Au Maroc, l’instrumentalisation de la menace terroriste permet de réaliser plusieurs objectifs à la fois :
– Légitimer une politique sécuritaire qui a permis au régime de mater les manifestations qui secouent le Maroc depuis le décès du jeune marchand de poissons d’Al Hoceima qui fut broyé par le camion à ordures de la municipalité.
– S’ériger devant les puissances occidentales comme allié incontournable dans la lutte antiterroriste.
– Faire pression sur les pays européens en vue de les amener à signer des accords commerciaux : agriculture et pêche.
– Solliciter des aides financières « pour combattre le terrorisme ».
Suite aux attentats du 28 mai 2003 à Casablanca, plusieurs responsables de la presse marocaine ont fait l’objet de poursuites : Mustapha Alaoui, directeur de l’hebdomadaire arabophone Al Ousboue, poursuivi « pour apologie d’un crime terroriste par voie de publications exposées à la vente », en raison de la reproduction du texte d’une organisation inconnue, Assaïqa, qui revendique la préparation de trois des cinq attentats de Casablanca, et condamné le 11 juillet à un an de prison avec sursis ; Mohamed El-Hourd, directeur de l’hebdomadaire Asharq (Oujda), condamné à trois ans de prison ferme, pour avoir publié un texte d’un islamiste, Zakkaria Boughrara, faisant l’éloge de « l’action et du mouvement jihadiste au Maroc ». Deux autres journalistes, Abdelmajid Ben Tahar, rédacteur en chef d’Asharq, et Mustapha Kechini, directeur d’un autre hebdomadaire d’Oujda, Al-Hayat Al-Maghrebia, seront également condamnés pour les mêmes faits, mais sur une autre base légale, pour « incitation à la violence ».
En 2013, le journaliste Ali Anouzla a été emprisonné. La raison officielle : avoir publié une vidéo d’Al Qaïda qui menaçait le Maroc. La réalité : le régime lui reproche sa ligne critique envers le pouvoir marocain et les nombreuses affaires de corruption qu’il révèle lui ont attiré régulièrement des ennuis avec l’État marocain, mais surtout le fait d’avoir révélé la libération du pédophile Daniel Galvan, ce qui a déclenché des manifestations de colère partout dans tout le pays.
En 2017, le journaliste Hamid El Mahdaoui, directeur du site « Badil » a été arrêté le 20 juillet 2017, et condamné à trois ans de prison ferme pour son activisme dans l’affaire des manifestations du Hirak.
Cette fâcheuse habitude d’instrumentaliser la menace terroriste pousse de nombreux observateurs à juger l’assassinat des deux touristes scandinaves comme une nouvelle manœuvre du régime visant à sortir d’une conjoncture caractérisée par de nombreux échecs autant au niveau interne qu’externe.
Au niveau interne :
– les chiffres d’affaires des entreprises qui assuraient la survie du régime se trouvent dans le rouge à cause de la campagne de boycott menée par la classe moyenne marocaine.
– La dette extérieure supère 80 % du PIB
– Dégradation des institutions publiques telles que la santé et l’enseignement.
– Naissance d’un mouvement contestataire dans la région du Rif qui a conduit à l’emprisonnement de plus de 500 activistes et la prononciation de peines de 20 ans de prison ferme.
Au niveau externe :
– Dégradation des relations du Maroc avec ses alliés traditionnels : les USA, la France, l’UE et les monarchies du Golfe.
– Echec de l’accord de pêche avec l’UE dont le tribunal de justice a jugé illégal et décrété que le Sahara ne fait pas partie du Maroc.
– Le régime marocain pointé du doigt suite aux nombreux attentats terroristes qui ont secoué l’Europe et le Proche Orient et qui ont été exécutes par des ressortissants marocains.
– Négatif du président américain à recevoir le roi Mohammed VI.
Tout cela a poussé le régime à sortir les armes létales en sa possession : le terrorisme et la migration. Cependant, il y a un détail embarrassant : la légende construite par la police marocaine autour de ce meurtre ne tient pas debout. C’est un récit truffé de lacunes et de mensonges. En outre, les autorités marocaines ont évoqué, au début, le viol pour, ensuite, changer de version.