Le printemps arabe s’invite à Paris
Une première dans les annales diplomatiques marocaines. Des fonctionnaires sous l’autorité directe du ministère marocain des affaires étrangères et de la coopération ont décidé d’ouvertement manifester, le 14 mai prochain, devant l’ambassade du royaume du Maroc à Paris, pour des droits qu’ils considèrent bafoués. Ces fonctionnaires font partie des différentes missions culturelles marocaines accréditées en France et dans plusieurs pays d’Europe dont La Belgique, Les Pays-Bas, La Grande Bretagne et L’Allemagne.
D’après leurs différents communiqués, ces fonctionnaires, envoyés par la fondation Hassan II pour les Marocains résidant à l’étranger pour enseigner aux enfants européens d’origine marocaine les rudiments de leurs langue et culture d’origine, se plaignent de la discrimination administrative et de l’absence de couvertures sociale et médicale sur leur lieu de travail. Ils s’estiment abandonnés par toutes les administrations marocaines auxquelles
Ils se sont adressés et sciemment laissés entre les mains d’une fondation n’éprouvant aucune considération pour ses fonctionnaires. Une fondation dont l’article 12 de ses statuts est frappé d’anticonstitutionnalité, depuis l’avènement de la nouvelle constitution marocaine instituant la corrélation entre la responsabilité et la reddition des comptes. Cet article hors la loi dispense la fondation du contrôle de l’état sur les deniers publics alors qu’elle manage entre 800 et 1000 postes budgétaires en principe toujours soumis au contrôle de l’état.
Ce sit-in, que ces enseignants veulent partie visible du grave dysfonctionnement administratif qu’ils subissent, est organisé afin de porter à l’opinion publique marocaine, française et européenne un cas de déni de droit, unanimement jugé, en complète inadéquation avec le droit du travail européen et en déphasage complet avec les principes de bonne gouvernance, de démocratie et des droits de l’Homme dont s’en revendique la nouvelle constitution marocaine.
Cependant, laver son linge sale en dehors des canaux administratifs familiers est interprété, par beaucoup de responsables marocains, comme une atteinte impardonnable à l’image du pays et un acte d’ingratitude envers une administration centrale qui, pensent-ils, œuvre au bien-être de ses fonctionnaires, sans distinction d’appartenance ou d’origine. Et c’est justement pour l’application de ces principes d’égalité de traitement et de respect des lois que ces enseignants organisent ce sit-in. Ils sont fonctionnaires de l’Etat marocain mais ne sont pas soumis aux mêmes règlements et conditions de travail appliqués à leurs collègues des autres ministères. Ils s’estiment administrativement dévalués, financièrement lésés, médicalement démunis, politiquement ignorés et diplomatiquement isolés.
Cette situation est d’autant plus intolérable que toutes les administrations marocaines se déclarent incompétentes ou incapables d’y remédier. La présidente de cette fondation est la Princesse Lalla Meryem, sœur du Roi du Maroc et que son président-délégué est Mr. Omar Azziman, conseiller de Sa Majesté. Deux personnalités publiques dont l’autorité doit être utilisée à bon escient par les responsables administratifs de cette fondation, clament ces enseignants. Fondation ayant de surcroit récemment intégré la liste des institutions à caractère stratégique dont la nomination des responsables relève exclusivement du ressort Royal.
Quant au dossier de l’enseignement de la langue et culture d’origine à l’étranger, il est classé outil stratégique ultra-sensible au Maroc, depuis belle lurette. Il permet de maintenir vivaces les liens d’allégeance au trône alaouite et l’appartenance au pays notamment en initiant les générations futures européennes d’origine marocaine aux valeurs citoyennes, culturelles et civilisationnelles que le Maroc leur prédestine.
Ce sit-in, s’il est mené à terme, constituera, sur le plan interne marocain, un cinglant camouflet au discours de transparence et de bonne gouvernance, sans cesse martelé par le nouveau gouvernement et son chef Mr. Benkirane, de même qu’il risque de mettre à mal les fragiles relations, jusque-là épargnées, entre le palais et la primature.
Sur le plan externe, il attirera certainement l’attention sur un enseignement de plus en plus décrié par les mouvements ultranationalistes européens et mettra en évidence l’incapacité du Maroc du statut avancé à se conformer à la loi européenne sur le travail.
Ce pays est soupçonné de maintenir ses fonctionnaires en Europe dans un état de semi-clandestinité. Ils ne sont déclarés officiellement fonctionnaires des ambassades et consulats que pour diplomatiquement dispenser la fondation Hassan II pour les Marocains résidant à l’étranger de ses obligations sociales, fiscales et médicales envers ses employés et les services fiscaux et sociaux des pays d’accueil.
Quel scandale en perspective !