Par Mohamed Abdoun
Une sorte de combat à mort est engagé depuis quelques jours, depuis ce vendredi plus précisément, autour du devenir, pour ne pas dire, de la survie de l’Algérie. Ceux qui pensent que la rue a été sage, a donné un bel exemple de civisme et de maturité politique, ne se trompent peut-être pas totalement.
Mais, ils n’ont pas raison pour autant. Car, forts de ce premier constat, qui n’est ni le seul, ni le dernier, ils se mettent à défendre à qui mieux-mieux la nécessité de permettre que des manifestations de ce genre se déroulent encore et encore, allant aussi jusqu’à suggérer que la peuple aurait tranché sans appel en défaveur d’un cinquième mandat pour le président sortant.
Or, rien n’est plus faux. Ce ne sont là que simplistes analyses, raccourcis triviaux et désir de revanche contre un pouvoir qui a toujours » trié » sa » clientèle « . Oui, des risques de dérapage mortels existent bel et bien. Oui, il est permis, voire nécessaire, de comparer entre la Syrie et l’Algérie. La Syrie n’est pas un pays formé de tribus incultes que rien ne soude. C’est un pays à la civilisation et à la culture plusieurs fois millénaires. C’est cette maturité séculaire qui a permis au peuple de résister au complot qui a visé ce pays.
Les choses, en Algérie, sont un tantinet différentes. Si j’insiste, avant tout, pour dire encore et encore que nous serons visés juste après la Syrie, dans le cadre des printemps arabes, c’est que nous restons un des rares pays qui continue de soutenir la cause palestiniennes sans réserve, et de refuser tout projet de normalisation avec l’entité sioniste. Cela nous vaut de mortelles et cruelles inimitiés de la part de l’ensemble des puissances occidentales, et même de celle de certains pays arabes, prétendument au-dessus de tous soupçons.
En Algérie, donc, le sinistre profond qui a ravagé l’école, doublé par le départ massif de notre élite -soit exilée, soit éliminée par les terroristes- a grandement fragilisé le pays, et affaibli ses défenses naturelles contre les complots internes et externes. L’instabilité chronique qui sévit à nos frontières n’est pas là non plus pour arranger les choses.
Après les saisies quotidiennes d’armements de guerre, voilà que l’on constate que des » djihadistes « , enfuis de Syrie, ont traversé plusieurs pays, choisi les voies les plus périlleuses et les plus coûteuses qui soient, pour tenter de s’infiltrer chez nous via nos frontières-sud. Et, pour compléter le tableau, il me faut absolument rappeler que des ONG -qui ne nous veulent pas que du bien, agissant au nom d’une prétendue démocratisation des pays arabo-musulmansont assuré des formations de pointe à une poignée d’agitateurs particulièrement actifs et efficaces sur les réseaux sociaux. Oui, il y a péril en la demeure.
Le dernier exemple en date, concernant cette question précise, réside dans cette rumeur faisant état de la prétendue fuite de notre chef de la diplomatie, en compagnie de toute sa famille. La rumeur, quoique dénuée de tout fondement, a vite fait le buzz. Idem pour cette autre rumeur faisant état de la fuite massive de nos dirigeants, appuyée par de vieilles images de l’aéroport d’Alger, bondé de monde, à cause d’une grève remontant à quelques années déjà. Oui, nous sommes visés. Oui, nous sommes pris pour cible.
Oui, nous avons pour devoir impérieux de ne pas prêter le flanc, et d’éviter de souffler sur des braises peut-être mal-éteintes. La relative réussite des manifs de ce vendredi, en effet, est la preuve que les islamistes et intégristes du pays sont encore tapis dans l’ombre, et n’ont pas encore dit leur dernier mot.
A ce propos, je n’en finis pas de suriner que si nous avons vaincu le terrorisme de haute lutte, nous n’avons hélas pas fini d’en baver avec l’intégrisme. Et, si le peuple ne veut vraiment pas d’un cinquième mandat, le moyen le plus civilisé et les plus pacifiques de le dire, c’est de s’en aller voter massivement le 18 avril prochain, et même de surveiller de très près l’ensemble des urnes, afin de prévenir toute velléité de fraude.
La Tribune des Lecteurs, 25 fév 2019