La rencontre avec l’Envoyé Personnel s’est déroulée en trois phases :
Une première séance de travail a été consacrée dans la matinée essentiellement à l’examen du Code de conduite et des principes généraux régissant le comportement des parties et les garanties quant à la stricte confidentialité des discussions
Une deuxième séance de travail ayant pour cadre le déjeuner offert par Mme la Ministre Déléguée a été consacrée pour l’essentiel aux relations bilatérales entre le Maroc et l’Algérie.
Une troisième séance de travail, ayant eu lieu l’après midi, a porté sur l’examen du questionnaire communiqué à la partie marocaine par M. Ross.
L’objectif de la délégation marocaine durant ces rencontres a consisté, tout d’abord, à amener l’Envoyé Personnel à revoir la portée et le contenu du Code de conduite proposé, à clarifier la démarche sous-jacente au questionnaire et à presser M. Ross à préciser, en toute clarté, l’objectif ultime recherché.
I- Cadrage de la démarche de l’Envoyé Personnel
L’exercice a porté sur une série d’amendements devant être introduits au Code de conduite proposé par l’Envoyé Personnel, portant sur la médiation sur le futur statut du Sahara.
Il lui a été rappelé que son rôle est celui d’un facilitateur et non d’un médiateur.
De plus, le Code de conduite est censé régir le comportement des Parties durant la discussion et non de déterminer ou de tenter d’orienter le statut final du Sahara.
Le titre du Code et la démarche intrinsèquement proposés doivent être revus en conséquent. L’Envoyé Personnel y a consenti sans difficulté. Des clarifications et des cadrages lui ont été demandés sur chacun des concepts énumérés, dont certains prêtent à différentes interprétations à savoir :2
– La discrétion sur « les discussions bilatérales », alors que le format de ces démarches doit nécessairement inclure l’Algérie dans ses déplacements et non se limiter à Rabat et Tindouf.
– La stricte confidentialité souhaitée mais souvent mise à mal par le polisario.
– Les briefings aux membres du groupe des amis dans les capitales, qui ne sont pas nécessaires qui risquent de porter atteinte à la confidentialité des discussions.
– Le caractère inopportun de toute visite dans le Sahara, qui ne revêt aucun intérêt dans le contexte de ces discussions.
Des ambiguïtés lui ont été signalées : Sur l’objectif final de sa démarche, notamment au sujet de la limitation des Pays devant assister les Parties dans la négociation, aux seuls partenaires, la France, les Etats-Unis et l’Espagne.
Dans ses réponses, M. Ross s’est montré ouvert à toutes les remarques formulées par le Maroc. Il a accepté de revoir le contenu de ce Code et sa portée.
Sur la question de ses visites au Sahara, il a reconnu qu’il n’était pas utile d’en parler dans ce Code, mais il a réitéré sa position qu’il devrait avoir la possibilité d’aller au Sahara quand il le souhaite.
A ce propos, la délégation marocaine a réitéré que ces visites ne doivent pas constituer une norme et que l’essentiel est de préserver la sérénité des discussions et du nouveau processus.
II- Cadrage au sujet du questionnaire
Conformément aux instructions reçues, la délégation marocaine afin, de ne pas avoir à subir la démarche de l’Envoyé Personnel, a utilisé le questionnaire communiqué à la partie marocaine, pour valoriser l’Initiative d’Autonomie, pousser M. Ross à dévoiler son objectif ultime, et à responsabiliser l’Algérie dans le processus.
Valorisation de l’autonomie
En rappelant la genèse de l’initiative marocaine et le fait qu’elle représente en soit un compromis historique et un cadre de négociations, cette initiative répond à l’essentiel des 3 interrogations posées par M. Ross (sur les séquences, les garanties, l’exercice de l’autodétermination).
La délégation marocaine a mis en exergue que M. Ross avait commis une erreur en s’éloignant de l’Initiative d’Autonomie, et en tentant de la banaliser dans le seul but de rassurer l’Algérie et le Polisario. Cette erreur a pesé sur sa facilitation. Par ailleurs, la citation, hors contexte et de façon incomplète de Feu Sa Majesté Le Roi Hassan II, ne doit pas le conduire à faire des constats hâtifs. L’Initiative d’Autonomie contient tous les éléments constitutifs du compromis.
Objectif ultime de M. Ross
Cet aspect a été martelé à M. Ross. Il lui a été expliqué que le Maroc ne pouvait s’engager sérieusement dans ce processus, sans avoir une idée claire de l’objectif ultime. Après une pause demandée par M. Ross pour consulter ses collaborateurs, il est revenu et a exprimé la position suivante :
« Pour moi, toutes les possibilités de l’intégration à l’indépendance sont sur la table, ma conviction est que la solution est entre les deux. Cette solution comporte un accord entre les parties et quelque chose qui tienne compte du droit à l’autodétermination ».
Il a ajouté que si cette conviction devait être dévoilée ou exposée publiquement, il niera de l’avoir exprimé.
Pour les prochaines étapes, et préalablement à tout engagement dans cet exercice, il a été demandé à M. Ross:
– La définition d’un horizon précis « end-game » ;
– La clarification du Référentiel (autodétermination) ;
– La précision du format (Algérie) ;
– La définition des contours du compromis.
III- La responsabilité de l’Algérie a été un argument constant réitéré par la délégation marocaine sur chacune des questions évoquées.
M. Ross partage d’une certaine façon l’opinion selon laquelle le pouvoir à Alger est monolithique et rigide sur cette question. Il maintient que sa démarche consiste à faire preuve de patience et de doigté vis-à-vis d’Alger, ce qui lui a été à nouveau reproché.
L’aspect le plus complexe de la discussion a été celui relatif à la souveraineté. Pour le Maroc, cette question est tranchée. M. Ross a exprimé le point de vue selon lequel cela n’est pas encore le cas.
Un constat de désaccord a été fait sur cet aspect.
Conclusion:
– La réunion a été utile car, M. Ross a d’une certaine façon dévoilé en partie son objectif politique ultime (formule entre l’indépendance et l’intégration).
Il reste flou quant aux moyens d’y parvenir, même s’il a évoqué son souhait de présenter le fruit de ces efforts avant la fin de l’année.
– La démarche de M. Ross sera handicapée, comme à l’accoutumée par l’absence d’engagement d’Alger et le fait que le polisario n’a aucune marge d’autonomie dans la prise de décision.
– C’est pourquoi, il est essentiel de donner le sentiment d’interagir avec M. Ross pour donner du contenu au processus politique, tout en restant d’une vigilance absolue sur les fondamentaux de la position nationale. (Autonomie et rien d’autre).
– En effet, sans cadrage, ce processus pourrait représenter un double risque. D’un côté, les exemples évoqués et termes utilisés dans les questions de M. Ross suggèrent que, pour lui, la solution n’est pas à trouver entre intégration et indépendance mais entre autonomie et intégration « plus que l’autonomie et moins que l’intégration ».
L’autonomie n’est pas comme un effort pour le compromis mais plutôt son point de départ.
D’un autre côté, la possibilité qu’il avance avec une vitesse variable selon l’interlocuteur : discussion approfondie sur la substance avec le Maroc, discussion exclusivement sur l’autodétermination avec le polisario et contact superficiel avec l’Algérie.
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