A quelque six mois de la prochaine présidentielle – programmée en Juin 2019 – et alors que le pouvoir en place affine tranquillement son puzzle, l’opposition démocratique se mure, elle, dans un silence plus que troublant. Elle ne semble quasiment pas préoccupée de cette échéance électorale, pour ne pas dire, tout simplement, de son propre avenir.
L’entrée de plusieurs de ses leaders à l’Assemblée nationale l’aurait-elle affadie ? Ceux-ci paraissent surtout préoccupés de leur exercice parlementaire ; première expérience, il est vrai, pour certains d’entre eux.
Hormis quelques coups de gueule et maigres protestations, pas du tout à la hauteur de l’échéance en vue, l’opposition en serait-elle à se complaire, comme le croient certains, dans le plus mou des statu quo, même si des présidents de parti de sa plus grande coalition affirment que « les choses ne vont pas tarder à bouger » ? « N’écartant pas l’idée » d’une candidature unique en 2019, nul ne s’avance cependant à plus d’audace.
Jusqu’à quand ? Après certainement la prochaine présidentielle qu’elle ne fait manifestement rien, aujourd’hui, pour gagner. De quoi accréditer la thèse d’Ould Abdel Aziz selon laquelle il n’y aura pas d’alternance en faveur de l’opposition, « parce qu’elle en est incapable »…
Roulée, une nouvelle fois, dans la farine, lors des élections municipales, régionales et législatives de Septembre dernier, l’opposition préparerait-elle donc déjà son échec à la présidentielle ? Il existe pourtant un vrai potentiel qu’elle aurait pu capitaliser.
Car, en dépit des « Réalisations du Siècle » brandies, depuis des années, en matière d’infrastructures, lutte contre la gabegie, perspectives gazières et goudrons tous azimuts, la Mauritanie ne va pas bien, du moins dans l’écrasante majorité de sa population. De l’avis de tous les observateurs, y compris proches du régime, les énormes investissements effectués, sous le magistère d’Ould Abdel Aziz, n’ont profité qu’à une infime partie des Mauritaniens.
Le chômage des jeunes croît, l’emploi se raréfie, l’injustice sociale crève les yeux, les prix des denrées de première nécessité flambent, au gré de l’humeur des gros bonnets qui en contrôlent l’essentiel des importations, les mauvaises mœurs et autres comportements inciviques ne cessent de miner la société, tandis que court une tension politique quasi permanente, depuis Août 2008.
Toute une lame de fond sur laquelle l’opposition aurait pu surfer. Elle est restée, hélas, incapable de faire bouger la rue, pour peser sur l’agenda du pouvoir. L’un des leaders du FNDU disait, il y a environ deux ans, que si l’opposition parvenait à mettre dans la rue un million de manifestants, le pouvoir fléchirait. Un défi qu’elle n’a jamais réussi à relever.
Est-ce pour cela qu’elle n’a plus organisé, depuis des mois, la moindre marche ou meeting ? Des actions de masse qui ont fini par lasser les plus résolus, peinant à comprendre pourquoi les leaders de l’opposition refusent d’affronter les gaz lacrymogènes, comme cela se fait dans d’autres pays.
Même si elle a réussi à préserver, jusqu’ici, son unité, notamment au FNDU, l’opposition mauritanienne a tout de même du mal à accorder ses violons. L’absence de synergie, entre l’opposition réputée radicale (FNDU) et sa consœur dite « modérée » (dialoguiste), accusée de « jouer le jeu du pouvoir » et de « cautionner son agenda », fait largement le jeu d’Ould Abdel Aziz.
Le mauvais report des voix, au sein des alliances, lors des élections de Septembre, démontre combien peu les consignes de vote sont respectées. Idem pour les négociations secrètes engagées, entre le pouvoir et quelques partis du FNDU, qualifiées même de « trahison », par certains, doutant de leur prétention à « décrisper » les rapports, entre le pouvoir et l’opposition.
Entre agendas « cachés » et réelle « impuissance »…
Nombre d’observateurs n’hésitent point à évoquer des « agendas cachés » de ces partis qui pourraient, comme on l’imagine, fort bien invoquer, en réponse, les si faibles chances, pour l’opposition, de gagner des élections et, pour l’alternance démocratique, de prospérer, dans un pays où prévaut le vote tribal, voire ethnique, où l’argent et autres trafics d’influence, intimidations, menaces, de la part du pouvoir et de ses sbires, achat des voix et des consciences restent encore des facteurs décisifs du positionnement citoyen.
Ajoutons-y qu’en Mauritanie, l’incrustation de l’armée dans l’arène politique, depuis Juillet 1978, a puissamment contribué à vicier le jeu démocratique imposé par la Conférence de La Baule (1990). Si tu n’es pas dans le camp du pouvoir, ce n’est pas en rival ou concurrent que tu es considéré, mais en adversaire, voire ennemi à abattre. Jusqu’à même te priver des droits que la Constitution garantit à tous les citoyens.
Outre ces difficultés, l’opposition démocratique ne peut pas activer – et, donc, s’appuyer sur – une Société civile structurée et dynamique, forte de toute une diversité de mouvements citoyens, comme « Y’en a marre » au Sénégal, « Balai citoyen » au Burkina Faso, « Filimbi » et la « Lucha » en RDC. Sans une société civile déterminée, sans « Y’en a marre » et consorts, l’alternance au Sénégal n’aurait jamais eu lieu.
Le rôle du « Balai citoyen » fut déterminant, dans la chute de Compaoré, au Burkina Faso. En Mauritanie, les organisations de la Société civile sont à l’image de l’arène politique : toutes « connotées » et opportunistes. La « politique du ventre » a tout dénaturé, pour ne pas dire faussé. On voit ce qu’il reste à accomplir, pour que la démocratie mauritanienne parvienne à maintenir la tête hors de l’eau…