Les officiers de Sa Majesté
Mahjoud Tobji
Pour la première fois depuis l’indépendance du royaume, voici cinquante ans, un officier marocain ose parler de l’armée marocaine. Avec une franchise brutale, à la mesure de ses désillusions Créées au printemps 1956 et placées immédiatement sous les ordres du Prince héritier Moulay Hassan, futur Hassan II, les Forces armées royales (FAR) comptent alors de nombreux officiers de valeur, monarchistes sans états d’âme.
Mais, rapidement, un profond malaise s’installe dans cette armée de qualité dont une partie importante de la hiérarchie supporte de plus en plus mal les excès et dérives du jeune Hassan II. Ces fortes tensions sont à l’origine des deux tentatives de coup d’Etat en juillet 1971 et en août 1972. C’est à cette époque que le lieutenant Mahjoub Tobji, alors âgé de 26 ans, entend avec stupéfaction un monarque miraculeusement épargné « conseiller » à plusieurs centaines d’officiers de « faire de l’argent, pas de la politique ».
Un nouveau type d’officier, affairiste et opportuniste, fait ainsi son apparition. Patriote exigeant, Mahjoub Tobji assiste, impuissant et révolté, à la lente dégradation d’une institution qui représentait toute sa vie. Sur le front du Golan ou au Sahara occidental, il tente d’oublier la triste réalité, mais est presque toujours rattrapé par les combines et les petites ou grandes lâchetés de sa hiérarchie.
Aide de camp, à son corps défendant, du très puissant général Dlimi, il est arrêté quelques jours après l’assassinat de ce dernier en janiver 1983. Il découvre alors la face la plus sombre du régime : tortures, harcèlement, manipulations, corruption… Une rencontre étonnante avec Hassan II, à Paris où il a réussi à fuir, lui permet de regagner le Maroc en décembre 1985. Mais sa carrière militaire est terminée. Il ne recevra plus jamais d’affectation ou de promotion et restera commandant plus de vingt-cinq ans jusqu’à sa retraite, en 2002.
Ces vingt dernières années ont laissé à Mahjoub Tobji beaucoup de temps pour réfléchir à son expérience passée. Les contacts qu’il a conservés avec différents camarades lui ont permis d’être tenu régulièrement informé de l’état de la troupe. Pour pouvoir écrire librement, il s’est installé en Europe. Il espère de tout coeur que le jeune roi Mohammed VI, fort de sa légitimité, pourra enfin donner un coup d’arrêt aux calamités qui frappent le pays et menacent ses institutions les plus représentatives, à commencer par son armée.
LE commandant Tobji était connu pour être l’homme du général Dlimi qui contrôlait à cette époque tous les services secrets du pays et était le responsable direct des lieux de détention secrets comme Tazmamart et quelques points au Sahara. Tobji avait fui le Maroc après une détention au secret d’où il avait réussi à s’évader. Une source bien informée révèle que l’homme avait embarqué clandestinement sur un bateau allant en Espagne.
Sans aucun doute, le livre de Tobji fera couler beaucoup d’encre. Non pas sur les motifs de la disparition du général Dlimi, mais sur les généraux qui sont toujours en vie et/ou en activité. En effet, les révélations de Miloud Tobji sur les généraux marocains qui ont détenu ou détiennent encore les reines du pouvoir sécuritaire ne vont pas passer inaperçues. Plusieurs noms de personnalités influentes (parfois non militaires) au sommet de l’Etat sont cités, comme celui de Driss Basri qui n’était à l’époque, selon le livre, qu’un homme du général Dlimi, le vrai maître du jeu. Ou celui du général Laanigri, du général Kadiri… Même le nom de Fouad Ali Al Himma y est évoqué.
Le livre donne de supposées informations sur la corruption, le trafic d’influence et les affaires des plus hauts officiers de l’armée. Le plus surprenant, ce sont les détails sur les opérations militaires au Sahara, avec deux noms cités à ce niveau : ceux du général Hosni Benslimane et du général Abdelaziz Bennani.
Après la disparition de Dlimi, selon Tobji, c’est Housni Benslimane qui est devenu le maître du jeu. Selon certaines rumeurs, le véritable auteur du livre ne serait pas le commandant Miloud Tobji, mais Driss Basri lui-même.
Le nom de Jean Pierre Tuquoi, journaliste du quotidien français « le monde » circule également. Il aurait, toujours selon la rumeur, contribué à la rédaction du brûlot. Tuquoi couvre pour le journal le monde tout ce qui est en relation avec le Maroc. Ses positions anti-marocaines sont connues. Il est aussi l’auteur de livres interdits au Maroc comme « Le dernier roi, crépuscule d’une dynastie (2001) » et « Majesté, je dois beaucoup à votre père… : France-Maroc, une affaire de famille ».
Driss Basri, quant à lui, avait déclaré depuis longtemps qu’il publierait un livre où il révélerait beaucoup de choses. Ces rumeurs qui associent Basri au pavé « les officiers de Sa Majesté » se fondent sur le fait que plusieurs informations citées dans le livre ne pouvaient être détenues que par Basri.
Comme l’origine des émeutes de Fès en 1990 et de Laâyoun en 1999. Tobji était depuis longtemps en exil et n’avait pas accès à ce genre d’informations confidentielles que détient habituellement le ministre de l’intérieur. Interrogé sur cette question Tobji affirme : « Basri ne m’a donné aucune information. Le seul secret qu’il m’a divulgué, c’est la disparition d’un commandant de gendarmerie ».
Questions à Mahjoub Tobji
Des rumeurs laissent entendre que c’est Basri qui est derrière le livre ?
C’est absolument faux. Basri n’a rien à me donner comme informations. Le seul secret qu’il m’a divulgué, c’est
La disparition d’un commandant de gendarmerie. Vous ne craignez pas que le livre soit interdit au Maroc ?
Je suis sûr que Housni Benslimane fera tout pour interdire le livre ou nuire à sa distribution par toutes sortes de moyens. Mais vous savez, même le livre de Gilles Perault « notre ami le Roi » circulait au Maroc sous le manteau.
Par rapport au Roi, comment situez-vous votre action de divulguer des informations confidentielles sur l’armée et les services secrets ?
Mon action n’est pas contre le Roi, au contraire, mon livre est au en faveur de la monarchie. C’est pour cela que j’ai consacré tout un chapitre au Roi.
L’auteur des « officiers de Sa Majesté » est en grève de la faim
19 mai 2013
Mahjoub Tobji, auteur du livre « Les officiers de Sa Majesté » et ex-commandant marocain aux Forces Armées Royales, est en grève de la faim depuis mardi, après avoir été privé de sa retraite depuis novembre 2012. Tobji dénonce dans son récit l’autorité incontestée du Général Hosni Benslimane au Maroc.
Les quarante années de services rendus à l’armée marocaine n’ont pas empêché l’état major militaire du Royaume de mettre l’auteur en disgrâce, depuis la publication de son livre en 2006 où il décrit également les circonstances de son emprisonnement et de son évasion vers la France.
Tobji raconte comment il avait été gracié par Hassan II et avait décidé de rentrer au Maroc. En 2002, juste après sa retraite, il décide de repartir en France pour y vivre. Il choisit de s’installer à Pau où il mène plusieurs activités bénévoles.
Sa vie bascule en 2006, après la parution de son livre « Les officiers de Sa Majesté », tiré à 5000 exemplaires et réédité à plusieurs reprises, dans lequel il s’en prend violemment au Général Benslimane, qu’il accuse de vouloir instaurer une dictature militaire au Maroc.
En octobre 2012, déterminé à passer son message au Roi Mohammed VI, il tient un sit-in devant le château du souverain à Betz dans l’Oise. Cette manifestation aurait suscité la colère de l’état major militaire, conduisant au blocage de sa pension de retraite.
Ses lettres adressées aux responsables Français et à Amnesty international n’ayant eu aucun effet, Mahjoub Tobji, ne compte pas baisser les bras. La grève de la faim étant son ultime recours pour faire valoir, dit-il, son droit à la retraite.
« Les officiers de Sa Majesté » : Qui a écrit ce nouveau brûlot sur le Maroc ?
Un ancien commandant, proche du général Dlimi, vient de publier un livre sur les généraux marocains. Le commandant Mahjoub Tobji avait quitté le Maroc après la disparition de Dlimi. Exilé depuis, en France, il fait parler de lui cette semaine avec un brûlot édité chez fayard dont on dit qu’il a été écrit par d’autres….