Maroc : La contestation populaire s’étend

Écrit par Rachid Beldi
La police marocaine est à la recherche, depuis vendredi, du leader de la contestation populaire dans la région du Rif, Nasser Zefzafi. Ce dernier est accusé d’avoir fait « entrave, en compagnie d’un groupe d’individus, à la liberté du culte dans la mosquée Mohammed V à Al-Hoceima »,
indique un communiqué du procureur du roi, publié la veille et ordonnant « l’ouverture d’une enquête et l’arrestation de Nasser Zefzafi » Le leader du « hirak » (la mouvance) est accusé d’avoir empêché, lors de la prière du vendredi, « le prédicateur de poursuivre son prêche, prononçant un discours provocateur où il a insulté l’imam et semé des troubles qui ont attenté au calme et à la sacralité du lieu de culte ». L’incident a été filmé par téléphone portable et diffusé sur Facebook, des images sur lesquelles on voit M. Zefzafi s’en prendre avec véhémence à l’imam, qu’il traite de « menteur ».
Après s’être demandé si les mosquées étaient faites « pour Dieu ou le makhzen (pouvoir)? », il s’en est pris à « ceux qui veulent faire capituler le Rif », la région frondeuse et conservatrice où est située Al-Hoceima, et aux « étrangers qui viennent violer nos femmes ». M. Zefzafi a aussi fustigé le festival de musique Mawazine, qui vient de s’achever à Rabat, avec « des corps nus que l’on voit en direct sur la télévision d’un Etat qui se dit musulman ». Le ministre des Affaires islamiques, Ahmed Toufik, qui avait annoncé à tort son arrestation vendredi, a dénoncé « un acte sans précédent », un délit « grave ». Un proche de M. Zefzafi a expliqué que ce dernier avait réussi à échapper aux policiers venus l’interpeller à la sortie de la mosquée. Intervenant un peu plus tard sur les réseaux sociaux depuis le toit de sa maison à Al-Hoceïma, le leader de la contestation a déclaré qu’il n’avait pas peur. « S’ils veulent m’arrêter, qu’ils viennent! », a-t-il lancé. Dans une autre vidéo, publiée peu après, il a dit être « sain et sauf » et a appelé à des manifestations pacifiques. 
Les heurts entre manifestants se poursuivaient entre-temps faisant plusieurs blessés, dont « trois graves », du côté des forces de sécurité, a indiqué l’agence de presse officielle MAP.
Tension à al-Hoceïma, d’autres villes passent à la contestation
Hier, la situation était tendue à Al-Hoceïma (nord du Maroc) après la tentative d’arrestation, la veille, du leader de la contestation dans le Rif, Nasser Zefzafi, accusé d’avoir agressé un Imam dans une mosquée, alors qu’à Khouribga (centre du pays) les populations intensifient leurs mouvements de contestation, à travers des marches et sit-in, pour revendiquer l’emploi, la justice et les droits sociaux. Déjà en ébullition depuis plusieurs mois, les populations de la région du Rif, notamment à Al-Hoceïma ont été scandalisées par le mandat d’arrêt lancé contre le leader de la contestation (hirak errif), M. Zefzafi. 
Le mouvement de contestation populaire a pris de l’ampleur où des voix s’élèvent à Khouribga et plusieurs autres villes dans cette région du Rif marginalisée, où les habitants de ses provinces donnent de plus en plus de la voix, au moment où plusieurs autres villes comme Boujniba, Khouribga et Safi suivent le pas et appellent à des rassemblements en vue de réclamer des droits socio-économiques dénonçant le chômage et le manque d’infrastructures. Selon les Associations des droits de l’homme, cités par les médias, «la région d’al-Hoceïma ne fait pas l’exception. Plusieurs autres villes manquent d’infrastructures et de création d’opportunités de travail pour les jeunes». 
Ainsi, dans les villes de Khouribga et de Boujniba, des milliers de contestataires, en chômage, ont déjà organisé, une manifestation contre la «marginalisation» et la «Hogra». «Le taux de chômage y est plus important que dans d’autres villes, ce qui pousse les jeunes soit à émigrer, soit à exercer des activités illégales», déplore le représentant d’une association locale de Khouribga. Les participants présents en masse à la «Place des Moudjahidine» ont scandé plusieurs slogans en arabe : «En un seul mot, l’Etat est corrompu», «Ya khouribgui, ton temps est venu pour revendiquer ton droit»… 
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Dans ce contexte, un officier de police Hichem Djilali, a assuré que les protestataires sont déterminés à poursuivre la lutte dans cette ville jusqu’à ce que le taux de chômage atteigne le 0%. Les retraités ont également fait part de la contestation aux côtés des enfants (orphelins) et femmes (veuves), des employés de groupe el-Charif pour le phosphate, revendiquant l’application de l’article n 6 du Code minier, qui leur donne la priorité à l’embauche. 
A Sidi Ifni, l’économie locale vit aussi au ralenti, selon des sources locales, des groupes de jeunes chômeurs tiennent, depuis un mois, un sit-in au port de cette ville pour avoir du travail. Ils appellent les gens à exprimer leur colère et descendre dans la rue pour manifester contre la «précarité». La protestation a aussi gagné la région de Tinghir dans le centre-est du Maroc «Les habitants se sentent abandonnés par les élus. C’est pourquoi ils sont prêts à hausser le ton en organisant des mouvements de protestation comme cela a été le cas en 2013, car on ne peut pas rester sans rien faire devant l’indifférence des responsables en charge de la gestion publique», a prévenu un représentant associatif, Abderrahman Benameur. En solidarité avec les manifestants de la région d’Al-Hoceïma, les habitants de Tinjdad, ont également tenu un sit-in lundi dernier. 
Pour rappel, des manifestations marquent le quotidien de la province d’Al-Hoceima, dans la région du Rif, depuis la mort fin octobre 2016 d’un vendeur de poisson, broyé accidentellement dans une benne à ordures. L’indignation qui s’en était suivie dans l’ensembl
e du pays s’est transformée en un mouvement plus social et politique à Al-Hoceïma, sous la houlette d’un groupe de militants locaux, le « hirak ». 
Parmi ses nombreuses revendications, ce groupe met au-devant le développement du Rif, qu’il estime marginalisé. Son leader, M. Zefzafi, multiplie sur les réseaux sociaux les offensives contre le gouvernement marocain, sur fond de discours identitaire teinté de conservatisme et de références islamiques. 
L’Etat marocain a annoncé la mise en œuvre d’un catalogue de projets de développement de la région, désormais une « priorité stratégique ». Une délégation de sept ministres s’était rendue sur place au début de la semaine dernière.

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