Le roi Mohammed VI est le chef de l’État marocain depuis le 23 juillet 1999. C’est le 18e souverain de la dynastie alaouite (ou Alawite) qui règne sur le Maroc depuis 1666. Il a succédé à son père, Hassan II, monté sur le trône en 1961. Les souverains marocains portent le titre de « roi » depuis 1957, dans le passé, ils étaient « sultan ». La succession au trône est héréditaire, mais a fait l’objet de plusieurs manipulations entre 1907 et 1955 du fait de l’occupation française.
Le roi du Maroc
Il cumule fonction politique et fonction religieuse ce qui lui confère des pouvoirs très étendus sur lesquels Hassan II s’était appuyé pour instaurer une véritable dictature. Dès son premier discours, Mohammed V a annoncé qu’il ne renoncerait à aucune de ses prérogatives.
– il règne et gouverne : l’essentiel du pouvoir politique demeure entre ses mains. Il nomme et révoque le Premier ministre, peut dissoudre les assemblées, peut suspendre la constitution… Il est aussi le chef des armées. Le pouvoir royal s’inscrit dans un cadre parlementaire très largement formel : les conseillers du roi forment un véritable gouvernement parallèle qui n’a aucun compte à rendre. Depuis 2001, il dispose du relais de « super walis » qu’il a nommé dans les grandes régions (voir la fiche). Beaucoup de responsables marocains souhaite une révision de la Constitution dont l’article 19 attribue au roi l’essentiel du pouvoir exécutif.
– il est le chef spirituel des Marocains musulmans : la dynastie alaouite affirme descendre du prophète. En 1962, Hassan II avait fait inscrire le titre de « commandeur des croyants », accordé au roi du Maroc, dans la constitution marocaine (voir la fiche).
Le style du nouveau roi et surtout le contraste avec l’attitude méprisante et féodale de son père, ont maintenu une certaine popularité dont il jouit depuis son accession au trône. La vie du palais et les pouvoirs dont il dispose reste néanmoins d’une opacité totale. La presse, sous peine de censure, n’a pas le droit d’émettre la moindre critique à son égard.
La cérémonie d’allégeance voit chaque 24 juillet (le 4 mars à l’époque d’Hassan II) tous les responsables du royaume venir s’incliner devant la personne du roi. Cette cérémonie traditionnelle qu’Hassan II avait transformé en grande fête au cérémonial grandiose est perçu comme le ciment de la nation.
La monarchie marocaine demeure le tabou absolu en matière de liberté d’expression en dépit de l’arrivé d’un nouveau monarque sur le trône. Au printemps 2003, le journaliste Ali Lmrabet a été condamné à 3 ans de prison ferme pour « outrage au roi » (concrètement, il s’était étonné que, lors des débats au Parlement sur la loi de finance, le budget consacré au Palais soit voté sans discussion. À cela, il faut ajouter la publication d’un entretien avec un républicain marocain dans le journal, aujourd’hui interdit, qu’il dirigeait).
Le Palais
« Les proches collaborateurs du roi sont montrés du doigt. Hassan II était entouré d’une poignée de conseillers politiques de premier ordre. Rien de tel avec son fils. Le mythe des « quadra », ces jeunes gens à la tête bien faite passée par le collège royal et épris de modernité, a fait long feu. Aucun de ceux qui gravitent autour du roi ne s’est imposé par la vigueur de ses analyse, le courage de ses prises de position. L’unique ambition des « sabra de M 6 » semble se résumer à plaire au monarque, à le flatter et à prévenir ses moindres désirs. L’amateurisme de la « garde rapprochée de M 6 » a fait ressurgir quelques-uns des anciens conseillers du roi défunt. Entre ces rescapés et la nouvelle génération, des conflits nourrissent une impression de flou et de désordre au sein du Palais. Les responsabilités qu’ils sont censés se partager sont diffuses, mal définies. Quiconque détient une parcelle de pouvoir en use et en abuse pour son propre compte davantage qu’au profit de la collectivité. » (Jean-Pierre Tuquoi, Le Dernier roi)
La famille royale
Le roi Mohamed VI, un fils, l’ordre dynastique comprend :
2) Moulay Hassan, fils de Mohammed VI.
3) Moulay Rachid, le frère cadet du roi.
4) Moulay Hicham Ben Abdellah, cousin du roi (né en 1964), mais qui n’appartient pas au premier cercle des intimes du souverain. Sans doute parle-t-il trop de démocratie ?
Il a été, en 2000, le collaborateur de Bernard Kouchner au Kosovo. Il ne cesse de dénoncer l’immobilisme du pouvoir actuel.
Parmi les autres membres de la famille ayant un rôle officiel ou semi-officiel :
La Princesse Lalla Meriem, l’une des trois sœurs du roi (née en 1962) que Hassan II avait marié à Fouad Fillali, patron de l’ONA, dont elle a divorcé en 1997.
Le 21 mars 2002, le roi Mohamed VI a épousé Salma Lalla Bennani, jeune ingénieur en informatique de 24 ans vivant à Fès, la cousine d’un proche du roi. Elle porte désormais, le titre de « princesse », celui de « reine » n’existant pas au Maroc.
Leur fils, Moulay Hassan (futur Hassan III) est né le 8 mai 2003. Une fille, prénomée Khadidja, est née en mars 2006.
L’article 20 de la Constitution marocaine de 1996 stipule que « la couronne du Maroc et ses droits constitutionnels sont héréditaires et se transmettent de père en fils aux descendants mâles en ligne directe et par ordre de primogéniture de Sa majesté, à moins que le roi ne désigne de son vivant un successeur parmi ses fils autre que son fils aîné ». « Le roi est mineur jusqu’à 16 ans accomplis », prévoit l’article 21.
La dynastie
C’est un peu par hasard si la branche de la famille Alaouite (ou Alawite) à laquelle appartient Mohammed VI règne sur le Maroc. Au cours du XXe siècle, l’ordre de succession dynastique a été plusieurs fois modifié par les autorités françaises en fonction de ses intérêts (voir chronologie).
Au début de ce siècle, le sultan en titre s’appelait Moulay-Abd-el-Aziz. Il a régné de 1894 à 1907, date de sa destitution par les Français qui craignaient qu’il ne se tourne vers les Anglais. Il a été remplacé par son frère, Moulay Hafiz,.
À son tour, le sultan Moulay Hafiz, jugé trop germanophile, a été remplacé en 1912 par un autre de ses frères, Moulay Youssef.
À la mort de Moulay Youssef, en 1927, c’est le troisième de ses fils qui est choisi par Paris pour lui succéder, au détriment des deux premiers. Il régnera sous le nom de Mohammed V.
Mohammed V et ses descendants ont, à leur tour, failli perdre leurs droits sur le trône. En 1953, en raison de sa position indépendantiste Mohammed V a été destitué et déporté avec ses enfants à Madagascar. Paris avait mis à sa place un cousin, Ben Arafa, jugé beaucoup plus docile. Contrairement aux interventions précédentes, ce renversement dynastique provoque une véritable indignation parmi la population marocaine largement acquise à l’idée d’indépendance nationale.
Finalement, alors que la guerre a éclaté dans l’Algérie voisine, Mohammed V a été autorisé à rentrer en 1955 et a retrouvé son trône. Ben Arafa, détrôné, finira sa vie en exil à Nice où il est mort en 1976. Le Maroc a obtenu son indépendance en 1956. En 1961, Mohamed V a succombé à une hémorragie au cours d’une opération bénigne. Sa succession fut la première depuis 1894 à ne faire l’objet d’aucune intervention étrangère. C’est son fils aîné, Hassan II, qui monte sur le trône pour un long règne de 38 ans (jusqu’en 1999).
La fortune du roi du Maroc
Le roi du Maroc est un des hommes les plus riches du monde alors qu’en 1956, son grand-père ne possédait aucune fortune notable. L’essentiel de cette immense fortune a été accumulé par Hassan II, père du roi actuel en ponctionnant l’économie marocaine. Elle est en grande partie investie à l’étranger.
Dans les années 1990, un opposant au régime, Abdelmoumern Diouri, en avait dressé un inventaire (contesté par le Palais) : quelque 10 milliards de francs déposés dans une vingtaine de banques française, américaine et suisse. Au Maroc, une vingtaine de palais, plusieurs milliers d’hectares de terres agricoles (confisquées en 1963 aux colons français), le groupe ONA (Omnium nord-africain) présent dans tous les secteurs de l’économie… À l’étranger, plusieurs immeubles à Paris et à New-York, de nombreux pied-à-terre luxueux aux États-Unis et en France, notamment le château d’Armainvilliers (Seine-et-Marne) deux cents pièces et quatre cents hectares de parc… un portefeuille boursier considérable comprenant des titre américains et européens… Des rumeurs ont circulé sur les bénéfices que Hassan II aurait tiré du commerce du haschisch, cultivé au Nord du pays, mais sur ce trafic, rien n’a pu être prouvé.
En janvier 2000, Cheikh Yassine, le chef islamiste, exhortait le nouveau roi à « racheter et dépasser les crimes de son père » en rapatriant la fortune amassée par Hassan II pour alléger la dette extérieure du pays. Le jeune « roi des pauvres » s’est contenter d’interdire la publication de la lettre du vieux cheikh.
On notera que le terme de makhzen qui qualifie l’administration centrale sur laquelle s’appuyaient les sultans, aujourd’hui le roi, a donné en français le mot de « magazin ». C’est d’ailleurs le sens d’origine du mot arabe. À chaque changement de dynastie, la prise du pouvoir s’accompagnait du pillage des richesses des soumis et de leur accumulation dans les entrepôts royaux. Sur ce plan, comme sur bien d’autres, Hassan II a régné dans selon des traditions séculaires. Avec néanmoins une différence notable : ses richesses accumulées aux dépens au pays ont été placées en grande partie à l’étranger car Hassan II n’a jamais été très sûr de terminer sa vie sur son trône.
« Grâce à Tel Quel, les Marocains savent que le salaire du roi est de 36 000 euros mensuels (432 000 annuels), « ce qui reste relativement raisonnable comparé aux hauts salaires des chefs d’entreprises publiques », note le journal. Cette rémunération (dont on ignore si elle est soumise à impôt) s’accompagne toutefois « d’à-côtés budgétaires » de 170 000 euros, qui englobent les pensions versées au roi et à ses frères et soeurs. Le palais, lui, est un gros employeur avec pas moins de 1 100 postes budgétaires (dont 300 permanents au cabinet royal) pour une masse salariale annuelle d’environ 68 millions d’euros. Les rémunérations des conseillers royaux sont alignées sur celles des membres du gouvernement (5 500 euros par mois). S’il est difficile de quantifier le nombre de voitures dont dispose le palais, le budget dédié au parc automobile à 5,7 millions d’euros par an suggère quelques ordres de grandeur : il était prévu pour 2004 de commander pour 380 000 euros de «voitures utilitaires». Ces chiffres (auxquels on peut ajouter par exemple 2 millions d’euros en dépenses vestimentaires) donneront évidemment le vertige dans un pays où le salaire minimum ne dépasse pas 200 euros et où la communication royale a peaufiné à Mohammed VI au début de son règne une image de « roi des pauvres ». (…) le vrai tabou : la fortune personnelle – mobilière et foncière, au Maroc et à l’étranger – de Mohammed VI, comme de ses frères et soeurs. «4 à 5 milliards de dollars», affirmait il y a quelque temps Forbes, la célèbre revue américaine des affaires. C’est là en tout cas où s’arrête l’enquête de l’hebdomadaire. » (extrait d’un article de José Garçon, Libération, 4 janvier 2005)
Source: Bibliomonde