PARIS (Reuters) – Le tribunal administratif de Paris a rejeté vendredi, à la veille d’une nouvelle journée de manifestations de “Gilets jaunes”, deux demandes d’interdiction de l’utilisation des lanceurs de balles de défense (LBD) déposées par la CGT avec le soutien de la Ligue de défense des droits de l’Homme (LDH).
L’Union départementale de Paris de la CGT avait demandé au tribunal d’ordonner au préfet de police d’interdire l’utilisation de cette arme intermédiaire samedi et le 5 février. La CGT demandait pour sa part au ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, de l’interdire “sur l’ensemble du territoire national” lors des prochaines manifestations.
Le tribunal administratif a reconnu dans sa décision que près de 1.000 tirs de LBD depuis le 24 novembre avaient provoqué à Paris des “blessures graves chez 33 personnes, dont 28 ont été touchées à la tête”. S’y ajoutent plusieurs dizaines d’autres blessés en province, selon l’association “Désarmons-les”.
Mais le tribunal a notamment estimé que les instructions données ces jours-ci par le ministre de l’Intérieur et le préfet de police de Paris écartaient les risques d’excès et qu’une interdiction n’était donc pas justifiée.
Il a par ailleurs jugé que la requête de la CGT, demandant au ministre de l’Intérieur d’interdire l’usage de LBD sur tout le territoire, relevait de la compétence du Conseil d’Etat et non de la sienne.
L’avocate de la CGT, Lorraine Questiaux, conteste ces décisions et les arguments avancés par le tribunal. Elle a déclaré à Reuters qu’elle déposerait lundi un appel auprès du Conseil d’Etat.
“Pour nous, ce n’est pas forcément un échec”, a-t-elle cependant ajouté. “Cette décision est une mise en garde adressée à la préfecture de police de Paris. La manifestation de demain sera un test sous haute surveillance pour le gouvernement.”
“S’il devait y avoir un usage illégal de LBD et des blessés, cela serait autant d’arguments en faveur de notre appel devant le Conseil d’Etat”, a-t-elle ajouté.
L’UD CGT de Paris et la LDH n’en estiment pas moins dans un communiqué que la décision du tribunal administratif “envoie un signe particulièrement inquiétant” et constitue “une très mauvaise nouvelle pour les manifestants et, plus largement, pour le droit de manifester son opinion sans risquer sa vie ou son intégrité physique”.
L’avocat de la LDH, Arié Alimi, a également dit à Reuters que la suite se jouerait au Conseil d’Etat : “Nous allons demander la suspension des LBD sur l’intégralité du territoire.”
L’usage de LBD par les forces de l’ordre a suscité une vive polémique ces dernières semaines. Le Défenseur des droits, Jacques Toubon, a ainsi demandé au gouvernement de suspendre leur utilisation.
Le directeur général de la police nationale, Eric Morvan, a pour sa part rappelé à ses troupes, dans une circulaire, quelles étaient les conditions d’utilisation de cette arme.
Eric Castaner a justifié cette utilisation dans le maintien de l’ordre pour éviter des contacts physiques, voire le recours par les policiers à leurs armes de poing dans les cas extrêmes.
Mais il a annoncé mardi que les policiers équipés de LBD opéreraient désormais en binôme avec un collègue porteur d’une “caméra-piéton”, dispositif qui sera testé samedi lors des manifestations de “Gilets jaunes” à Paris.
Reuters