Le 20 novembre 2010, les autorités marocaines ont expulsé deux médecins belges qui séjournaient au Sahara Occidental.
En réponse à la dépêche de l’agence Belga à ce sujet, l’ambassadeur du Maroc à Bruxelles a envoyée cette lettre en guise de « droit de réponse » à la dépêche.
Bruxelles, le 22/11/2010
A
Monsieur le Directeur Général de l’agence Belga.
Dans une dépêche intitulée « deux médecins belges arrêtées et expulsées par le Maroc », émise hier, dimanche 21 novembre par votre agence de presse, le journaliste rédacteur fait état d’une situation en se basant uniquement sur un communiqué du « comité belge de soutien au peuple sahraoui ».
A aucun moment en effet, la parole n’est donnée à un représentant des autorités marocaines, pourtant fustigées tout au long du papier ; pas une seule fois « la version » du Royaume concernant les faits, n’est rapportée à vos lecteurs et abonnés.
L’absence de point de vue du Maroc que j’ai l’honneur de représenter auprès du Royaume de Belgique, peut être en soi, considérée comme une position de votre agence.
Cette prise de position s’accentue scandaleusement par une atteinte grave des règles de l’éthique journalistique et de la déontologie professionnelle, lorsque des informations erronées sont extraites du communiqué du comite en question, sans être dument vérifiées ou corroborées par votre journaliste.
Ainsi, lorsqu’il avance que les deux médecins sont en « mission humanitaire », il ne précise pas par qui elles ont été « missionnées », tout simplement, par ce qu’elles ne font partie d’aucune organisation humanitaire connue. Ces deux personnes sont arrivées clandestinement à Laayoune et ce par voie terrestre puisqu’elles ont atterri à l’aéroport international de Casablanca, se présentant aux autorités compétentes comme de simples « touristes » au Maroc. A aucun moment, elles n’ont évoqué cette prétendue « mission humanitaire » par ce qu’elle n’existe tout simplement pas.
Ce qui existe par contre, ce sont les liens que l’on peut clairement établir entre l’une des deux médecins, Marie Jeanne Wuidar avec le « comité belge de soutien au peuple sahraoui ». D’ailleurs, le fait qu’elle soit accueillie et saluée à l’aéroport par le représentant du polisario en Belgique, en est une preuve flagrante.
Par ailleurs et s’agissant de Mohamed Lamin Haddi, présenté comme un militant des droits de l’homme par votre journaliste, il est connu pour ses liens avec le polisario et c’est bien à travers « le comité belge de soutien au peuple sahraoui » que le contact a été établi avec les deux médecins.
Contrairement à ce que laisse scandaleusement penser votre journaliste, Mohammed Lamin Haddi qui était recherché par la police marocaine, n’est pas « disparu », mais bien en état d’arrestation pour des actes liés aux violences du 8 novembre dernier.Son sort est donc parfaitement connu et est entre les mains de la justice.
Plus loin dans la dépêche et s’appuyant, encore une fois, uniquement sur le communiqué du comité, il qualifie la situation humanitaire et sanitaire dans la ville marocaine de Laayoune de « préoccupante », avançant également qu’elle serait « isolée » par le Maroc.
C’est induire volontairement en erreur vos lecteurs que d’avancer cela alors qu’au moment même où je m’adresse à vous, des journalistes des quotidiens espagnols « El Pais » et « El Mundo » ainsi qu’un représentant du quotidien américain le « New York Times » , pour ne citer qu’eux, couvrent le plus normalement du monde l’information à Laayoune.
Avant eux, les envoyés spéciaux, notamment des quotidiens français « Le Monde » et « Le Figaro », ou encore du quotidien américain le « Washington Post », on couvert les événements sans jamais être inquiétés.
Il est également tout a fait faux de dire que la seule organisation non gouvernementale qui a été autorisée à se rendre à Laayoune est « Human Rights Watch » alors que « Amnesty International » y a envoyé deux de ses représentants et que d’autres organisations des droits de l’homme ,marocaines notamment, se sont rendues sur place pour enquêter sur les violences qu’à connue la ville le 8 novembre dernier.
Je citerais pour exemple l’ « Organisation Marocaine des Droits de l’Homme » dont la présidente est également vice présidente de la FIDH, « Fédération Internationale des Droits de l’Homme », qu’on ne peut taxer de complaisance vis-à-vis du Maroc.
Par ailleurs votre journaliste reprend sans sourciller : « il est impossible de connaitre la situation réelle et les conséquences exactes de l’attaque contre le camp où s’étaient regroupés de façon pacifique environ 20 000 sahraouis ».
Le respect des règles professionnelles aurait imposé à votre journaliste d’étayer cette partie avec des témoignages de personnes ayant habité le camp ou encore en interrogeant les membres du comité représentant ces populations. Ils ont pris la parole à de multiples reprises et auraient pu permettre à votre journaliste de « crédibiliser » son papier.
Je dirais même qu’aucun des médias internationaux qui ont couvert ces événements sur le terrain, ni aucune des personnalités étrangères ayant commenté ces événements, n’a jamais fait état de l’impossibilité d’obtenir des informations sur la situation réelle sur place.
Bien au contraire, le bilan est public et a été confirmé par plusieurs organisations et médias internationaux qui se sont entourés, eux, des règles les plus élémentaires d’investigation pour arriver, en toute indépendance, à leurs propres conclusions.
Pour exemple, le représentant de l’organisation américaine « Human Rights Watch », vient de passer 5 jours à Laayoune. Son témoignage auprès de la presse internationale, notamment l’agence espagnole de presse EFE, la télévision TVE et le Washington Post, corrobore le bilan de 13 morts rendu public par les autorités marocaines, dont 11 parmi les forces de l’ordre.
Les deux autres victimes sont décédées l’une heurtée par un véhicule et l’autre à l’hôpital, victime d’une crise due à une pneumonie. Ces deux décès font l’objet d’une enquête ouverte par le procureur du Roi, et ce en dépit des nombreux témoignages qui attestent des circonstances qui les ont entourées.
J’ajouterais, devant l’utilisation du mot « attaque » par votre journaliste, que le rapport réalisé par le représentant de la Minurso (Mission des Nations Unies pour le Sahara Occidental), confirme qu’aucun coup de feu n’a été tiré par les forces de l’ordre marocaines, lors du démantèlement pour des raisons de sécurité, du campement.
Enfin pour ce qui est du chiffre avancé par le comité et repris par votre journaliste, sachez qu’il est totalement fantaisiste puisqu’il a été établi, suite au démantèlement qui a duré moins d‘une heure, qu’il n’y avait pas plus de 7 000 personnes au plus fort de la fréquentation du camp, sachant que des milliers de personnes l’avaient quitté une fois leurs revendications sociales satisfaites.
Différents témoignages recueillis sur place, attestent qu’à peine un millier de personnes passait la nuit dans le campement, les autres y restaient la journée et retournaient à leur domicile le soir venu.
Je terminerais en évoquant le cas de Guillaume Bontoux, présenté dans votre dépêche comme un correspondant du quotidien le soir. Il s’agit en réalité d’un journaliste free lance qui travaille donc, pour plusieurs publications. Tout comme les deux médecins, il s’est présenté aux autorités compétentes comme un simple « touriste », étudiant de surcroit, et sur cela, pas un mot dans votre dépêche.
Rarement, en tant que diplomate, je n’ai eu à constater à la fois autant d’incompétence, de mauvaise foi et de manipulation des faits, ce qui n’honore pas, loin s’en faut, une institution de surcroit publique comme l’agence Belga.
Aussi, suis-je en droit, en ma qualité d’Ambassadeur du Royaume du Maroc, et compte tenu de la gravité des allégations et erreurs professionnelles exposées plus haut, un droit de réponse dans les meilleurs délais, afin de rétablir auprès de vos lecteurs et abonnés, la vérité quant aux circonstances de l’expulsion et les évènements qu’a connus s la ville marocaine de Laayoune, le 8 novembre dernier.
Je suis convaincu que vous ne pourrez que constater vous aussi, Monsieur le Directeur Général, le préjudice inacceptable subi par le Royaume du Maroc, suite à la diffusion de cette dépêche.
Dans l’attente, je vous prie d’agréer, Monsieur le Directeur Général, l’expression de mes salutations distinguées.
Copie à Madame la Ministre de la Culture et de l’Audiovisuel.
Copie à Monsieur le Ministre des Affaires Etrangères.
Copie à Monsieur le Directeur de l’information de la RTBF.
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