Ça y est, le candidat de la majorité, à la présidentielle de Juin prochain, est désormais connu. On le pressentait, depuis longtemps déjà, mais, avec la tentative, heureusement infructueuse, de certains députés de tripatouiller la Constitution pour ouvrir la voie à un troisième mandat, il était passé au second plan. Avant un retour, tout en douceur, sur le devant de la scène.
Pour faire passer le message, Ould Abdel Aziz, tout frais émoulu d’une escapade émiratie pas si innocente que ça, n’a pas attendu le congrès de l’UPR, prévu le 2 Mars. Un parti qu’il a pourtant fondé ex nihilo mais à qui il ne voue, manifestement pas, une grande estime.
Recevant quelques députés, il leur a signifié sa préférence. Juste ce qu’il fallait pour que les flagorneurs commencent à baver. Certains, engagés à fond, jusqu’alors, pour un troisième mandat, n’hésitent pas à retourner leurs plumes pour vanter les mérites d’un homme « qui ne peut être que le meilleur, puisqu’il a été choisi, par le Président fondateur, pour continuer l’œuvre de construction nationale » (sic). Est-il écrit « quelque part », que nous ne sortirons jamais de ce cercle vicieux de la flagornerie, du mensonge et de l’aplatissement ?
Qui sera-t-il, le futur président aura, en tout cas, beaucoup ; beaucoup grain à moudre, s’il veut nous débarrasser de ces tares. Et beaucoup de travail, pour redresser une économie moribonde, résorber le chômage, payer notre dette, colossale ; trouver des solutions aux problèmes de l’éducation et de la santé, instaurer une réelle justice sociale, mettre fin à la gabegie et au favoritisme.
En bref, il faut, au plus vite, neutraliser le « guichet unique » ; plus exactement, le fermer définitivement : c’est la source de toute gabegie, népotisme, clientélisme… une source où s’abreuve la mal-gouvernance qui a miné notre pays, ces dix dernières années, malgré les ressources, gigantesques, engrangées par notre économie, suite, non seulement, au renchérissement des prix des matières premières mais, également, à la dette contractée, sur notre dos, par une équipe d’incompétents et de malhonnêtes, qui n’avaient qu’un seul objectif : obtenir des financements pour faire tourner les sociétés du chef.
Bref, mettre un pays pourri, par tant de pratiques frauduleuses, dont les maigres ressources ont été pillées, au cours des dernières décennies, et qui n’a donc connu aucun répit, sur le chemin de la normalité. Normalité dans l’attribution des marchés publics. Normalité dans les recrutements et les promotions. Normalité dans les décisions de justice. Normalité dans les élections. Normalité en tout. Serait-ce trop demander ?
Le poisson, tout comme les Etats, pourrit par la tête. Une pourriture qui aura suffisamment atteint le nouveau Président, avant son investiture, en Juin prochain, pour espérer poursuivre sa gangrène ? « Ô musulmans, vos dirigeants sont à l’image de vos œuvres », disait Sheikh Raslan. Une célèbre sentence musulmane, tout aussi reconnue, ailleurs : « Toute nation a le gouvernement qu’elle mérite », énonçait ainsi, au 19ème siècle, Joseph de Maistre. Ce serait donc en chacun de nous, en chacune de nos œuvres, que se jouerait, d’abord et en définitive, l’assainissement de notre Nation ?
Ahmed Ould Cheikh
Le Calame, 6 fév 2019
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