarche en faisant valoir qu’il est une victime d’une certaine historiographie officielle, celle du pouvoir, l’image qu’on se fait de lui est un « mythe », une « fiction », qu’il y a une manipulation « flagrante » dont les véritables commanditaires sont ses opposants. L’histoire du Général Oufkir, avancent-ils, est plus complexe que cela, elle est méconnue, celle qui est enseignée est biaisée, fausse même, et qu’il est temps de la « revisiter ».
Bref, tout le monde s’accorde sur le constat, et le sujet est dépassé et ne mérite pas d’être abordé, l’Histoire a déjà tranché, les exemples ne manquent pas de ceux qui l’ont connu de prés, et qui ont relaté ses monstruosités, son bilan est sans appel : cruel et sadique. Bensaid Ait Idder, Ahmed Marzouki, Salah Hachad, Stephen Smith, Gilles Perrault… sans citer les victimes directes de sa terreur… La vérification par les faits des récits induisent cette vérité !
Une offense à la mémoire de ses victimes
Faire silence sur ce genre de déclarations, est tout aussi scandaleux, cela commence à bien faire ! Une telle initiative déleste tout simplement ses auteurs de tout scrupule ! Honorer un tueur pareil constitue, aux yeux de rifains et l’ensemble de ses victimes ainsi que leurs descendants, une offense à leur mémoire. Il s’agit d’une provocation inacceptable et c’est consternant !
Quel est l’enjeu de cette réhabilitation ? Est-ce parce qu’il est de « race » amazigh ? Son origine sociale, son nom ? Ou parce qu’il représente la figure de l’homme viril, un aryaz, un guerrier ? Pour quel objectif est-il récupéré aujourd’hui par certains ?
Un certain Ahmed Adgherni, un avocat de formation, qui se présente comme un militant amazigh, et adepte d’un double discours, selon les circonstances et le public, machiavélique et fallacieux, n’hésite pas à présenter le Général OUFKIR comme « un martyr de la cause amazigh »… bref, je suis compréhensif, c‘est l’effet de l’âge. Mas Adgherni est victime de l’usure du temps, ses fonctions psycho-sociales ainsi que ses facultés mentales sont sur le déclin ! C’est le pic de ce que peut produire un homme en fin de vie ! Largement en perte de vitesse, il se rattrape avec ce genre de déclarations et se fait l’avocat des causes perdues pour trouver grâce auprès de je-ne-sais-de-qui, probablement pour faire parler de lui, marquer sa « radicalité », et son « opposition » à l’establishment… il a certes besoin d’attention. « L’indéfinissable » manie l’art du baratin, aussi je pense que personne ne lui tient rigueur.
Le mot « Martyr » désigne toute personne qui souffre ou meurt pour la défense d’une cause, son usage en l’occurrence est abusif et décerner à tout bout de champs ce titre et à n’importe qui, est hautement toxique et irresponsable…Le recoupement du mot « martyr » ou encore un « grand » d’une part et « Oufkir » de l’autre, c’est un abus de langage c’est le moins que l’on puisse dire. En outre, s’il avait réussi le coup d’Etat il allait jeter les bases dynastiques d’un régime à la manière des dictatures les plus féroces de ce monde, dépassant de loin les années de plomb de Hassan II, je ne vous ferai pas de photo. Inutile de jouer sur l’équation amazigh = démocrate, c’est une conception biaisée, donc trompeuse de l’Histoire.
Il fut un temps où j’ai été lycéen à Oued Eddahab à Azila, au cours de philo, le prof avait pour coutume de revenir sur cette période de sa vie, il était un homme gauche, et a vécu de plein fouet cette période. Quand il commençait son cours, il faisait la liste des présents. Quand il arrive à mon nom, il ouvre une parenthèse pour nous parler de cet homme fort du régime de Hassan II. J’ai souvent répété que je n’ai rien à voir avec cette famille. Le nom détonnait. A l’époque je ne connaissais pas la véritable histoire de cet homme, tout ce que je savais est qu’il était une brute, un dur… mais rien n’est fait, on m’associait systématiquement à lui, et cela ne m’honore point. A vous de le savoir chers lecteurs. Le hasard fait que mon père s’appelle aussi Mohamed Oufkir, et que ma grande sœur porte le nom de Malika Oufkir, la ressemblance s’arrête ici. Lors du coup d’état de 1972, mon père, me raconte qu’il a fait la garde à vue pour ressemblance de nom. A Paris aussi, la famille Oufkir est connue, et qu’il m’arrive de ne décliner mon identité sans qu’on me sorte naturellement le destin des Oufkirs, bref
Un amazigh qui blanchit un pouvoir oppresseur des amazighs participe de cette même oppression… L’enseignement fondamental qu’on peut tirer de ce genre de démarche est qu’il est extrêmement clair que nous n’avons pas la même Histoire, ni les mêmes références ni encore la même norme de vérité, justifier un monstre simplement parce qu’il est « amazigh », est tout bonnement minable et minimiser une telle terreur relève tout aussi du sadisme. De quelle amazighité parle-t-on ? Là il y a une anomalie, une représentation trop simple de l’amazighité. C’est absurde et bien sûr de la calomnie ! `
Qui était vraiment le Général OUFKIR ?
Natif d’Ain-Chair, dans la région du Tafilalet, dans le Haut Atlas, décoré par la France pour avoir combattu dans l’armée française lors de la Seconde Guerre mondiale en 1944 puis en Indochine française de 1947 à 1949. Il devient capitaine de l’armée française en 1949 et est détaché en 1950 au cabinet du général Duval, commandant supérieur des troupes du Maroc.
À « l’indépendance » du Maroc en 1956, il devient aide de camp de Mohammed V, puis directeur de la Sûreté, ministre de l’Intérieur et enfin ministre de la Défense du roi Hassan II, il est chargé de toutes les affaires « délicates » du roi.
Son livret militaire mentionne qu’il « appartient à une influente famille du sud-est marocain qui a rendu des services appréciables à la cause française ».
En 1955, Son rôle fut d’écraser l’armée de libération nationale marocaine (ALN), d’atténuer le plébiscite autour de la légitimité des partis nationalistes, notamment l’Istiqlal et l’UNFP, et de construire les structures policières et de surveillance officielles (notamment les FAR Forces Armées Royales) et parallèles.
Avec le prince Hassan, le futur roi Hassan II, le Général Oufki a mené une répression au point de vouloir génocider tout un peuple, des milliers de morts. Cette guerre répression va fonder la sinistre réputation de Mohamed Oufkir et du « boucher du Rif », un sadique prenant plaisir à tuer. Le « complot de juillet » que le régime attribue en 1963 à la gauche marocaine et les émeutes de Casablanca du 23 mars 1965 où, à bord d’un hélicoptère, il tire à la mitraillette sur la foule.
Oufkir a été mêlé en 1965 à l’assassinat de Mehdi Ben Barka, principal opposant au roi Hassan II, la justice française le condamne par contumace en France aux travaux forcés à perpétuité.
De vous à moi, cette « réhabilitation » n’honore point les amazigh, je me demande comment est-ce possible que l’on puisse élever au rang de « martyr » un amazigh qui a massacré des amazighs et des êtres humains tout simplement ! C’est une chose que de faire la part des choses. Je ne peux que compatir avec le calvaire qu’a vécu sa famille, c’est émouvant, c’est terrible ce que leur a fait subir l’autre assassin Hassan II dans le camp de la mort. C’en est une autre que de faire la critique de l’Histoire correctement. En replaçant l’homme dans les luttes de son temps, le Général Oufkir se révèle un monstre. La science de l’histoire doit être abordée sereinement avec le plus d’objectivité. S’est-il suicidé ou a-t-il été suicidé, je ne pense pas que là est le fond de la question. Cela importe peu en l’occurrence quand bien même la vérité est connue de tous, Hassan II l’aurait assassiné pour avoir été un félon.
Au lieu d’Oufkir, l’homme, il faut réhabiliter l’Histoire !
Source : Blog de Rachid Oufkir
Tags : Maroc, Rif, Hirak, Oufkir, Hassan II, répression,