Sur un podium éphémère monté dans le « Stade 20.000 places » de Bangui, douze jeunes Centrafricaines aux jambes interminables se disputent la couronne de Miss Centrafrique 2018, cérémonie ressuscitée par la Russie dans ce pays en conflit depuis 2012.
Après avoir investi les champs politique et militaire de la République Centrafricaine, un des pays les plus pauvres du monde qui n’arrive pas à se sortir de la violence armée, la Russie déploie son +soft power+ par la culture et les médias.
Dimanche soir, au « Stade 20.000 places », une petite centaine de personnes – essentiellement des officiels et les familles des candidates – assistent au défilé de belles jeunes femmes vêtues de robes en tissu africain, perchées sur de hauts talons.
Difficile d’ignorer la présence du nouvel allié de la Centrafrique: des drapeaux russes sont placardés sur tous les murs d’enceinte, alors que les organisateurs gratifient les diplomates russes présents de chaleureux remerciements.
« A nos chers amis de la Russie, nous voulons vous remercier du fond du cœur pour les appuis que vous apportez à toutes les couches de notre société », lance Léa Floride Mokodopo, organisatrice du concours, avant d’accueillir chaudement Elmira Abdrazakova, Miss Russie 2013, venue spécialement à Bangui.
Cheveux noir de jais et robe beige échancrée de dentelle, elle monte sur scène pour remettre un chèque de 5 millions de francs CFA (7.621 euros) à un centre de santé, avant de prononcer un discours prônant la paix.
« La déclaration de Khartoum récemment signée est un gage de paix », finit-elle par lâcher au micro, dévoilant la bataille d’influence entre puissances qui se joue derrière l’organisation de divertissements culturels ou sportifs anodins.
Initié par la Russie en août, le sommet de Khartoum est une médiation entre les groupes armés qui occupent les 2/3 du pays pour tenter de trouver une issue à la crise que connait la Centrafrique depuis 2013.
Un sommet critiqué par des alliés historiques de la Centrafrique, dont la France, qui estiment que cette initiative concurrence celle menée par l’Union Africaine (UA) depuis juillet 2017.
– « Bangui la coquette » –
« Il n’y a aucune alternative, ni souhaitable, ni susceptible de réussir » en dehors de celle de l’UA, a déclaré en septembre Jean Yves Le Drian, ministre français des Affaires étrangères, en visite à Bangui.
Partenaire de l’événement Miss Centrafrique, la nouvelle radio Lengo Songö, retransmet la cérémonie en direct. Elle a été financée par la Russie, comme en témoigne le sponsor qui s’affiche sur les panneaux publicitaires déployés à Bangui: Lobaye Invest.
Cette entreprise d’extraction de diamant, considérée comme proche du Kremlin, a déjà décroché des contrats d’exploration en Centrafrique.
Outre cette radio, plusieurs journaux gratuits ont récemment vu le jour à Bangui, à l’instar de « La Feuille volante du président » qui, dans son numéro de septembre, saluait la fin de la formation par la Russie d’une promotion de militaires centrafricains.
Début 2018, Moscou a envoyé des armes et des formateurs pour redresser l’armée nationale, mise en déroute en 2013.
« La Feuille volante du président » louait aussi le « succès » du sommet de Khartoum et de « la coupe de l’espoir », tournoi de football organisé en août, en coopération avec la Russie.
Moscou avait également lancé un concours de dessins et de poèmes pour enfants, dont les vainqueurs avaient gagné un séjour dans un ancien camp des jeunesses communistes en Russie.
Il est minuit passé lorsque Charlène Sombo, ravissante étudiante en gestion de 23 ans déjà couronnée Miss Bangui, devient Miss Centrafrique, sous les applaudissement polis des familles des candidates, et des officiels centrafricains et russes.
« C’est important le concours des miss, il y a de très belles filles dans le pays, et avant on ne les mettait pas en valeur », se réjouit Vénus Claudie Perrière, venue encourager sa soeur candidate, sans se soucier de politique ou de diplomatie.
Emile Raymond Nakombo, maire de Bangui, présent à la cérémonie ne tient pas non plus à commenter la bataille d’influence franco-russe, préférant dire: « Nous renouons petit à petit avec cette ville jadis appelée Bangui la coquette ».
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