Par Marie-France Cros.
Les éditions Tallandier viennent de publier un livre sur la « Françafrique – Opérations secrètes et affaires d’Etat ». Un rappel historique est toujours intéressant, mais l’ouvrage laisse le lecteur sur sa faim.
Le volume est constitué de 26 chapitres, qui sont en réalité 26 articles publiés comme « série d’été » en 2015 par le journal français « L’Opinion », un quotidien « libéral et pro-business ». Ils sont cependant d’un intérêt inégal.
Les premières années de l’indépendance
Les plus intéressants sont ceux qui se rapportent aux premières années des indépendances africaines, quand la France tâchait de contrôler discrètement d’une main ce qu’elle avait ostentatoirement lâché de l’autre. De l’éclatement, en août 1960, de la Fédération du Mali, afin de maintenir le Sénégal hors de l’orbite du trop indépendant Malien Modibo Keïta, à la dévaluation du franc CFA, en janvier 1994, en passant par l’empoisonnement du dirigeant indépendantiste camerounais Félix Moumié, en novembre 1960, les opérations de Bob Denard aux Comores (1975 et 1978) ou le couronnement de l’empereur Bokassa en Centrafrique (1977), le lecteur parcourt là d’utiles rappels historiques.
Les épisodes plus récents choisis par « L’Opinion » sont souvent moins clairs. On s’étonnera ainsi que, pour illustrer l’aide de la France de Mitterrand aux génocidaires rwandais, « L’Opinion » ait choisi de nous raconter l’envoi de deux émissaires à la rébellion tutsie pour permettre un contact direct du contingent français de l’Opération Turquoise avec le chef rebelle Paul Kagame, en juillet 1994 – soit à la fin du génocide, commencé trois mois plus tôt – alors que Paris a snobé les insurgés et les a affrontés par les armes depuis octobre 1990. Ecrire, comme le fait l’éditeur, que les auteurs du livre « lèvent le voile sur cinquante ans de scandales franco-africains » est ici largement surestimé.
La chute de Mobutu?
On reste aussi sur sa faim avec le récit du renversement de Mobutu par Laurent Kabila, en 1997. Les auteurs se contentent d’y inclure que la France a échoué à obtenir du Conseil de sécurité l’envoi d’une force internationale pour maintenir le vieux Léopard sur son trône. Rien sur les manœuvres en coulisses de la France de Chirac, rien sur les magouilles des honorables correspondants et autres hommes d’affaires.
De même, les auteurs nous racontent la chute du président tunisien Ben Ali, en janvier 2011, sous Sarkozy, sans qu’on y voie l’intervention de la France; et de se borner à constater que celle-ci « n’a rien vu venir ». Est-ce supposé signifier que la Françafrique n’est plus? Mais alors elle a ressuscité, en 2014, quand le président burkinabè Blaise Compaoré est exfiltré de son pays par la France, en octobre de cette année-là, après avoir été renversé par la rue. Ce livre ne sera pas un ouvrage de référence.
« Françafrique – Opérations secrètes et affaires d’Etat », de Pascal Airault et Jean-Pierre Bat, Ed. Tallandier, coll. Texto., 247 pp, 9 euros.