Le samedi 7 janvier, les panafricains organiseront, pour la première fois, de Paris à Dakar, en passant par Abidjan, Ouidah, Londres et Bruxelles, une journée internationale de mobilisation sur le thème du F CFA et la nécessité de se défaire de cette monnaie postcoloniale.
Lorsque l’Afrique et sa diaspora s’unissent pour démanteler les jalons du colonialisme, il en découle un événement historique : le front contre le Franc des Colonies Françaises d’Afrique (CFA). L’appel a été lancé le 26 décembre 2016 par le militant panafricaniste, Kemi Seba, et par l’ONG, Urgences Panafricanistes (URPANAF).
Créé en 1945, le F CFA est en cours aux Comores et dans quatorze Etats d’Afrique de l’Ouest et du Centre : Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Côte d’Ivoire, Gabon, Guinée-Bissau, Guinée équatoriale, Mali, Niger, République Centrafricaine, République du Congo, Sénégal, Tchad et Togo.
En Europe, comme dans les pays de la Zone Franc, et ailleurs, sur le continent, les citoyens et associations se mobilisent. Tous dénoncent les effets pervers de cette monnaie postcoloniale et réclament la fin de la servitude monétaire. Ils exigent la vérité sur les comptes d’opérations ouverts par les banques centrales auprès du Trésor français. Une information récente a circulé dans les réseaux sociaux selon laquelle les banques allemandes évaluent à 400 milliards d’euros, la somme astronomique que la France prélève, directement ou non, aux pays africains de la zone Franc, chaque année, à travers ce mécanisme (opaque) du compte d’opérations. On comprend pourquoi, malgré la disparition du Franc Français et l’adoption de la monnaie unique (euro) par la France, le gouvernement français a conservé sa mainmise sur ce dispositif colonial, refusant son transfert auprès de la banque centrale européenne. C’est, donc, le Trésor français, c’est-à-dire, le ministère français des Finances qui a la haute main (à la place de la Banque centrale) sur les finances de 14 pays souverains (notre photo montrant le ministre français des Finances Michel Sapin passant en revue les drapeaux des pays africains de la zone franc). Très étrange comme système !
Pour les intellectuels, le temps est venu de faire autrement. Il faut imposer ce changement aux chefs d’Etat africains, qui sont effrayés par la simple idée d’évoquer la création d’une monnaie souveraine. Seul le président tchadien, Idriss Déby Itno, tient un discours ferme, de vérité, en demandant à ses homologues de créer leur propre monnaie. Mais depuis deux ans, au moins, qu’il le dit, aucun dirigeant africain n’épouse sa position. C’est le mutisme total.
La mobilisation a pour objectif de contribuer aux débats en Afrique, en Europe et en Amérique, concernant les moyens de sortir de cette servitude monétaire, et d’informer l’opinion africaine, française et européenne des conséquences du lien qui attache, encore, l’ancienne métropole à ses ex-colonies.
Il s’agit, également, de discuter des transformations indispensables à opérer tant au niveau institutionnel que politique, pour répondre aux intérêts des quinze pays de la Zone F CFA dont onze sont classés parmi les pays moins avancés (PMA) par les Nations-Unies.
Un défi panafricain
Penser une Afrique nouvelle, c’est penser l’émergence d’un continent libéré du joug impérialiste, qui prend en main son économie et gère, directement, l’exploitation de ses propres ressources naturelles. La monnaie est un attribut de souveraineté. Or, le F CFA, cheval de Troie du néocolonialisme, empêche, évidemment, cette impulsion.
C’est pourquoi cette action coordonnée du 7 janvier 2017 contre l’ordre économique du système F CFA est une mobilisation inédite et historique. Elle met en lumière la capacité des Africains et afro-descendants à comprendre l’urgence de prendre part à ces discussions afin de s’impliquer, réellement, dans l’avenir du continent.
Les pays où va s’organiser cette conférence : Paris (France), Bamako (Mali), Ouagadougou (Burkina Faso), Abidjan (Côte d’Ivoire), Bruxelles (Belgique), Londres (Royaume-Uni), Bologne (Italie), Ouidah (Bénin), Dakar (Sénégal), Haïti (Port au Prince) et Kinshasa (République démocratique du Congo)