Rahamim Benhaim
Les termes qui régissaient, il y a peu de temps encore, l’environnement régional et international, ont change radicalement. Je garde à l’esprit, à la fois :
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la fin de l’hégémonie politique et des valeurs de l’UE
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le maintien de la présence économique et financière de l’UE avec l’aimantation africaine et est-ouest,
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la crise du modèle de classes,
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la forte tendance des courants intellectuels à dés-occidentaliser la circulation des idées
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la particularité géopolitique du sud de la Méditerranée où les forces agissantes, ont des racines fort lointaines, ce que nous appelons « les pouvoirs longs »
Aussi, nous devons rendre compte que nous sommes à une période historique particulière, celle d’une articulation, où les constructions nationales sont en voie d’achèvement et celle où les constructions d’ensemble régionaux sont en train de naitre ; et pèsent de plus en plus dans le jeu des nations. C’est ce qui se joue dans les rapports internationaux. Les alliances politiques militaires et économiques sont et seront aujourd’hui, d’abord des ensembles régionaux en Europe, en Amérique Latine et en Asie.
En d’autres termes, c’est l’inscription dans un ensemble régional qui donne force à la nation. C’est à la lumière de ce moment particulier qu’il nous faut se situer au Maghreb.
Ce sont les Etats qui génèrent les nations qui vivent dans les frontières de cet Etat. Nous disposons, toutes et tous, en principe, du droit à participer aux décisions de l’Etat.
Nous avons des leviers pour ce faire, des associations, des syndicats, des partis. Nous nous sommes donnés le temps, plus d’un demi siècle, pour consolider nos nations et nos Etats respectifs après les indépendances.
La question est posée : est il venu ce jour de nous donner le temps de penser et agir comme maghrébins. Une question posée à la maturité politique de nos élites et de nos peuples. Pouvons nous penser et agir, à la fois, pour l’achèvement de la construction nationale, en même temps, qu’à la naissance du Maghreb. Pour beaucoup cela est devenu incompatible. Jusqu’à quand ?
Le besoin de Maghreb
Nous avons besoin du Maghreb.
Nous avons besoin d’une nouvelle frontière pour projeter notre futur. Nous sommes vulnérables et inquiets. L’inquiétude traverse chacun d’entre nous, algérien, marocain, tunisien. Nos sociétés civiles sont, certes actives, mais fragiles et jeunes, nos élites sont dominées par le modèle de cour. Nos élites s’épuisent à se faire courtisanes pour être entrepreneures. Nos forces économiques ne sont pas encore assez autonomes du pouvoir d’Etat pour imposer une ambition économique maghrébine.
L’échappée africaine de notre pays apparait comme une substitution. Nous avons besoin de nous construire en une puissance dans ce monde aux alliances devenues incertaines. Le Maghreb peut être cette puissance si nous le voulons.
L’hypothèse.
L’impératif de puissance régionale nous sera de plus en plus dictée par la nouvelle donne internationale, en particulier celle qui régit les deux rives de la Méditerranée, aujourd’hui dominée par les guerres au Machrek et les migrations.
Par les menaces en cours, cette situation offre-t-elle des hypothèses de renouvellement des relations entre les trois Etats du Maghreb ?
La fin annoncée du bilatéralisme entre nos pays avec l’Union Européenne, où l’ancienne puissance coloniale, affaiblie, ne peut plus parrainer ses « clients », les pays du Maghreb. Au même moment, apparait la conviction nouvelle que l’Union Européenne n’est pas une puissance fiable, en devenir.
L’Algérie est en zone dollar de par son pétrole. Le Maroc se cherche en Afrique et entreprend à la hâte une diversification de ses alliances stratégiques. Une menace apparaît pour les trois pays du Maghreb. La Tunisie est en péril. Mais les deux autres pays, se sentent et se vivent menacés, quand ils ne jouent pas à se faire peur. Et face à ces nouvelles menaces, les trois pays sont, chacun seul, face à lui même.
Les deux obstacles majeurs pour une évolution vers un Maghreb sont :
le Sahara et l’esprit de compétition de puissance, entre le Maroc et l’Algérie.
La première hypothèse serait la mise entre parenthèse de la question du Sahara pour une collaboration régionale. C’est l’hypothèse la plus sérieuse.
La seconde hypothèse est le maintien du statu quo, avec deux variantes, celle d’une basse intensité de conflictualité, et la seconde, celle d’une préparation à la guerre
La troisième hypothèse est la guerre
Itinéraires pour un futur immédiat
Si nous nous projetons vers l’hypothèse la plus sérieuse, celle d’une collaboration régionale avec une mise de côté de la question du Sahara, la question qui se pose, concrètement, est : quelles sont les forces, sociales et régionales, susceptibles de se mobiliser pour pousser le pouvoir central, dans chacun des pays, pour encourager et participer à cette option.
Il s’agit de la société civile, en particulier la jeunesse, des entrepreneurs de toute taille, et les régions de l’Oriental et du Nord.
Propositions.
Là, nous avons un potentiel de réflexions et d’initiatives à mener.
Quelques unes des propositions, entre autres, dans l’immédiat, en tant qu’économistes maghrébins ?
L’ouverture des frontières et donc une étude de ses effets économiques et sociaux
Une carte industrielle maghrébine, à partir des énergies disponibles en Algérie et en Tunisie, avec ses effets économiques sur nos entrepreneurs et nos jeunes compétences
Une concertation de nos stratégies d’approvisionnement sur les marchés internationaux mondiaux dans les produits qui nous coutent le plus pour nos balances commerciales
Source : Entreleslignesetlesmots
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