Par Kamel Moulfi – Le Rif, haut lieu de la résistance marocaine contre le colonialisme, est en plein bouillonnement depuis plusieurs mois. Dans cette région, toute une population, d’une génération à l’autre, vit constamment dans le besoin et se trouve condamnée à végéter dans la misère : les rares qui ont un salaire ou une pension sont privés de la sécurité sociale, de la santé et de l’école pour leurs enfants, la majorité est contrainte au chômage et n’a d’autres recours que le travail au noir, sans aucun droit, ou l’émigration en Europe pour y trouver des conditions de vie décentes. Le décès du vendeur de poisson Mohcine Fikri, broyé par une benne à ordures dans la ville d’El-Hoceima en octobre dernier, a été le déclencheur d’un mouvement social de protestation, traduit ce jeudi par une grève générale et une marche de milliers d’habitants.
Pour désamorcer la révolte des Rifains, portée par leurs revendications sociales face aux injustices criantes qu’ils subissent et par leur dénonciation de la corruption qui mine le régime marocain, le Makhzen, relayé par les médias à ses ordres, crie au «complot» téléguidé d’Alger. Notre pays est accusé d’«amplifier un fait divers pour tenter de nuire au Maroc». Le chef du gouvernement marocain, Saad Dine El Othmani, et les chefs des partis de sa majorité n’ont pas eu plus d’imagination en sortant la sempiternelle accusation archi-usée de la «main étrangère», visant évidemment notre pays. En clair, les protestataires seraient manipulés par l’Algérie. L’allusion au problème posé par l’occupation marocaine du Sahara Occidental est mise en évidence dans l’accusation de séparatisme lancée contre le mouvement du Rif et ses leaders.
Le feu qui a pris à El-Hoceima n’a pas besoin, pour être entretenu, qu’à partir d’Alger on y ajoute de l’huile. Les troubles dans cette région marginalisée sont attisés par la situation sociale de ses habitants et par les déclarations méprisantes du gouvernement à leur égard. Or, les Rifains, c’est connu, n’ont jamais accepté que l’on égratigne leur dignité, et ce n’est pas le déploiement des forces de sécurité qui pourra également les dissuader de faire valoir leurs revendications.
K. M.