Comment le roi du Maroc a voulu manipuler le président mauritanien Ould Abdelaziz

La crise qui a opposé le Maroc à la Mauritanie ces derniers jours, suite aux déclarations scandaleuses du parti marocain Istiqlal qui a réitéré ses inepties traditionnelles au sujet de la «marocanité du territoire mauritanien», n’est finalement qu’une comédie médiatique organisée par le Makhzen à des fins politiciennes. D’après une source très au fait du dossier, qui a bien voulu se confier à Algeriepatriotique, le stratagème mis sur pied par le palais et ses conseillers français, saoudiens et israéliens a eu pour objectif de créer une situation de tension provoquée par un parti politique marocain qui a pignon sur rue et de réserver le deus ex machina au Makhzen qui devait en récolter les dividendes. Se fâcher pour se refaire «copains» puis aborder des sujets plus neutres qui ne toucheraient pas aux relations bilatérales, la stratégie très simpliste n’est pas en contradiction avec les préjugés du chef d’Etat marocain à l’endroit de ses pairs africains qu’il considère plus émotifs que réfléchis, si l’on se fie aux confidences de hauts responsables de la Cédéao qui ont eu à le rencontrer.
La première étape a prévu de froisser le président Mohamed Ould Abdelaziz, et c’est le secrétaire général de l’Istiqlal, vieil appareil aux ordres, qui a été chargé d’exécuter la phase initiale. Hamid Chabat n’a pas eu besoin de répétition pour sa tirade au contenu expansionniste, credo de sa formation politique habituée à délirer en revendiquant tantôt une large partie du territoire algérien, tantôt la Mauritanie toute entière. Jamais, par contre, les enclaves de Ceuta et de Melila…
«La Mauritanie est une terre marocaine», a-t-il réitéré bruyamment le 24 décembre dernier lors d’un meeting prétexte à l’opération supervisée par les services marocains de la DGED. Il n’a pas fallu trop attendre pour que le voisin mauritanien proteste. Quelques heures de malaise simulé du côté de Rabat, et tous les acteurs, échauffés d’avance pour les courbettes, se confondent en excuses. Le MAE marocain condamne les «propos irresponsables et dangereux de Chabat». «Mohammed VI passe un appel téléphonique mielleux pour s’excuser auprès du Président», laisse fuiter un membre abusé du protocole présidentiel mauritanien content de la réparation morale. Le président Ould Abdelaziz lui-même serait-il aussi tombé dans le panneau ?
Pour s’en assurer, le monarque chérifien dépêche son Premier ministre, Abdellilah Benkirane, à Nouakchott afin de présenter, lui aussi, des excuses à l’occasion d’une performance théâtrale grotesque. Le leader de l’Istiqlal fait part, à son tour, de ses regrets, en revenant sur ses affirmations à travers un éditorial publié le 29 décembre à la une d’El-Alam, l’organe d’information du parti. Entre temps, des réseaux de propagande marocains font savoir que Benkirane aurait promis au président mauritanien que «le fauteur de troubles Chabat ne ferait pas partie de son exécutif», tandis que sa majorité du PJD voudrait faire alliance avec l’Istiqlal pour gouverner.
Excuses plates, concessions sur la composante du futur gouvernement – qui relève pourtant de la souveraineté absolue du royaume –, déclarations emphatiques d’amitié, désaveu public rabaissant le chef d’un parti politique important et populaire, promesses de gestes de solidarité (enveloppe financière ?), le Makhzen n’économise aucun artifice pour flatter la Mauritanie offensée volontairement quelques jours auparavant. Les fourberies de Mohammed VI s’additionnent.
Usages diplomatiques obligent, les officiels mauritaniens et la classe politique en général accusent le coup avec philosophie en se félicitant que l’incident ait pu finalement rapprocher les deux pays en froid depuis plusieurs années. Il faut préciser que les relations sont très tendues entre Nouakchott et Rabat, particulièrement depuis l’année 2012 quand l’ambassadeur mauritanien Mohamed Ould Mouaouia a quitté subitement le Maroc. Il n’a pas été, à ce jour, remplacé.
Or, les principaux contentieux entre les deux voisins demeurent la question des frontières et la reconnaissance de la RASD que reproche Rabat à Nouakchott. Pas de doute, le rapprochement forcé au lendemain d’une provocation tactique vise à rediscuter la position de la Mauritanie par rapport à l’autodétermination du peuple sahraoui.
Afin d’y parvenir, Nasser Bourita, ministre marocain délégué auprès des Affaires étrangères du Makhzen, aurait transmis à Nouakchott des dossiers fabriqués contre l’Algérie et le Polisario. Une tentative de manipulation par de fausses révélations qui pourraient, au pire, être signalées par les frères mauritaniens aux autorités algériennes dans une note confidentielle propre aux pays amis. Malgré les diaboliques interférences marocaines.
A vouloir berner de la sorte le président Mohamed Ould Abdelaziz, Mohammed VI risque d’apprendre à ses dépens un proverbe mauritanien qui enseigne que «si quatre yeux se confrontent, deux auront honte». Le retour de manivelle viendra bientôt, forcément.
Maya Loucif

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