Dans un entretien accordé mercredi à nos confrères de l’APS, le ministre espagnol des Affaires étrangères et de la Coopération, Alfonso Dastis, qui effectuait une visite à Alger, a réaffirmé le soutien de son pays au droit du peuple sahraoui à l’autodétermination, rappelant que l’Espagne a un lien «historique et affectif» avec le peuple du Sahara Occidental occupé.
«Le gouvernement (espagnol) soutient les efforts du Secrétaire général de l’ONU d’assister les parties à parvenir à une solution politique juste, durable et mutuellement acceptable qui pourvoie à l’autodétermination du peuple du Sahara Occidental dans le cadre d’arrangements conformes aux buts et principes énoncés dans la Charte de l’ONU et en conformité avec les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité», a affirmé le chef de la diplomatie espagnole.
Le discours aussi rassurant que ferme du responsable espagnol aurait pu réconforter les Sahraouis. Seulement, c’est loin d’être le cas. La raison n’est pas à chercher très loin. Il est de notoriété publique que l’Espagne, sur le dossier du conflit du Sahara Occidental, adopte des positions diamétralement opposées à ce qu’elle affirme. Et cela, quel que soit le parti qui accède au pouvoir à Madrid. Sur le Sahara Occidental, les responsables espagnols sont d’ailleurs devenus des spécialistes du double discours.
Dans un article intitulé «Difficile équilibre de la politique espagnole au Sahara Occidental», publié en avril 2015 sur le site «Orient XXI», le journaliste espagnol Ignacio Cembrero révèle à ce propos que «la diplomatie espagnole soutient discrètement depuis des années la proposition marocaine d’autonomie formulée en 2007 pour résoudre le conflit du Sahara Occidental». Cela apparaît, par exemple, a-t-il rappelé, dans les câbles dévoilés fin 2010 par Wikileaks. L’ambassadeur d’Espagne au Maroc de l’époque, Luis Planas, raconte aux diplomates américains qu’il a offert ses services aux Marocains pour les aider à peaufiner leur plan d’autonomie.
Cela ressort également des réunions du Groupe des amis du Sahara Occidental à New York, dont l’Espagne est membre, début avril 2013. Ainsi, les diplomates espagnols étaient aux côtés des Français pour faire avorter l’initiative de l’ambassadrice des Etats-Unis aux Nations unies, Susan Rice, qui voulait élargir le mandat de la Mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara Occidental (Minurso) afin qu’elle ait des compétences en matière de droits humains. Le Maroc y était totalement opposé et il a eu gain de cause : le mandat n’a finalement pas été modifié.
Ignacio Cambrero soutient, par ailleurs, qu’il arrive que les hommes politiques — surtout les socialistes — laissent entrevoir leur sympathie pour les thèses marocaines. «En 2008, José Luis Rodríguez Zapatero, alors chef du gouvernement, osait dire par exemple que l’offre d’autonomie était une ‘‘contribution positive’’ à la solution du conflit», rappelle-t-il.
Quatre ans plus tard, en juin 2012, le ministre des Affaires étrangères du PP, José Manuel García-Margallo, est allé jusqu’à soutenir en public la réprobation manifestée par Rabat à l’encontre de Christopher Ross, l’Envoyé personnel pour le Sahara du Secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon. Et cela, tout le monde le sait. En se permettant aujourd’hui de dire à Alger que l’Espagne soutient l’autodétermination du peuple sahraoui que Madrid a livré au Maroc pieds et poings liés, qui exactement Alfonso Dastis veut-il duper ?
K. C.