Algérie : la présidentielle et le scénario à la russe !

Le 31 décembre 1999, Boris Eltsine démissionne du poste de Président de la Fédération de Russie. Son chef de gouvernement, Vladimir Poutine, assure alors l’intérim avant de se faire élire Président.

Une année auparavant, Poutine, un officier du KGB, avait été nommé conseiller d’Eltsine puis directeur du FSB en prévision de cette transition. Le maître d’œuvre de ce scénario imprévisible était un tout puissant oligarque russe : Boris Abramovitch Berezovsky, très proche d’Eltsine.

Le journal L’Humanité du 26 avril, 2007 décrit les raisons et les conditions de ce départ en douceur :

« La gabegie, la corruption galopante des années Elstine, les frasques du chef de l’État, l’emprise de la famille de l’ancien chef du parti de Sverdlovsk conduisent alors les dirigeants russes à confier la maison Russie à Vladimir Poutine, responsable du FSB (ex-KGB).

Pendant la période 1992-1999, on parle d’une fuite de capitaux de l’ordre de 120 milliards de dollars qui auraient été placés sur des comptes à l’extérieur du pays. La condition pour assurer le départ en douceur du président russe consistait à lui assurer l’immunité, ainsi qu’à sa famille. Le 31 décembre 1999, Eltsine, qui avait subi un quintuple pontage coronarien, annonce son départ à la télévision. ».

Le 18 avril 2019, Bouteflika, malade, muet et impotent, sera vraisemblablement réélu pour la cinquième fois Président de la République algérienne. Les conditions de gabegie, de corruption et de fuite de capitaux en Algérie sont semblables à celles de la Russie de 1999. Il est facile d’identifier parmi l’oligarchie algérienne un Berezovski et à l’ombre du sérail un homme qui pourrait devenir responsable des services de sécurité puis vice-président de la république pour reproduire à l’identique le scenario russe en Algerie.

Souvenez-vous du Général Lebed qui se présenta comme candidat à la Présidentielle en 1996 contre Eltsine avant de le rallier. Après avoir été nommé au Conseil de Sécurité, il fut relégué en Sibérie où il périt dans un accident d’hélicoptère pour laisser place à l’émergence de Poutine.

Aurons-nous alors un Lebed-Ghediri et un Poutine-Hamel pour réaliser ce scénario ? Tout est possible.

Quid alors du vice-ministre de la Défense nationale : Gaïd Salah ?
Le journal Les Echos du 19 juin 1996 rapporte : «Boris Eltsine a nommé hier Alexandre Lebed aux postes de secrétaire du Conseil de sécurité et de conseiller présidentiel pour les questions de sécurité nationale, tout en annonçant le limogeage du ministre de la Défense, Pavel Gratchev. Lebed, qui a remporté près de 15 % des suffrages au premier tour de la présidentielle russe, entre donc au Kremlin tandis que le général Gratchev, bête noire des démocrates, qui le considèrent comme l’un des responsables de la désastreuse intervention en Tchétchénie, en sort. ».

Dans ce scénario russe, Ahmed Gaïd Salah est tout indiqué pour subir le même sort que son homologue Gratchev.

Beaucoup d’indices rendent ce scénario possible. D’abord la préservation du général Abdelghani Hamel de toute tentative de poursuite judiciaire et sa protection présidentielle contre la tentative de Gaïd Salah de l’emprisonner en même temps que ses collègues généraux dont le commandant de la Gendarmerie Nationale puis son maintien dans sa résidence de fonction de la Sûreté nationale malgré les efforts effrénés de son successeur pour l’en faire sortir.

Ensuite, les innombrables sorties du candidat Ghediri visant Gaïd Salah et préservant le « Grand frère » Président Bouteflika qui en font un allié potentiel de la famille du Président dans leurs efforts de se débarrasser de l’encombrant et ambitieux chef d’Etat-major. D’ailleurs certaines sources « complotistes » voient dans la candidature du général-major Ghediri un deal entre l’intrigant et encore puissant ancien chef du DRS, le général-major Médiene et Saïd Bouteflika, le frère du Président.

Si Ali Ghediri passe le cap du Conseil constitutionnel, il deviendra l’adversaire principal du candidat Bouteflika et si on lui accorde comme Lebed 15% des voix, il pourra alors négocier sa nomination comme Ministre de la Défense en remplacement de Gaïd Salah. On verra alors le général-major El Hamel revenir comme Ministre de l’Intérieur et de la Sécurité Publique pour chapeauter les services de l’ex-DRS et il ne restera alors qu’à organiser une révision de la Constitution pour créer le poste de vice-président, révision rejetée jusque-là par le tumultueux Gaid Salah. Abdelghani Hamel sera alors nommé Vice-président par Bouteflika et il ne restera alors à ce dernier qu’à démissionner pour que Hamel devienne Président de la République sans élections jusqu’en 2024. Un délai suffisant pour exterminer les reliques Bouteflikiennes : Ouyahia, Haddad, Sellal et tous les soutiens du 5e mandat en mettant sur leurs dos le gigantesque ratage économique et l’immense corruption de ces deux dernières décennies.

Le Président Hamel, assurant l’immunité à Said Bouteflika et Mediene « Toufik » pourra alors savourer les procès publics de Gaid Salah et Ouyahia. Quant à Ghediri, il sera mis à la retraite et ne devra, surtout pas monter dans un hélicoptère avant sa retraite.

Auteur : Hassan Bouabdelli, officier à la retraite

Source: Le Matin d’Algérie, 7 fév 2019