Session du Dialogue stratégique informel du 23 mars 2009

A

Mesdames et Messieurs

les Ambassadeurs de Sa Majesté Le Roi

Résumé : Une nouvelle session du Dialogue stratégique informel s’est tenue, au siège de ce Département, le lundi 23 mars 2009. Dans la poursuite des échanges réguliers entre le Maroc et l’UE, plusieurs questions d’intérêts communs ont été discutées : la Question Nationale, la situation au Maghreb, la sécurité dans la région Sahélo-saharienne et dans la façade Atlantique, la Mauritanie, la situation au Proche-Orient, la Somalie, le Kosovo, le Forum pour l’Avenir, la Stratégie européenne de Sécurité (SES) et le Statut Avancé.

La délégation européenne est représentée par :

Le Secrétariat général du ConseilMme Helga Schmid, Directeur de l’Unité Politique, M. Christian Jouret, Chef d’Unité, Task Force « Méditerranée/Moyen-Orient », Milton Nikolaidis, membre de la task force – Secrétariat Général du Conseil européen.

La Commission européenne M. Jérôme cassiers, Conseiller Affaires politiques, Commerce, Information, Culture, Délégation de la Commission européenne à Rabat.

La Délégation marocaine, conduite par M. Youssef Amrani, Secrétaire Général du Ministère des Affaires Etrangères et de la Coopération, est composée de M. Nasser Bourita, Directeur des Nations Unies et des Organisations Internationales, M El Mekki Gaouane, Directeur des Affaires Arabes et islamiques, M. Nabil Adghoghi, Directeur par intérim de la Direction Europe, Mme Karima Kabbaj, Chef de service de la coopération avec l’UE, Mme Sanae Kabbaj, membre de la Division UE et Mme Soraya Jabry et M. Allal Ouazzani Touhami, membres du Secrétariat Général.

http://calameo.download/En introduction, le SG a rappelé l’importance du Dialogue Stratégique Informel comme canal de dialogue unique permettant d’échanger et de rapprocher les points de vues Maroc-UE sur diverses questions d’intérêt commun, de même qu’elle permet de coordonner les actions respectives au niveau politico stratégique.

De son côté, Mme Helga Schmid a qualifié le Maroc de « partenaire stratégique », à l’avant-garde de ses voisins et que les relations de confiance entre l’UE et le Maroc s’inscrivent dans la continuité du programme ambitieux contenu dans le document conjoint du Statut Avancé.

La situation au Maghreb

A ce sujet, le SG a rappelé que cette construction régionale n’a connu aucune avancée et ce depuis 20 ans. Celle-ci se solde par un « gâchis » et un coût socio-économique considérable. Ce constat incombe au blocage de l’Algérie qui lie la construction maghrébine à la question nationale. Conscient que le Maroc et l’Algérie sont les deux moteurs de croissance et de stabilité et de paix dans le Maghreb, le Maroc n’a cessé de développer plusieurs projets pour s’ouvrir à l’Algérie et relancer ce processus, sans succès.

En parallèle, le Maroc a soutenu plusieurs initiatives telles que l’Union des Banques Maghrébines (UBM), l’Union des patronats maghrébins ainsi que des échanges entre des acteurs de la société civile.

Sur cette question, Mme Helga Schmid a insisté sur le double impératif de la construction Maghrébine face à une Europe qui se construit et à la prolifération des problèmes sécuritaires (immigration, terrorisme…) qui touchent l’ensemble de la région. Tout en déplorant la situation existante et l’insuffisance des efforts déployés par l’Algérie,  elle a souhaité s’enquérir de la réaction marocaine quant à la dernière visite de M. Ross dans la région, et savoir si le plan d’autonomie proposé par le Maroc, qu’elle a qualifié de proposition courageuse, pourrait « connaître des modifications additionnels en perspective des négociations avenirs ».

Question Nationale

En rappelant quelques grandes lignes de la politique et de la vision du Maroc relative à l’« Initiative Marocaine pour la Négociation d’un Statut d’Autonomie au Sahara », le SG a mis l’accent sur le constat d’impasse actuelle qui incombe à l’Algérie. Cette dernière qui a d’ailleurs combattu M. Van Valsum et a forcé son départ suite à ses propos sur l’irréalisme de l’option d’indépendance du Sahara.

M. Nasser Bourita a ensuite évoqué quelques éléments ayant trait à la dernière visite de M. Ross et sa vision de travail. Ce dernier a axé sa démarche sur 3 propositions :

  • Une réunion restreinte (confidentielle) entre le Maroc et le Polisario

  • Améliorer le dialogue entre le Maroc et l’Algérie

  • Renforcer les mesures de confiance

Pour le Maroc, il s’agit de relever que le « réalisme » doit se refléter dans la réalité et dans le format des négociations, à travers notamment une participation de l’Algérie autour de la table des négociations. L’ordre du jour doit être clairement défini dans une logique où la négociation doit se situer entre l’indépendance totale et l’intégration complète.

Enfin, en réponse à la question de Mme Helga Shmid, sur l’évolution de l’initiative marocaine d’autonomie, M. Nasser Bourita a fourni des informations complémentaires sur le processus ayant permis l’élaboration de ce projet. Celui-ci est en effet non figé, il est le fruit des consultations que le Maroc a mené au niveau international. Les grandes lignes ont été écrites (gestion des ressources, Justice, Institutions, ..), mais il reste à négocier et affiner l’ensemble des mesures qui seront mises en œuvre en faveur de la population locale.

Par ailleurs, il convient d’ajouter que l’un des aspects les plus dangereux du processus est : la déviation des négociations vers la question des droits de l’homme. Il n’est pas normal que la question des droits de l’homme ne commence à être évoquée qu’à partir de 2006 (date d’élaboration de la proposition marocaine d’autonomie). C’est d’ailleurs à partir de ce moment que, Mohammed Abdelaziz (congrès du Polisario) a décidé de « timoriser » la question des droits de l’homme au Sahara. Ne se contentant pas d’une telle volonté d’instrumentalisation, soutenue par l’Algérie, la question d’élargir le mandat de la Minurso est devenue leur principale préoccupation.

Souhaitant s’enquérir des mesures de confiance adoptées dans ce conflit, Mme Helga Shmid, s’est interrogé sur la pertinence d’une approche similaire à celle soutenue par l’UE dans le cadre de la reconstruction en Géorgie (Ossétie du Sud et Abkhazie).

A ce propos, M. Bourita a expliqué que M. Ross a suggéré de sortir des mesures de confiance à caractère uniquement humanitaire (type HCR) et de passer aux mesures de confiance dans le domaine politique (type OSCE) entre le Maroc et le Polisario. M. Ross a également proposé que des contacts soient établies entre les anciennes personnalités (exemple Lakhdar Brahimi). Il a également proposé un contact entre les sociétés civiles (Maroc- Algérie et Maroc- Polisario). Il souhaite écarter la question des frontières pour l’instant, privilégiant la coopération, notamment, en matière de lutte contre le terrorisme.

Le SG a expliqué que la partie marocaine continuera d’encourager les efforts de l’envoyé personnel du SGNU même si on sait que de l’autre côté le Statu quo sera maintenu. Le pouvoir algérien est constitué des mêmes leaders depuis plusieurs années et ne veut pas s’ouvrir sur l’extérieur (refus de la PEV et de l’UPM).

Enfin, s’agissant de l’intermédiation de la Ligue Arabe dans ce conflit, le SG a précisé auprès de la délégation européenne que la LA souhaite rester à l’écart de ce conflit et qu’elle risquerait d’exacerber encore plus les divisions existantes au sein de le l’organisation.

La Mauritanie

S’agissant de la situation en Mauritanie, le SG a rappelé que le Maroc a toujours privilégié une approche qui se veut constructive en écoutant l’ensemble des parties au conflit. Le Maroc a d’ailleurs salué la remise en liberté du Président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi. Nous soutenons également le respect de l’ordre constitutionnel, le respect des institutions et des médias.

Par ailleurs, M. Kadhafi avait suscité la polémique et semé la confusion à travers ses positions précipitées et contraire à celle des Etats Généraux de la Démocratie (EGD) qui ont recherché un cadre politique qui s’inscrive dans le but d’engager le développement du pays dans la stabilité. Le SG a également mentionné que plusieurs pays européens ont quelque peu corrigé leurs positions initiales.

En attendant les prochaines élections qui auront lieu les 30 mai et 6 juin 2009, la partie marocaine a précisé qu’il est essentiel d’amorcer un dialogue constructif, afin de trouver une sortie de crise qui préserve la démocratie et les institutions mauritaniennes.

Toutefois, des interrogations ont été partagées avec les européens restés en suspens : les militaires vont-ils se présenter aux prochaines élections ? Assisterons-nous à une modification partielle de la Constitution ?

http://calameo.download/Mme Helga Shmid a réaffirmé la position de l’UE de condamnation du coup d’état militaire car, selon elle, les élections étaient « free and fair », où le président a été démocratiquement élu. A ce titre, elle a proposé d’identifier une feuille de route permettant de restaurer les programmes d’aide financière à condition de trouver une solution consensuelle.

La sécurité régionale dans la bande Sahélo-saharienne

Le SG a souligné que la sécurité dans la bande sahélo-saharienne est devenue une grande préoccupation ces dernières années. Cette vaste étendue de désert est devenue le repaire de banditismes et de terroristes qui s’adonnent à toutes sortes d’activités illicites : terrorisme, trafic de drogue et d’armes, contrebande, prises d’otages, pose des mines antipersonnel. Le sahel est une zone marquée par l’absence d’état structuré et est exposée en permanence aux risques de déstabilisation régionale. En plus de la recrudescence des trafics en tous genres, la montée du terrorisme avec l’irruption d’Al Qaïda, soutenue en autre par le GIA algérien, menace la région entière (Maghreb). Ce phénomène représente non seulement une menace pour la région du Maghreb, mais aussi pour l’ensemble de la région euro- méditerranéenne. Pour cette raison évidente, la partie marocaine a réaffirmé que « nous sommes appelé à travailler encore plus ensemble pour affronter cette menace terroriste ».

Avant lorsqu’on évoquait cette menace, on prétendait que le Maroc voulait se servir de cette thèse pour défendre sa position au Sahara. Aujourd’hui, nous savons que le GIA (Groupe Islamique Armé), inféodé à Al-Qaïda, est présent au sahel et représente une menace très sérieuse où plus de 1000 combattants y sont actifs, sans compter l’existence de la contrebande en tous genres, l’exploitation des êtres humains, l’immigration clandestine et le rapts de personnes (exemple des experts canadiens).

Du fait de ces trafics illicites, les sources de financement sont de plus en plus importantes. Selon les services occidentaux, il existe plus de 12 cellules terroristes situées en Algérie, Somalie, Niger et en Mauritanie.

Risque et menaces à l’Atlantique

Au sujet de la sécurisation de la façade atlantique ouest africaine, le SG a expliqué que celle-ci est devenu une préoccupation majeure dans le dialogue sécuritaire relatif à la région. La faiblesse des états, combinée aux risques et menaces sécuritaires, renforcent le pouvoir d’influence des organisations criminelles. A titre d’illustration, selon l’ONUDC, plus de 46 tonnes de cocaïne proviennent de l’Afrique de l’ouest et 27% de la drogue saisie en Europe provient d’Afrique. Partant de ce constat, il est nécessaire d’exploiter toutes les opportunités de coopération permettant de lutter efficacement contre toutes les formes de trafics illicites dans les zones sahélo saharienne et façade atlantique. Pour tenter d’endiguer ce phénomène, le Maroc a entamé une réflexion concernant une initiative de partenariat tricontinentale, associant plusieurs pays de la façade atlantique : en Europe, l’Espagne, la France, le Portugal, le Royaume Uni, en Amérique, le Brésil, l’Argentine, le Mexique et les Etats-Unis et enfin en Afrique, le Cap vert, le Ghana, la Mauritanie et le Sénégal.

A ce titre, le HCP organise un Forum, les 27 et 30 mai, sous le thème : « Pour Une Initiative Tricontinentale Atlantique » où des experts de plusieurs pays seront invités à réfléchir aux différents canaux de coopérations possibles.

La Somalie et le Darfour

Sur cette question, le Conseil de l’UE a informé la partie marocaine de la mission navale organisée depuis 4 mois en Somalie. Celle-ci a réussie à repousser 90% des attaques. Cette mission a été entreprise avec d’autres pays notamment, le Kenya en vue de protéger les navires mais également dans un soucis de dissuasion contre d’éventuelles attaques. Mme Schmid a présenté la nouvelle phase dans laquelle est entrée Djibouti avec l’élection du Président et la difficulté de l’UE à faire face à une opposition très divisée. D’ailleurs, elle a invité les pays arabes à soutenir la démarche en vue de parvenir à un dépôt des armes.
Le SG a précisé que le Maroc n’était pas très impliqué dans cette région mais conscient du risque et du fait que la situation peut se compliquer davantage avec le problème du Darfour, notre pays continuera à suivre cette question de plus près.
De plus, la stabilisation du Darfour passe par le rapprochement des factions soudanaises et la maîtrise des foyers de tensions. En réaction, la partie européenne s’est dite partagée sur cette question entre le respect de la légalité internationale (recours à la CPI avec le risque accru d’exacerber davantage la situation) et la stabilisation au Soudan.
Aussi, l’UE tente de conjuguer les efforts internationaux pour établir un plan de sortie mais sans rien de concret jusqu’à ce jour.

Le Kosovo

Sur cette question, l’UE a expliqué que sur l’ensemble des pays membres, 21 pays reconnaissent l’indépendance du pays , 6 pas encore, précisant à ce titre que l’objectif à long terme c’est la réalisation d’une Europe sans frontière. Mme Schmid nous a fait part de la volonté affirmée d’aider au développement du Kosovo par le financement de projets économiques importants.

Aussi, j’ai réitéré la position de neutralité du Maroc, conforme aux principes de respect de l’intégrité territoriale des Etats, tout en privilégiant une solution négociée à ce différend.

Situation au Proche Orient


Après avoir exposé les derniers faits dans la région, un consensus s’est dégagé quant aux principales questions concernant le conflit. Les divergences interpalestiniennes, le problème des engagements par rapport à Anapolis, la composition d’un gouvernement d’extrême droite au pouvoir, caractérisent un contexte défavorable à la reprise des pourparlers et  à l’intensification du processus de paix au Proche Orient. Mme Schmid  a fait part des inquiétudes du Conseil de l’UE quant  à ces nouvelles donnes, notamment les rapports Hamas-Fatah ainsi que son appréhension face à de nouveaux acteurs tels que l’Iran et la Turquie dans cette zone géographique.

L’UE appelle le futur gouvernement israélien à « honorer les obligations prises par Israël » dans le cadre du processus de paix et à « éviter les mesures rendant impossible » la coexistence de deux Etats palestinien et israélien. Enfin il a été question du rôle primordial de la Jordanie qui ne devrait pas être négligé, sans compter l’importance d’une unité arabe sur la question. Les parties se sont accordées sur le fait qu’Israël doit imposer la paix car elle est en situation de force.

Stratégie européenne de Sécurité

Se basant sur le rapport Solana sur la SES, il a été question de relever que les menaces et les défis sont de plus en plus complexes, les pays concernés doivent échanger leurs expériences et développer leurs capacités en vue trouver des moyens coordonnés d’action. En plus des menaces liées à la prolifération des armes de destruction massive, le terrorisme, la criminalité organisée et les conflits régionaux, il a été fait référence aux nouvelles menaces, à savoir, la cybersécurité, la sécurité énergétique et le changement climatique et plus récemment la piraterie. Il faut davantage de concertation dans la prise de décision et élargir la participation à ce processus, face à des problèmes communs, solutions communes.

Ce travail de longue halène devra se baser sur le respect des principes fondamentaux de la Charte des Nations unies, où le respect de la souveraineté, de l’indépendance et de l’intégrité territoriale des États, ainsi que le règlement pacifique des différends sont des principes indissociables.

Forum pour l’avenir

La prochaine session du Forum pour l’avenir sera abritée au Maroc vers la fin de l’année 2009. L’objectif de l’exercice est d’élargir le champ des libertés, impliquer la société civile et accélérer voir même, initier des réformes.

Le Département d’état américain s’est déclaré favorable à donner un nouveau souffle à ce Forum. Celui-ci permet de débattre sur une même table de plusieurs sujets liés aux droits de l’homme, démocratie, ..

En réponse à la demande du SG du Conseil de suivre régulièrement le projet, il a été convenu de les informer de l’état d’avancement des trois workshops thématiques prévus : « Réformes politiques et démocratie locale », « l’impact de la crise financière sur les réformes économiques des pays de la région BMENA » et « l’Education à la citoyenneté participative ».

Selon M. Jouret, en Europe ce n’est pas encore un projet qui suscite un consensus de l’ensemble des Etats membres qui ont leur propre approche sur la question.

Le SG a précisé sur cette question que la démocratie est un choix et un échange, notamment au niveau de la société civile et qu’il est important de maintenir une cohérence dans le cadre de la politique de voisinage car il faut une vision méditerranéenne en accord avec la partie européenne. La région méditerranéenne est une région qui ne peut être exclusive à un pays donné (Etats-Unis) mais devrait concerner tous les acteurs.

Statut Avance

Les deux parties se sont félicitées de la réussite du nouveau cadre contractuel stratégique et économique du SA et ont passé en revu les actions mises en œuvre dans le cadre des différentes dimensions de ce nouveau cadre qui renforce les relations de coopération Maroc-UE.

Le SG a fait part de la volonté de dynamiser la coopération politico stratégique Maroc-UE et appelle à l’appui et au soutien du Secrétariat du Conseil pour les priorités stratégiques respectives. Cet objectif passe par une meilleure convergence des agendas politiques des deux partenaires tant au niveau bilatéral que multilatéral pour une plus grande coordination des actions communes.

Le Maroc continue à œuvrer dans le sens de la consolidation affirmée de nos instances administratives et institutionnelles chargées de veiller au renforcement de la pratique démocratique et de l’Etat de Droit.

A cet égard, les deux parties ont convenu de la tenue d’une commission mixte parlementaire (avant juin 2009) en vue d’intensifier les échanges entres députés, partis et groupes politiques.

En matière sécuritaire, les différentes actions prévues dans ce cadre ont également été évoquées, notamment dans le domaine de la lutte contre le terrorisme et la prévention contre la drogue, et entamer les actions de coopération avec l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanie (EMCDDA).

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