Sahara Occidental : quand la France, membre permanent du Conseil de sécurité de l’Onu, piétine le droit international et européen !

Par : Afrique Asie, 22/03/17
 Amar Belani, Ambassadeur de l’Algérie en Belgique et auprès de l’Union européenne réagit, pour Afrique Asie, à l’intrusion de la France dans le débat au Parlement européen sur le Sahara occidental.

Afrique Asie : Au Parlement Européen, la France a démontré une nouvelle fois qu’elle est l’alliée dévouée du Maroc, quelle réflexion cela vous inspire-t-il ? 

 Amar Belani : Le débat auquel nous avons assisté le 20 mars 2017 au parlement européen lors d’une session conjointe des Commissions Affaires Étrangères (AFET) et Commerce International (INTA) du Parlement européen, réunie pour débattre des incidences de l’Arrêt de la Cour de justice européenne du 21 décembre 2016 qui avait conclu que les accords commerciaux entre l’UE et le Maroc ne peuvent inclure des produits originaires du Sahara Occidental, a offert un spectacle désolant et a révélé au grand jour les calculs politiciens auxquels s’adonnent, en particulier, un pays membre permanent du Conseil de Sécurité et certains cercles au sein de la Commission européenne pour contourner le droit international et sceller le sort du Sahara occidental dans le sens illicite voulu par le Maroc.

 Flagrant délit de duplicité et de parti-pris

D’un côté, le gouvernement de ce pays en question, traditionnellement discret dans son soutien au Maroc dans son occupation illégale du territoire du Sahara occidental vient d’abattre ses cartes en affichant ostensiblement son mépris pour la légalité internationale et sa lecture biaisée de la décision adoptée par la plus haute juridiction européenne. En effet, une note circulée par ses services auprès des eurodéputés de ce même pays, toutes sensibilités politiques confondues, avant le débat parlementaire fournit à ces élus les éléments de langage ainsi que les lignes directrices dont ils doivent s’inspirer dans leurs interventions.

 Par-delà son caractère directif et des éléments de position erronés qu’il articule, le document administre la preuve d’un parti-pris flagrant de ce gouvernement en faveur du Maroc, allant jusqu’à dénaturer la décision de la justice européenne qui a pourtant clairement établi le caractère distinct et séparé garanti au territoire du Sahara occidental conformément au droit international.

Pis encore, ce pays qui a soutenu le pourvoi formé par le Conseil de l’UE et la Commission européenne contre l’arrêt du tribunal européen du 10 décembre 2015, contredit la position défendue devant la Cour par ces deux institutions européennes en affirmant que la volonté initiale du Maroc et de l’UE au moment de la conclusion de l’accord agricole, a toujours été d’étendre son champ d’application au Sahara occidental.

 Enchaînant assertions biaisées et contrevérités, le document réduit l’exercice auquel s’attelle actuellement la Commission européenne, en lien avec le Maroc, à une simple clarification technique demandée par la Cour de justice européenne pour poursuivre la mise en œuvre de l’Accord agricole, comme si aucune action en justice n’avait été intentée.

  Au cours du débat, on a entendu l’eurodéputé Gilles Pargneaux affirmer que l’Algérie est au pied du mur… 

 Je ne vois pas ce que l’Algérie vient faire dans ce débat tant les deux parties au conflit du Sahara Occidental sont clairement identifiées par toutes les résolutions du Conseil de Sécurité, et qu’il s’agit en l’occurrence du Royaume du Maroc et du Front Polisario, en sa qualité de seul et légitime représentant du peuple sahraoui. C’est une nouvelle divagation pitoyable de la part de ce VRP patenté et zélé du Maroc. Peut-être était-il encore sous l’influence des embruns marins de la ville de Dakhla occupée et des brumes et vapeurs des diners festifs et arrosés puisque il vient d’y faire ripaille sur le dos des sahraouis opprimés.

  Les représentants des services de la Commission européenne ont été plutôt accommodants avec le Maroc ? 

 Coté institutionnel, la réplique vaseuse donnée par les représentants de la Commission européen et du Service diplomatique de l’UE lors du débat au parlement européen, outre qu’elle n’a convaincu personne, contredit l’esprit et la lettre de l’arrêt de la Cour de justice de l’UE. En analysant leurs propos, l’on pourrait dire que l’enjeu actuel de l’UE se limite à trouver une base juridique artificielle pour faire bénéficier les produits originaires du Sahara occidental des préférences tarifaires dont bénéficient en temps normal les produits originaires du territoire marocain en vertu des accords de libre-échange signés avec l’UE.

 Ce faisant, l’UE si prompte à critiquer les autres pays sur leur bilan en matière de droits de l’homme et à s’ériger en espace respectueux de l’État de droit et de la légalité internationale, fait prévaloir les intérêts étroits de certains de ses États membres (France, Espagne etc.) sur le droit international et la promotion de la paix.

 Comment interpréter sinon le fait que l’UE admette que des produits issus d’une entreprise de spoliation à grande échelle menée sur tout l’étendue du territoire du Sahara occidental, et sans le consentement du Peuple Sahraoui à travers son seul et légitime représentant, le front Polisario, ne lui posent de problème qu’en termes de bénéfice ou non des préférences tarifaires, passant sous silence l’exploitation illégale des ressources naturelles du Territoire dont sont originaires ces produits et, fait plus grave, en fermant les yeux sur le statut d’occupant du Maroc et de territoire non autonome reconnu au Sahara occidental.

 Ces développements inquiétants qui sont annonciateurs d’un déni de justice interpellent les consciences vives et appellent, tant de la part la part du Front Polisario que de la Communauté internationale, un regain de vigilance pour veiller à l’application rigoureuse de l’Arrêt de la Cour de justice de l’UE.  Le cas échéant de nouvelles procédures judiciaires pourraient être engagées pour que le droit européen et le droit international finissent par s’imposer malgré les tentatives, désormais évidentes, de contournement de l’arrêt de la CJUE.

  Enfin, un mot sur la position fluctuante de l’Espagne ? 

 Malgré les nuisances qu’il peut subir de la part d’un voisin irascible, ce pays a eu la bonne attitude (encore faut-il que cela se confirme dans la durée) de reconnaitre clairement que les accords euro-méditerranéens entre le Maroc et l’Union Européenne ne s’appliquent pas au territoire du Sahara Occidental vu que celui-ci ne fait pas partie du territoire du Maroc. Pour le reste, le wait and see est de rigueur.

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