Qu’est-ce qui se joue en tout premier lieu aujourd’hui avec le vote à la chambre des communes relatif à l’accord sur le Brexit, durement et longuement négocié par Theresa May avec l’Union européenne? Est-ce le sort de cet accord, ou celui de Theresa May en tant que Première ministre ?
Il est vrai qu’elle-même et les institutions européennes ont dès la signature de l’accord suffisamment indiqué aux députés britanniques qu’ils n’avaient pas le choix : que c’est cet accord ou pas d’accord du tout.
Cet argument n’a pas porté, les chances pour May de voir se dégager une majorité en sa faveur étant minimes, même si jusqu’à présent il ne semble pas qu’elles soient tout à fait nulles.
Dans cette affaire, la messe n’est pas encore dite, quoiqu’il s’en trouve peu pour parier sur la survie du gouvernement et de son leader. Un vote négatif en l’occurrence n’est pourtant pas un vote de défiance. Même dans ce scénario, le gouvernement se verrait accorder un sursis de 21 jours, au bout duquel il devrait avoir fait une deuxième proposition, ce qui évidemment est tributaire du bon vouloir de Bruxelles.
La grande faiblesse de May n’est pas dans l’étroitesse et la fragilité de sa majorité, ni dans la force de l’opposition travailliste, emmenée par Jeremy Corbyn, mais dans la division de son camp sur ce que doit être le Brexit. Celui qu’elle propose a priori ne convient pas à la majorité des conservateurs.
Après avoir longtemps brandi la menace d’une sortie de l’Europe sans accord, une perspective effroyable censée ressouder les tories autour elle, la voilà à présent qui les met en garde contre l’arrivée au pouvoir non pas tant des travaillistes que de leur chef : Jeremy Corbyn, un personnage pour elle suffisamment inquiétant pour ramener à la raison les Brexiters purs et durs de son propre camp.
Toutefois, pour être à même de revenir dans 21 jours avec un accord expurgé de ce qui le fait rejeter aujourd’hui y compris par beaucoup des siens, encore faut-il pour Theresa May rester à la manœuvre. Cela est pour l’heure rien moins qu’évident. Le temps est en réalité venu de distinguer entre le sort de Theresa May et celui du Brexit, ce qui jusqu’à récemment n’était guère possible. Un glissement de sens s’est produit depuis que l’accord a été passé avec l’UE, en vertu duquel l’absence d’accord ne veut plus dire automatiquement Brexit sans accord, à peu près pour tout le monde, Européens et Britanniques confondus, le pire des scénarios.
Désormais absence d’accord signifie suspension du Brexit, son abandon même, maintien dans l’Union européenne par conséquent. Faute d’accord de sortie justement.
En vérité, le mot de glissement n’est pas le bon. Ici c’est plutôt de renversement de sens qu’il faut parler, de revirement, de retournement, de volte-face. Pas d’accord sur le Brexit, donc pas de Brexit. Les Britanniques s’étant entendus là-dessus dans leur majorité, plus besoin d’un accord de sortie, et donc plus besoin de Theresa May. Le fait que celle-ci rende le tablier, ce qu’elle ne fera que contrainte et forcée, n’implique plus que la Grande-Bretagne doive quitter l’UE. Au contraire, qu’elle doive y rester. Si bien que ce qui est en cause maintenant est une question de politique interne, quelque chose qui concerne exclusivement les Britanniques. L’opposition travailliste entend se saisir de l’opportunité qui se présente pour faire tomber un cabinet conservateur on ne peut plus affaibli.
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