Les dernières tractations autour de l’élection du prochain président de l’organisation panafricaine se jouent en ce moment à Addis-Abeba. Une importante délégation algérienne est sur place depuis deux jours pour prendre part à l’événement déterminant pour l’avenir et la cohésion de l’Union africaine.
Abla Chérif – Alger (Le Soir) – Officiellement, les travaux du 28e Sommet de l’UA se dérouleront les 30 et 31 janvier prochains, soit deux journées pleines au cours desquelles les chefs d’État et de gouvernement africains éliront donc la personne qui succédera à Nkosazana Dlamini Zuma. Femme de caractère, cette Sud-Africaine en poste depuis 2012 a tenu à effectuer sa sortie comme elle avait entamé son mandat: en œuvrant de tout cœur pour tenter de préserver l’unité et l’intégrité de l’organisation. Elle a notamment tenu à le prouver en soumettant la demande d’adhésion du Maroc à un rude examen.
Persuadée, comme beaucoup d’autres, que cette demande cachait des intentions peu avouables, elle a exigé du roi la ratification de l’acte constitutif de l’Union africaine. Celui-ci engage le pays signataire à reconnaître les frontières héritées du colonialisme de tous les États membres de l’Union. Cette démarche, il faut le signaler, a été entreprise par Dlamini Zuma quelques jours seulement après que le Maroc eut décidé de se retirer du Sommet afro-arabe (en Guinée équatoriale) pour protester contre la présence d’une délégation de la RASD. Zuma a voulu en avoir le cœur net en acculant Mohammed VI, lequel a réagi très violemment en l’accusant de dresser délibérément des obstacles.
Conscient des répercussions pouvant découler d’un refus de se plier à une telle demande, le roi a fini par plier en ratifiant cet acte constructif il y a plus d’une dizaine de jours. Au même moment, il annonçait son intention de conduire personnellement l’importante délégation qui se rendra ce mardi à Addis-Abeba.
Le fait a été perçu comme un coup de force destiné à défoncer les portes de l’organisation africaine plus de trente ans après avoir été claquées par son père le défunt Hassan II. Sa présence au Sommet vise aussi et surtout à parachever les efforts consentis depuis de longues semaines par les lobbyings marocains pour parvenir à arracher les 36 voix nécessaires pour faire son entrée officielle à l’UA.
La bataille qui se mène est extrêmement rude et du résultat de l’élection prévue durant le sommet dépendra l’issue de cette question cruciale passible de remettre en cause et la cohésion et les fondements mêmes de l’organisation panafricaine.
Les délégations déjà présentes à Addis-Abeba sont d’ailleurs visiblement à la recherche de moyens pour consolider les acquis et barrer le route à toute entreprise aventureuse. Mardi déjà, un communiqué du ministère algérien des Affaires étrangères annonçait que les travaux du Conseil exécutif de l’UA qui s’est tenu mardi s’est penché sur des questions cruciales. La présidente sortante à, en effet, présenté un rapport où elle indique que le problème de décolonisation inachevée du Sahara occidental a été la préoccupation première de l’UA et de son ancêtre l’OUA.
L’UA, dit-elle, demeure engagée pour le règlement pacifique de ce problème, appelle à l’instauration d’un contrôle indépendant et soutenu de la situation des droits de l’Homme dans les territoires occupés et dans les camps de réfugiés. Elle déplore, enfin, le fait que le représentant de l’UA n’ait pas été autorisé à retourner au Sahara occidental comme la Minurso, tous deux chassés par Mohammed VI.
Dans un autre communiqué du MAE, on apprend que les consultations vont bon train à Addis-Abeba. Ramtane Lamamra a déjà eu plusieurs entretiens portant sur des questions d ‘intérêts communs avec ses homologues maliens par exemple. L’Afrique est, comme on le sait, confrontée à un grave phénomène de sécurité lié particulièrement au retour des éléments enrôlés par Daesh fuyant les pays où l’organisation est mise en déroute.
Le délégué à la sécurité et la paix auprès de l’UA a récemment annoncé qu’il fallait s’attendre à un retour important, plus de 2 000 éléments, et que certains d’entre eux étaient déjà arrivés en Afrique et probablement au Sahel. Tous ces points seront désormais sous la charge du futur président de l’organisation qui sera élu cette semaine. Cinq candidats sont en lice: un Tchadien, une Kényane, le MAE de la Guinée équatoriale, un Somalien et, enfin, un ancien diplomate sénégalais. Récemment, le journal Le Monde avait présenté ce dernier comme étant le «cheval de Troie» du Maroc. Donné comme favori il y a quelque temps encore, ce Sénégalais semble aujourd’hui en perte de vitesse en raison des liens trop étroits qu’entretient son gouvernement avec le Maroc.
La décision finale reviendra, mardi et mercredi prochains, aux chefs d’État qui voteront. L’Afrique retient son souffle.
A. C.