Laccord UE-Maroc nest pas applicable au Sahara Occidental

Actualisé Lavocat général de la Cour de justice de lUnion européenne (CJUE), Melchior Wathelet, a considéré mardi que laccord UE-Maroc sur la libéralisation des échanges des produits agricoles et de la pêche ne sapplique pas au Sahara Occidental qui «ne fait pas partie du territoire du Maroc». «(&) Le Sahara Occidental ne fait pas partie du territoire du Maroc et que, partant, contrairement à ce qui a été constaté par le Tribunal, ni laccord dassociation UE-Maroc ni laccord de libéralisation ne lui sont applicables», a-t-il écrit dans ses conclusions rendues ce mardi. Dans sa recommandation à la Cour qui doit rendre son verdict ultérieurement, lavocat général de la CJUE a souligné que ni lUE, ni aucun de ses Etats membres ne reconnaissent la prétendue souveraineté du Maroc sur le Sahara Occidental, un territoire inscrit depuis 1963 sur la liste des territoires non-autonomes de lONU. 
«LUnion et ses Etats membres nont jamais reconnu que le Sahara Occidental fait partie du Maroc ou relève de sa souveraineté», a-t-il affirmé. Il a, dans ce contexte, constaté que le Sahara Occidental est, depuis 1963, inscrit par lONU sur sa liste des territoires non autonomes, qui relèvent du champ dapplication de sa résolution portant sur lexercice du droit à lautodétermination par les peuples coloniaux.
Lavocat général a rappelé, à ce titre, que le droit international ne permet pas détendre le champ dapplication dun traité bilatéral à un territoire qui constitue une partie tierce par rapport aux parties au traité. «Or, le Sahara Occidental constitue précisément un tel territoire par rapport à lUnion et au Maroc», a-t-il relevé. Autrement dit, laccord UE-Maroc sur la libéralisation des échanges des produits agricoles et de la pêche signé en 2012 entre les deux parties ne sapplique pas au Sahara Occidental.
Cependant, lavocat général propose à la Cour, dans le cas où elle déciderait que les accords en cause sont tout de même applicables au Sahara Occidental et que le Front Polisario est habilité à contester la décision litigieuse, de considérer que le Conseil a manqué à son obligation dexaminer tous les éléments pertinents des circonstances de la conclusion de laccord de libéralisation.
Contrairement à ce qui a été décidé par le Tribunal, lavocat général considère que le Conseil ne fût pas tenu dévaluer les effets de la conclusion de cet accord sur lexploitation des ressources naturelles du Sahara occidental. Mais, il estime que le Conseil «aurait dû prendre en compte la situation des droits de lhomme dans ce territoire ainsi que limpact potentiel de laccord sur cette situation». Dans cette hypothèse, lavocat général estime que «le Tribunal a procédé à juste titre à lannulation partielle de la décision contestée en ce quelle approuve lapplication de laccord de libéralisation au Sahara Occidental, si bien que le pourvoi du Conseil doit être rejeté comme non fondé».
La CJUE nest pas tenue de suivre les conclusions de l’avocat général dont la mission consiste à proposer à la Cour, en toute indépendance, une solution juridique dans cette affaire qui oppose le Front Polisario au Maroc et son partenaire européen. Cependant, une source diplomatique souligne que lavis de lavocat général est, généralement, suivi dans la plus part des cas, qualifiant ses conclusions de «victoire politique» pour la cause sahraouie.
Le tribunal de la CJUE avait annulé le 10 décembre dernier laccord UE-Maroc sur la libéralisation des échanges des produits agricoles et de la pêche signé en 2012 au motif quil incluait le territoire du Sahara Occidental. Le tribunal a considéré que le Conseil de lUE qui approuvé cette accord avait manqué à son obligation dexaminer si lexploitation des ressources naturelles du territoire du Sahara Occidental sous contrôle marocain se fait au profit de la population sahraouie. Le Conseil de lUE a introduit, quelques semaines après, un pourvoi devant la Cour de justice à lencontre de larrêt du Tribunal.
«Lavis de lavocat général ouvre la voie à lorganisation dun référendum dautodétermination»
Lavis formulé par lavocat général de la Cour de justice de lUnion européenne (CJUE) dans laffaire opposant le Front Polisario au Conseil de lUnion sur laccord de libéralisation des échanges des produits agricoles et de la pêche avec le Maroc, constitue «une porte ouverte vers lorganisation dun référendum dautodétermination» au Sahara Occidental, a affirmé lavocat du Front Polisario, Me Gilles Devers. «Nous nous réjouissons de cette conclusion assurant que le Maroc nest pas souverain au Sahara Occidental.
Lavocat général est allé encore plus loin en affirmant que le Sahara occidental est un territoire à décoloniser. Cest une porte ouverte vers lorganisation dun référendum dautodétermination», a-t-il déclaré à lagence de presse APS. Me Devers, joint par téléphone, a estimé que lavocat général de la CJUE, Melchior Wathelet, a fait «une lecture maximaliste», relevant que lenseignement majeur de ses conclusions a trait à cette affirmation que «le Maroc nest pas souverain au Sahara Occidental et, donc, juridiquement, laccord UE-Maroc ne peut pas sy appliquer».
Selon cet avocat, «tout va basculer» à partir du moment où le principe dabsence de souveraineté du Maroc sur le Sahara Occidental est posé. Lavocat général de la CJUE a considéré, dans ses recommandations, que le Sahara Occidental ne fait pas partie du territoire du Maroc et que, contrairement à ce qui a été constaté par le Tribunal, ni laccord dassociation UE-Maroc ni laccord de libéralisation ne lui sont applicables.
«Un grand recul sorganise» dans la position de lUE
Cependant, pour Me Devers, il ne suffit pas de constater que laccord UE-Maroc sur la libéralisation des échanges des produits agricoles et de la pêche ne sapplique pas au Sahara Occidental. «Nous voulons, en plus, attirer lattention de la Cour sur la réalité de la situation sur le terrain. LEurope est omniprésente sur le territoire du Sahara Occidental. Cest avec cette présence des entreprises européennes au Sahara occidental que le Maroc poursuit sa politique dannexion», a-t-il relevé.
Pour le principal avocat du Front Polisario dans cette affaire qui empoisonne, depuis quelques mois, les relations entre lUE et le Maroc, «il y a une pratique dEtat et il faudrait bien que la Cour tienne compte de cette pratique». Le Collectif davocat constitué par le Front Polisario dans cette affaire, a-t-il poursuivi, dispose de beaucoup déléments pour prouver que laccord sapplique au Sahara Occidental, se félicitant de
la réponse apportée par la chef de la diplomatie européenne, Federica Mogherini à un
eurodéputé qui linterpellait sur la publication sur le site web de lUE dune carte géographique qui représentait le Maroc colonialiste.
«Elle (Mogherini) a répondu quil sagissait dune erreur et que la carte doit être modifiée pour respecter le droit international», a-t-il indiqué, qualifiant cette décision d«extrêmement importante». LUE serait en train de reconsidérer sa position vis-à-vis de la cause sahraouie, a estimé Me Devers qui affirme quun «grand recul sorganise, petit à petit».
R. I.
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