Dans les documents divulgués par le mystérieux « Chris Coleman », il y a quelques perles. Comme celle-ci. Dans l’un des mails envoyés par Karim Karimi, en fait Mourad El Ghoul, le directeur du cabinet du « Chef », le directeur général de la DGED (Direction générale des études et de la documentation), Mohamed Yassine Mansouri, et adressé à Ahmed Charaï, le premier demande au second de faire publier un article.
« Veuillez trouver ci-joint un article à publier, cordialement », écrit-il. L’envoi est daté du 25 novembre 2011 et l’article, en arabe, est intitulé « Mustapha El Khalfi et la politique de la fuite en avant » (مصطفى الخلفي و سياسة الهروب إلى الأمام), signé par « Khalil Abou Firassi, blogueur ».
Pour rappel, le 25 novembre 2011 était le jour des élections législatives marocaines, consécutives à la réforme constitutionnelle du 1er juillet 2011. Ces élections seront remportées par le Parti de la justice et du développement (PJD), avec 27,08 % des suffrages exprimés, c’est-à-dire 107 sièges sur 395.
Mais ce jour-là, après la fermeture des bureaux de vote, Mustapha El Khalfi, qui était directeur du programme électoral du PJD avait émis sur la chaîne de télévision 2M, quelques timides critiques sur le déroulement des opérations de vote.
Mais la DGED veillait. Avec la rapidité du vent ce service secret confectionna un article de réponse aux propos d’El Khalfi sur 2M par l’un de ses « nègres de service » et l’envoya à Charaï pour publication. Le mail indique 22h17.
Nous avons cherché cet article et nous l’avons trouvé. Il fut publié le lendemain sur le site arabophone Al Khabar (الخبر).
Avec le même titre, « Mustapha El Khalfi et la politique de la fuite en avant » (مصطفى الخلفي و سياسة الهروب إلى الأمام), les mêmes paragraphes, la même ponctuation et bien entendu la même signature : « Khalil Abou Firassi, blogueur ».
Ce qui nous amène à deux conclusions. La première c’est que le champ d’action d’Ahmed Charaï va au-delà des médias qu’il dirige au Maroc. La deuxième est que la DGED, qui est un service de renseignements et de contre-espionnage dédié à l’extérieur, n’opère pas seulement à l’étranger, mais également au Maroc.
C’est donc, avec sa collègue DST, une vraie police politique qui s’implique activement dans la vie du pays sans, il est vrai, se souiller les mains en pratiquant la torture.
Ali Lmrabet
Demain Online, 6 juillet 2015