Je n’écris pas ces lignes pour critiquer qui que ce soit. Ni même juger un camp ou un autre. Je les écrits afin d’apporter un mince filet de lumière à la jeune génération qui espérons le, dans un sursaut pour la survie, pourra je l’espère se donner la main et éviter de reproduire les erreurs des aînés.
A. La genèse.
Je ne reviendrai pas sur les exactions consécutives à la rébellion de 1962-1963 qui sont à l’origine du mal-être général perceptible au niveau de la population Kăl-Tămašăɣt et Maure. Je ne reviendrai pas non plus sur les sécheresses de 1973 et 1985 qui ont poussé la majorité des Kăl-Tămašăɣt et Maure dans les périphéries des villes du Mali, du Niger, du Nigeria et de l’Algerie. Ces sécheresses durant lesquelles ces deux groupes ont touché le fonds sans que personne ne leur manifeste compassion ont forgé dans leur inconscient collectif l’impression qu’ils étaient plus des sujets que des citoyens. Je ne reviendrai pas non plus sur le mouvement Təššumara engendré par ces deux sécheresses qui ont conduit toute la jeunesse Kăl-Tămašăɣt et Maure en Algérie et en Libye. Je l’ai déjà fait dans d’autres écrits. Je m’étendrai uniquement sur comment cette jeunesse s’est organisée une fois en Libye et les conséquenses que cela à engendrer.
B: Se laisser utiliser pour apprendre. En 1979, Khaddafi, soucieux de rehausser son prestige au sein de la Ligue Arabe crée la Légion Verte ou Légion Islamique pour fournir des combattants dans les guerres israélo-arabe. Il ne voulait pas sacrifier des citoyens libyens de souche, tout en fournissant des hommes qui pouvaient être pris pour des libyens. Les Kăl-Tămašăɣt et les Maures étaient le meilleur parti.
1. Le marché de dupes. Pour parvenir à ses fins Khaddafi qui ne connaissait rien aux Kăl-Tamašăɣt et aux Maures fera appel à un fin connaisseur en la personne de Elguichaty, un libyen qui avait sillonné le Sahara et qui connaissait bien les leaders de 63. Il s’appuiera sur quatre personnalités pour enroler une jeunesse orpheline. Issouf Ag Chekh, Alladi Ag Alla, Ăɣmera et Limam Ould Chaghi. Ces derniers seront invités par le guide qui leur fait miroiter non seulement une formation militaire mais également une assistance financière pour une révolution dans l’Azawad s’ils étaient capables de réunir les jeunes. Chaque « vieux » comme les appellent la jeunesse réunit ceux de sa tribu pour les mettre dans le bain. Tous sont réunis pour la formation. Mais très tôt, les anciens constatent qu’il y avait des zones d’ombre. Ne pouvant plus leur dire dans un camp libyen, avec des instructeurs libyens de fuir, sous peine de se mettre en danger ou de mettre les jeunes en danger, car le guide était tout sauf un tendre, ils leur dirent :
« N’oubliez pas que chacun de vous aquitté un oued où il a laissé des parents dans le besoin qui l’attendent « .
Mais c’était trop tard. Les jeunes pour la majorité sinon la totalité analphabètes, venu directement d’un coin du désert où ils n’avaient jamais vu ni eau potable, ni électricité, étaient maintenant engagé dans le métier qui fait rêver tout jeune U-tămašăɣt ou Maure, celui des armes. Les vieux se retirent en Algérie.
La formation idéologique basée sur le livre vert était une ouverture immense sur un monde jusque là insoupçonné.
Un des jeunes de cette époque, je ne sais plus si c’est Ahmoudou Mohamed Ayya ou Hako Ag Sidi Mohamed dira dans l’un de ses poèmes :
« Les libyens croyaient se servir de nous, mais en réalité, nous nous sommes laisser trompés pour apprendre « .
2. Chassez le naturel et il revient au galop.
Bien qu’engagés pour une révolution visant à gommer les inégalités dont les jeunes disent souffrir dans leur pays le Mali, et malgré la formation idéologique intensive qu’ils recevaient, ils ne voulaient pas vivre cette révolution de l’intérieur en supprimant ce qui a toujours bloqué les Kăl-Tămašăɣt ou les Maure dans leur marche : le système tribal. Bien que chacun d’eux vous récite à la perfection les préceptes du livre vert et du livre rouge sur le tribalisme, le racisme, l’exploitation de l’homme par l’homme, il vous suffit de bien les observer pour vous rendre compte que tout ce qu’ils disent est bon pour les autres mais pas pour eux.
Les jeunes se regroupaient en fonction de leur tribu, de leur zone de provenance. Chaque système même révolutionnaire créé ses privilégiés, sa bourgeoisie et beaucoup de jeunes vont se sentir marginalisés par les premiers enrôlés qui deviennent la classe dirigeante d’une révolution en gestation, mais qui déjà présentait les prémices de son échec.
Les communautés de l’Adaɣ s’articulent autour des Ifoɣas, des Idnan, des Taɣat Măllăt, des Irăjanatăn et des Imɣad. En fonction des zones, des liens de parenté ou des rélations historiques, chacun des autres groupes se sent lié aux Idnan ou aux Ifoɣas.
En 1984, un jeune de la communauté Idnan, pour une place dans le rang devant un magasin d’approvisionnement appelé Galerie à Tamănɣăssăt, a maille à partir avec trois jeunes de la communauté Ifoɣas. Cet incident va démontrer à quel point la conscience révolutionnaire des deux côtés était superficielle. Les jeunes des deux communautés bien que récitant à la perfection les préceptes du livre vert contre le tribalisme et le racisme vont s’organiser de la Libye à l’Algerie et au Mali en groupe d’auto-defense de leur tribu. L’Algérie où les Idnan étaient majoritaires devient une souricière pour les Ifoɣas. La Libye où les Ifoɣas étaient majoritaires devient un mouroir pour les Idnan. Les autres communautés en fonction de leur zone et des liens sociaux ou historiques se rangeront d’un côté ou de l’autre. Une solution négociée sera trouvée en 1987, mais beaucoup de jeunes aussi bien des deux communautés que d’autres communautés commençaient déjà à se poser des questions. Cette solution négociée met fin aux hostilités mais ne règle pas le problème tribal ni au niveau de la jeunesse, ni au niveau des campements.
C. Les masques tombent.
En 1990, Khaddafi qui n’avait plus de terrain d’opérations extérieures, saisissant l’immensité du capital confiance qu’il pouvait engranger du côté de l’Afrique dissout la légion Islamique. Il offre à tous les jeunes la possibilité de vivre en Libye en toute quiétude et de continuer à percevoir leur salaire comme s’ils étaient actifs. Pour tout le reste des promesses faites 10 ans auparavant, rien. Les jeunes se sentent trahis et abandonnés. Ils se donnent rendez-vous à Tejarert, à chacun de s’y rendre par ses propres moyens.
Le 29 juin 1990, Menaka est attaqué. Les attaques se succèdent jusqu’au 6 Janvier 1991, date à laquelle l’accord de Tamănɣăssăt est signé.
D. L’effritement. Beaucoup de jeunes, à tort ou à raison, voient cet accord comme une entente secrète entre Iyad et l’état malien. Selon les combattants, la délégation a été envoyée à Tamănɣăssăt juste pour une rencontre préliminaire avec les autorités maliennes. Il vont dans leur majorité se cambrer. Les Šămanamas, les Išəḍənharan, les Imăɣran, les Dăwsahak et une partie des Idnan vont créer le F. P. L. A à Tejarert. Les Ifoɣas tous au M.P.A se retirent à Boɣăssa.
Les Maure dans la foulée du 6 janvier avaient créé le F. I. A. A, et sanctuarisé Tinədəmma. les Imɣad, les Taɣat Măllăt et l’autre partie des Idnan vont créer l’A. R. L. A à Tiɣărɣar
Tous ces mouvements finiront par montrer leur vrai visage tribal au fil du temps.
Au F. P. L. A, les Šămanamas majoritaires vont petit à petit pousser vers la sortie les Idnan d’abord, puis les Išəḍənharăn et les Dăwsahak ensuite.
Au sein de l’A. R. L. A, les Imɣad et les Taɣat Măllăt vont pousser les Idnan vers la sortie et après eux, les Imɣad vont pousser les Taɣat Măllăt à les suivre.
Au M. P. A, les Kăl-Insar qui ont sanctuarisé Foyta se sentant réduits au statut de supplétifs vont se détacher.
Les Išəḍənharăn créent le F. N. L. A à Xalbaboti, les Dăwsahak se retirent à Tintăšori, les Idnan et les Taɣat Măllăt créent le F. P. U. A à Intăšdayt avant que les Taɣat Măllăt ne se retirent pour rejoindre le M.P.A. Les Kăl-Insar créent le F. U. L. A. à Foyta.
Mais le F. I. A. A, le F. P. L. A, l’A. R. L.A et le M. P. A, pour verrouiller les négociations du Pacte Nationale créent les M. F. U. A et s’entendent avec les autorités de l’époque et le médiateur pour que tout mouvement non membre de cette structure ne soit pris en compte ni avant, ni après l’accord.
E. Le désastre. Après le Pacte National, l’A. R. L. A et le M. P. A, voulaient tous les deux avoir la prépondérance dans la région de Kidal, mais la région était trop étroite pour deux mastodontes. Cela commencera par des escarmouches qui iront crescendo jusqu’à atteindre un point de non retour lors de la mort du Colonel Bilal Ag Saləm d’abord. Puis l’enlèvement de Intalla Ag Attaher haute personnalité religieuse et politique de l’Aḍaɣ, suivi de la mort de Touwwa Ag Adas à Tinassako. Comme le dit le couplet d’une chanson de Tinariwen de 1994: « Nous avons touché le fond quand nous nous sommes mis à nous pourchasser dans le désert. Nous l’attestons que nous vivons au milieu de ruines. »
L’État malien prend fait et cause pour le M.P.A contre l’A.R.L.A et le F. I. A.A qui avaient repris les hostilités après la création de Ganda-Koy, en lui offrantt des mitrailleuses, les sources parlent de 7 et des munitions dans le cadre de l’opération « Faso kanu ». Avec sa nouvelle puissance de feu et l’appui de l’armée malienne, c’est toutes les bases qui seront demantelées l’une après l’autre. Ironie de l’Histoire, suite aux événements de 2012, ce sont les anciens de l’A.R.L.A réunis au sein du GATIA et les anciens du F.I.A.A réunis au sein de la Plate-Forme qui combattent les autres pour préserver l’intégrité nationale du Mali.
Après ces événements, en 1995, comme si de rien n’était, sans avoir trouvé un moyen permettant aux deux communautés de se retrouver, de se parler, de trouver les terrains d’entente possibles, tous sont revenus s’intégrer et ont continué à vivre en ruminants leurs rancœurs chacun de son côté.
À la lumière de tout ce qui vient d’être dit, je pense que vous serez capables de vous faire vos propres convictions et votre propre approche afin de solutionner de manière définitive ce malaise et ce mal-être qui à la longue peut nous être fatal à tous.
Car selon des sources bien informées, les Imɣad constituent 30% de la C. M. A. et je le crois puisque je vois sur les réseaux sociaux certains les nommer « Ilehiyan »(les compléments d’effectifs).
Imaginer donc la somme des souffrances et de déchirement que vivent les familles qui ont des proches dans chaque camp.
Algérie: Mali, Azawad, touaregs, Maures,