Reuters
PARIS (Reuters) – Vingt ans après les accords de Nouméa, les électeurs de Nouvelle-Calédonie se sont prononcés dimanche contre l’indépendance de ce territoire français depuis 1853, un résultat sans surprise mais en deçà des attentes des loyalistes qu’Emmanuel Macron a salué comme “une marque de confiance” en la République.
Selon les résultats définitifs communiqués par le Haut-commissariat de la République, le “non” l’emporte à 56,4% contre 43,6% pour le “oui”. La participation, massive dans les 284 bureaux de vote, atteint 80,63%.
Au total, 174.154 personnes, un corps électoral restreint établi après de délicates négociations, avaient à répondre par “oui” ou par “non” à la question suivante: “Voulez-vous que la Nouvelle-Calédonie accède à la pleine souveraineté et devienne indépendante?”
Surnommé le “Caillou” et situé à 16.000 km de la métropole, cet archipel de quelque 275.000 habitants dispose déjà d’une large autonomie et reçoit chaque année 1,3 milliard d’euros de financements de Paris.
Ce référendum d’autodétermination – qui s’est déroulé sans violences à l’exception d’incidents à Nouméa où des véhicules ont été incendiés ou caillassés – marque un tournant dans le processus de décolonisation engagé il y a 30 ans.
“Je dois d’abord dire l’immense fierté que nous ayons passé ensemble cette étape historique, je veux aussi dire la fierté pour le chef de l’Etat que la majorité des Calédoniens ait choisi la France : c’est pour nous une marque de confiance dans la République française, dans son avenir et dans ses valeurs”, a déclaré Emmanuel Macron lors d’une allocution télévisée.
“En ce jour, le seul vaincu est la tentation du mépris, de la division, de la violence, de la peur, le seul vainqueur c’est le processus en faveur de la paix qui porte la Nouvelle-Calédonie depuis trente ans”, a-t-il souligné.
MACRON “MESURE” LA DÉCEPTION DES INDÉPENDANTISTES
Les accords de Matignon de 1988, conclus après une décennie de violences entre groupes kanaks (populations autochtones) et caldoches (populations essentiellement d’origine européenne), ont été suivis par celui de Nouméa en 1998 entre l’Etat, le FLNKS (Front de libération national kanak et socialiste) et le RPCR (Rassemblement pour la Calédonie dans la République).
L’accord prévoyait qu’au terme d’une période de vingt ans “le transfert à la Nouvelle-Calédonie des compétences régaliennes, l’accès à un statut international de pleine responsabilité et l’organisation de la citoyenneté en nationalité” seraient soumis à référendum.
Pour Emmanuel Macron, le scrutin de dimanche témoigne d’un “esprit de dialogue que plus rien n’entamera”.
Dans une déclaration pesée, insistant sur le destin commun des Calédoniens et la paix civile, le chef de l’Etat a tendu la main aux indépendantistes, disant mesurer leur déception.
“A ceux-là, je veux dire que l’Etat est engagé au côté de la Nouvelle-Calédonie pour garantir dans la durée la dignité de toutes les composantes de la société, autour des valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité. Nous pouvons les partager au-delà de nos divergences, dans l’humilité et dans le respect.”
Le Premier ministre, Edouard Philippe, est attendu lundi à Nouméa avec la ministre des Outre-mer, Annick Girardin, pour poursuivre les discussions avec les acteurs politiques locaux.
“Au plan politique, il n’y a pas d’autre chemin que celui du dialogue. Le gouvernement proposera aux forces politiques de Nouvelle-Calédonie de se réunir dans les prochaines semaines”, a précisé Emmanuel Macron.
“LE ‘OUI’ EST UN ACQUIS”
L’exécutif a observé une stricte neutralité dans la campagne et veillé à la transparence du scrutin, qui a été supervisé notamment par des observateurs des Nations unies. Les résultats de la consultation reflètent l’équilibre politique entre indépendantistes et non-indépendantistes né des élections provinciales de 2014 mais marque une progression du “oui” dans certaines communes, notamment dans le Sud.
Dans le Nord, historiquement indépendantiste, le “oui” l’a emporté massivement dans des communes comme Ouvéa (84,2%), théâtre de la prise d’otages sanglante de 1988, Pouébo (94,2%) ou Lifou (79,9%). A Nouméa, en revanche, chef-lieu de l’archipel, le “non” l’a emporté à 80,51%.
Le score du “oui” a été salué comme “un acquis” pour l’avenir par les indépendantistes (Union calédonienne et Union nationale pour l’indépendance, courants du FLNKS), dont les sondages avaient minimisé la mobilisation, prédisant une victoire des loyalistes (Calédonie ensemble, Rassemblement-LR, Républicains calédoniens) avec 63 à 75% des suffrages.
L’accord de Nouméa instaure la possibilité d’un second voire d’un troisième référendum sur la même question d’ici à 2022 si un tiers des 54 membres du Congrès local se prononce en ce sens.
Sonia Backès, présidente des Républicains calédoniens, a salué “un vote sans ambiguïté”. “Les Calédoniens se sont prononcés à une large majorité pour rester dans la France. Ils ne veulent plus de cette marche forcée vers l’indépendance”, a-t-elle dit sur Nouvelle-Calédonie La Première. “En revanche, il y a encore du chemin à faire, je pense en particulier à la place des Calédoniens, des kanaks, dans l’économie locale.”
“Le ‘oui’ est un acquis sur lequel nous allons continuer à bâtir”, a déclaré pour sa part Gérard Reignier, directeur de campagne du FLNKS. Pour Aloisio Sako, président du Rassemblement démocratique océanien (RDO), les résultats montrent que les indépendantistes “se sont réveillés et qu’on est à deux doigts de la victoire”.
“Il nous reste deux référendums”, a-t-il réagi. “Le peuple calédonien a enfin compris que l’indépendance n’est pas un épouvantail, l’indépendance est viable.”