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Tunisie : Un climat d’incertitude en raison de la dépréciation continue de la monnaie nationale

L’amélioration du climat des affaires, la reprise de la production de phosphate, l’attraction des investisseurs étrangers, la diversification des marchés d’exportation et la lutte contre le marché informel de devises sont autant de composantes d’une stratégie qui peut accroître nos réserves en devises et fortifier notre monnaie nationale

Depuis la révolution, nos avoirs en devises ne cessent de connaître une dégringolade inquiétante. Une telle situation s’est répercutée négativement sur la valeur du dinar par rapport aux autres devises, notamment le dollar et l’euro. Il va sans dire que de tels facteurs ne sont pas à l’avantage des importateurs qui sont tenus d’importer régulièrement des biens pour faire tourner leurs usines. Le coût d’un produit importé est plus que le triple du prix affiché dix ans plus tôt. C’est dire le volume important du manque à gagner pour nos entreprises suite à la dépréciation continue de la monnaie nationale. Même l’Etat qui importe, lui aussi, des produits divers et des matières premières pour satisfaire les besoins des consommateurs, n’est pas à l’abri des effets pervers de cette dépréciation.

De plus, les produits importés — comme les céréales et les hydrocarbures — connaissent régulièrement une fluctuation des cours avec souvent des révisions à la hausse des prix. L’Etat est obligé d’importer ces produits car la production nationale est insuffisante. De surcroît, le carburant et les céréales sont compensés par l’Etat, ce qui grève davantage le budget et les avoirs en devises.

Une situation difficile

D’après les données disponibles de la Banque centrale de Tunisie (BCT), les réserves en devises au 31 décembre 2018 s’élèvent à 13314 millions de dinars, couvrant à peine 81 jours d’importations. Ces réserves ont observé une chute par rapport à la même date de l’année dernière de 12 jours d’importations. Cette situation est due à plusieurs facteurs endogènes et exogènes. On sait qu’après la révolution, il y a eu un relâchement du travail aussi bien dans le secteur public que privé. Et qui dit relâchement dit manque de productivité et donc diminution des quantités exportées. Les grèves et les sit-in qui sont un droit constitutionnel sont devenus plus fréquents et les arrêts de travail dans les entreprises ne se comptent plus.

Pourtant, la paix sociale constitue l’un des critères principaux dans l’attraction de l’investissement étranger. En effet, avant de choisir un pays pour installer leur unité, les investisseurs tiennent compte, entre autres, du climat social qui doit être sain, stable et durable. Or, ce n’est pas le cas encore dans notre pays. Les investissements directs étrangers constituent une source intarissable d’apports en devises. La nouvelle loi sur l’investissement ne semble pas avoir séduit plusieurs hommes d’affaires étrangers qui tiennent compte avant tout du cadre législatif sur le terrain.

Diversifier les marchés

Les devises proviennent, outre les investissements directs étrangers, des exportations. Or, le volume des ventes des produits tunisiens à l’étranger n’a pas connu, durant ces dernières années, une croissance notable. Notre premier marché demeure l’Union européenne. Ce marché n’est pas encore exploré à fond et plusieurs destinations demeurent encore vierges ou peu pénétrées. D’où la nécessité de multiplier les efforts — en impliquant toutes les structures concernées et les organismes d’appui — en vue de diversifier les marchés et d’augmenter les exportations. D’autant plus que la Tunisie a signé plusieurs accords de coopération économique et commerciale avec plusieurs pays étrangers.

Il est nécessaire, de même, de miser davantage sur l’Afrique et les pays lointains ou nouveaux comme l’Amérique du Nord, l’Asie et l’Australie pour promouvoir les produits tunisiens à valeur ajoutée qui ne sont pas encore connus dans ces marchés promoteurs. La participation aux foires et l’organisation de missions dédiées constituent, certainement, une solution pertinente pour faire connaître nos produits et contacter directement les clients qui sont des grandes chaînes de distribution, des centrales d’achat et de célèbres enseignes commerciales.

Pour accroître l’entrée des devises, il est impératif également de rétablir le rythme normal de la production du phosphate qui a fait l’objet, lui aussi et à plusieurs reprises, d’un arrêt de la production suite aux sit-ins des chômeurs qui ont occupé le rail pour empêcher le transport du phosphate.

La Compagnie des phosphates de Gafsa a été contrainte de recourir aux camions pour assurer cette mission. Les travailleurs ont même été empêchés de regagner leur poste de travail par les habitants qui ont contesté, entre autres, les résultats du concours de la Société de l’environnement et des plantations.

Une stratégie et une vision à long terme

L’absence de la Tunisie dans le marché du phosphate peut être occupée par un autre fournisseur. Heureusement, la production commence à reprendre son rythme habituel au cours des derniers mois, ce qui permet à notre pays d’approvisionner ses clients habituels sans souci.

Le tourisme constitue, lui aussi, une source appréciable de devises. L’année dernière, le secteur a connu une floraison importante. Tous les hôtels et les restaurants touristiques ont enregistré un chiffre d’affaires conséquent. Cependant, ces performances touristiques n’ont pas eu un grand effet sur nos avoirs en devises. Une telle situation serait due au fait que toutes les devises ne rentrent pas toutes en Tunisie mais sont confiées à des banques étrangères.

Le marché informel d’échange de devises, qui réside notamment dans les zones frontalières, est également responsable du manque des monnaies étrangères au sein de la BCT. Plusieurs personnes se sont converties en banquiers et n’hésitent pas à vendre les devises ou à en acheter en négociant le prix. Même dans le centre de Tunis, ces personnes sont visibles et agissent en toute impunité.

La Tunisie a besoin d’une stratégie et d’une vision à long terme pour consolider la monnaie nationale et accroître ses réserves en devises. Il faut agir sur tous les points faibles et résoudre les problèmes en suspens, à commencer par l’augmentation des exportations par la diversification des marchés, l’attraction de l’investissement direct étranger et la lutte contre le trafic des devises dans le marché illicite. L’amélioration du climat des affaires exige une stabilité et une paix sociale durable qui restent un défi à relever à l’heure actuelle.

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