Au Maghreb, Air Algérie n’est pas la seule dans la panade. Les cinq transporteurs vont mal. La crise du tourisme, le conflit en Libye, l’instabilité politique en Tunisie, le terrorisme sporadique en Mauritanie, résiduel mais endémique en Algérie, n’expliquent pas tout. D’autres raisons structurelles, politiques notamment, disent mieux pourquoi ils ne décollent pas.
Air-Algérie pourrait devenir la première compagnie du Maghreb : avec l’immigration algérienne en France, elle dispose d’une base de développement extraordinaire. Mais depuis 10 ans, elle ne parvient pas à voler haut en raison, entre autres, de son lien avec l’Etat. De cette relation qui fonctionne comme un aérofrein, l’empêchant d’avoir un cap stratégique clair, Air-Algérie n’est pas la seule à en pâtir. Autre exemple, Royal Air-Maroc.
La RAM a vu son africanisation freinée par le divorce d’avec Air Sénégal mais aussi du fait de l’absence de choix de stratégie offerts à son management. Dans un cas comme dans l’autre, le rôle de l’Etat est crucial. Sur la sellette, son PDG Driss Benhima soulignait cette dépendance sans laquelle aucune ambition de développement n’est possible. «Soit la compagnie se réajuste et l’Etat l’aide pour cela, et dans dix ans le Maroc pourrait avoir la première compagnie africaine ; soit elle est laissée dans la situation actuelle et, dans ce cas, l’issue fatale est inéluctable». C’est-à-dire le crash qui guette principalement les trois premières compagnies maghrébines.
Bien davantage qu’Air-Algérie, Tunis-Air et la RAM souffrent de la chute drastique de l’activité touristique. Mais toutes se caractérisent par des incidents techniques à répétition, des vols régulièrement retardés ; et font face à des revendications salariales et à la fronde des usagers. Tous les résultats financiers sont en piqué en 2011.
Les compagnies tunisienne, algérienne et marocaine accusent des pertes importantes par rapport à leurs chiffres d’affaires. Et la situation ne doit pas s’améliorer dans un marché marqué par une concurrence féroce, l’envolée des prix du carburant et la domination de mastodontes aériens. Aujourd’hui, les compagnies magrébines n’ont ni la masse critique ni les moyens financiers pour résister. Et ce n’est pas la valse des PDG à leurs têtes qui y changerait quelque chose. Wahid Bouabdallah l’Algérien et Nabil Chettaoui le Tunisien ont été remerciés alors que le Marocain Driss Benhima est sur un siège éjectable. Ce n’est pas pour autant que l’horizon est dégagé devant leurs successeurs qui ne s’en sortiront pas sans un engagement financier plus fort de l’Etat pour accroître leur flotte.
Dans un open sky plus ouvert que jamais, les compagnies magrébines sont bien trop petites et se dispersent trop dans des activités annexes peu rentables. Or une compagnie n’est viable qu’au-delà d’une centaine d’appareils : à cinq, les maghrébines totalisent 123 avions, bien loin d’Air-France-KLM (380) ou de Lufthansa (342).
Sauf à accepter de décliner encore ou de mourir, chacun dans son coin, elles sont condamnées à se regrouper. Elles ont, dans cet objectif, de gros potentiels, un savoir-faire certain et des actifs intéressants. En outre, le Traité de Marrakech les encourage à mettre sur pied des projets communs. Entre Maghrébins, même si on n’a pas pu construire un grand espace commun, rien pour autant ne nous empêchera de voler ensemble. Avec des ailes communes.