Maroc-UA: un retour et des interrogations!

Karim MOHSEN
Publié dans L’Expression le 01 – 02 – 2017
La réintégration du Maroc au sein de l’Union africaine est, de prime abord, une bonne chose pour l’organisation panafricaine, mais surtout pour le Royaume chérifien qui sort de son isolement. En effet, plus que l’UA, c’est surtout le Maroc qui avait besoin de revenir dans sa famille africaine naturelle. Durant son absence de 33 ans, l’Union africaine a fait sa mue, devenant un partenaire incontournable pour les Nations unies et les organisations internationales. 
Il était donc présomptueux de la part des médias marocains de chanter «victoire» alors qu’un retour de ce pays à l’UA était souhaité, attendu et, last but not least, allait de soi. Nous l’avons déjà écrit dans ces colonnes: un retour du Maroc dans l’Union africaine, était une simple formalité à laquelle Rabat avait donné une dimension inusitée en organisant une campagne d’adhésion hors de raison. Un triomphalisme à la limite du ridicule. 
L’Afrique a donc pris acte de ce retour. Ceci dit, reste l’impondérable: comment Rabat va-t-elle gérer ce retour au sein de l’organisation panafricaine et en particulier sa cohabitation avec la République arabe sahraouie démocratique (Rasd) dont le Maroc occupe toujours le territoire depuis 1975. C’est déjà là une anomalie, qu’il est impossible de ne pas relever, qui va à l’encontre de la Charte fondatrice de l’UA. Charte dont le Maroc a ratifié, sans condition, ses articles, singulièrement celui qui stipule «le respect des frontières existantes à l’accession à l’indépendance». 
En d’autres termes, le Maroc est revenu à l’Union africaine dans ses limites géographiques et juridiques reconnues par les Nations unies et la communauté internationale. Ce qui veut dire aussi, que Rabat admet – si elle ne la reconnaît pas encore – la situation de fait de cohabiter avec la Rasd et, pourquoi pas, participer à trouver une solution adéquate et pacifique au contentieux qui les oppose. Un fait évident à souligner cependant: l’arrivée du Maroc à l’Union africaine ne remet pas en cause la présence de la Rasd et c’est au Royaume alaouite de s’adapter à cette donne induite par sa (ré)intégration à l’Union africaine. 
En intégrant le Maroc, l’Union africaine savait qu’elle allait hériter d’un fait inédit: un de ses pays membres occupe militairement un autre de ses pays membres. Dans ce contexte, il convient de relever qu’il n’y a pas eu de garantie quant à la bonne foi du Maroc à propos du contentieux qui l’oppose au Sahara occidental. De fait, la conférence des chefs d’Etat et de gouvernement à Addis-Abeba a exhorté le Conseil de sécurité à «assumer pleinement ses responsabilités en restaurant le plein fonctionnement de la Minurso [Misson des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental] qui est indispensable à la supervision du cessez-le-feu et à l’organisation du référendum d’autodétermination». Ce qui remet le contentieux dans son contexte: une question de décolonisation. 
L’Afrique peut-elle accepter parmi les siens un colonisateur qui [a] remplacé au pied levé le colonialisme espagnol? Bien sûr que non, car ce serait faire injure à un continent qui a payé cher le prix de sa liberté. En ne clarifiant pas suffisamment sa position sur le dossier sahraoui – notamment sur son droit à l’autodétermination et à l’indépendance – l’Union africaine semble bel et bien avoir semé l’imbroglio dan son fonctionnement et ouvert la boîte à Pandore. Il y a des signes qui ne trompent pas: l’acharnement du Maroc à vouloir revenir dans l’organisation panafricaine, le roi Mohammed VI s’est totalement investi dans ce devoir, l’accueil triomphal fait à Rabat à cette réintégration, tout cela n’est pas normal et dépasse le simple satisfecit de la mission accomplie. Mission accomplie? Serait-ce là la clé pour comprendre le pourquoi du retour du Royaume chérifien? C’est plausible, d’autant plus que Rabat n’a à aucun moment renoncé au fait accompli, ni dit sa disponibilité à trouver une solution idoine au conflit sans léser les intérêts du peuple sahraoui. Il faut donc craindre que l’Union africaine n’ait admis un serpent en son sein dont la mission serait de la détruire de l’intérieur. Nous espérons nous être trompés et que seule la sagesse a pousséRabat à réintégrer une organisation qu’elle n’aurait jamais dû quitter. L’avenir nous dira si l’UA n’a pas creusé sa fosse, en réintégrant le Maroc.
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