par Yazid Alilat
Placés en détention provisoire, jeudi 25 octobre dernier, pour diffamation, le directeur et un journaliste du journal électronique Algérie Part », Abdou Semmar et Merouane Boudiab ont été remis en liberté, jeudi soir, à l’issue d’une audience de six heures, au tribunal de Said Hamdine (Bir Mourad Rais). Les deux journalistes, poursuivis pour «diffamation, menace et atteinte à la vie privée», ont été libérés à l’issue d’une audience très suivie par les médias et des membres influents du barreau d’Alger, dont une trentaine s’étaient portés volontaires pour les défendre. Attendu par la corporation, le procès, qui a duré six heures, a été marqué par les plaidoiries de la partie civile, défendues par trois avocats. La partie civile, dans ce procès, était représentée par le wali d’Alger et le directeur du groupe Ennahar’.
Les charges retenues contre les deux journalistes, dans la plainte du wali d’Alger M. Abdelkader Zoukh, portaient sur la «diffamation, menace et atteinte à la vie privée», à travers la publication de correspondances officielles relatives à un dossier foncier. Pour les charges retenues contre les mêmes accusés en ce qui concerne la plainte du directeur du groupe Ennahar’, il s’agit de «publication de déclarations tenues par une activiste politique.» Dans ses réponses au président de l’audience, le directeur de Algérie Part’ a indiqué qu’il exerçait le métier de journaliste depuis «dix ans», et les articles qu’il publie ne contiennent «aucune diffamation ou atteinte à la vie privée». «Mon travail consiste, uniquement, à rapporter les déclarations ou la reprise de documents officiels» a-t-il répondu au président de l’audience.
La défense de la partie civile a rejeté les justifications avancées par les deux journalistes. Pour eux, «l’insulte et l’injure des personnes ne devraient pas être justifiées, sous prétexte de la liberté d’expression». A l’issue de leur plaidoirie, ils ont demandé une condamnation des deux accusés à verser cinquante millions de DA pour la plainte du wali d’Alger et deux millions de DA pour celle du directeur d’ Ennahar’. De leur côté, les avocats de la défense, qui ont parlé de « procès politique « et provoqué une débat houleux avec le juge de l’audience, qui a récusé que le procès soit «politique», ont demandé tout simplement l’acquittement et la relaxe des deux journalistes. Ils ont invoqué «la nullité de l’action pour vices de forme, tant dans le PV de l’enquête que dans les procédures».
Quant au parquet général près le Tribunal de Bir Mourad Rais, il avait requis, un an de prison ferme et un million de DA d’amende, à l’encontre des deux journalistes. La procureure de la République a également demandé une enquête complémentaire dans cette affaire, dans laquelle le wali d’Alger et le président du Groupe Ennahar’ se sont constitués partie civile, en introduisant, les 23 et 24 octobre derniers, une plainte contre les journalistes pour diffusion d’articles contenant «des diffamations, menaces et atteinte à la vie privée».
Plainte contre Anis Rahmani
Tard dans la soirée de jeudi, le verdict est tombé, avec la libération des deux journalistes. Le parquet a assorti en outre son verdict par «un complément d’enquête». Les deux journalistes avaient été arrêtés, le 23 octobre dernier, par la gendarmerie nationale, et placés en détention provisoire deux jours après à la prison d’El Harrach. Cette affaire pourrait rebondir, car la défense du directeur du site Algérie Part’ avait déposé une plainte contre le directeur d’ Ennahar’, après l’arrestation des deux journalistes. La plainte du directeur du site Algérie Part’ contre le directeur d’ Ennahar TV’, Anis Rahmani, porte sur l’ «acharnement médiatique et diffamation».
Selon l’avocat du directeur d’ Algérie Part’, «la chaîne de télévision Ennahar’ a diffusé en boucle, pendant la journée, du jeudi 25 octobre, des informations diffamatoires et erronées à l’encontre d’Abdou Semmar et de Merouane Boudiab, les impliquant, sans aucune preuve, dans des délits plus graves, à savoir : faire partie d’un réseau d’escrocs et de maîtres chanteurs qui extorquent des fonds et les transfèrent à l’étranger.» La défense d’Abdou Semmar dénonce le fait qu’ «Ennahar n’ait pas hésité à diffuser des images les montrant menottés au tribunal ou encore en train d’être transférés en prison», et «est allée plus loin en diffusant des éléments de l’enquête censés être confidentiels jusqu’à la comparution des deux détenus, le 8 novembre, en salissant leur réputation et en violant le principe de la présomption d’innocence.» «C’est pour ces raisons que l’avocat d’Abdou Semmar a déposé plainte, auprès du procureur de la République près de la Cour d’Alger contre Mohamed Mokadem, alias Anis Rahmani, directeur du groupe Ennahar’, pour acharnement médiatique et diffamation à l’encontre de son clienté», ajoute Algérie Part’, selon lequel «l’attitude d’ Ennahar’, en tant que média, est contraire à l’article 56 de la Constitution et aux conventions internationales ratifiées par l’Algérie».
Dans leur compte-rendu, après l’arrestation des deux journalistes d’ Algérie Part’, la chaîne Ennahar TV’ et le journal en ligne Alg24′ avaient affirmé qu’ils sont poursuivis pour «chantage et extorsion de fonds», à l’encontre de personnalités et d’hommes d’affaires. L’arrestation par la gendarmerie nationale d’Abdou Semmar et Merouane Boudiab avait coïncidé avec l’affaire Amir.DZ’ et l’arrestation du directeur des sites d’information Algérie Direct’ et Dzair Presse’, Adlène Mellah. Celui-ci avait été placé en garde à vue après avoir été inculpé «d’outrage aux institutions», «enregistrement ou prise de vue sans autorisation ou consentement» et «atteinte à la vie privée», puis incarcéré. Le directeur des sites Algérie Direct’ et Dzair Presse’ est visé, selon son avocat Abdelghani Badi, par des plaintes émises par le directeur du groupe Ennahar’, Anis Rahmani, par le wali d’Alger Abdelkader Zoukh et par Abderahmane Benhamadi, P-DG du groupe Condor’.
Très médiatisées, ces deux affaires avaient été expliquées par la gendarmerie nationale, qui avait souligné avoir traité plusieurs affaires relatives à l’usage des réseaux sociaux et d’Internet «à des fins criminelles», précisant qu’il s’agit de sept affaires liées à «la publication de photos attentatoires sur le réseau social Facebook, le chantage, falsification de billets de banque, divulgation de données obtenues de manière frauduleuses, diffusion de publications injurieuses aux cadres de l’Etat, participation au chantage, l’atteinte à la vie privée des personnes via des publications sur les réseaux sociaux et des sites web’, la diffamation, les attaques et la diffusion d’images incitatives».
Soyez le premier à commenter