Le Front Polisario a réagi vivement mardi à l’incursion de l’armée marocaine dans la zone tampon, créée sous l’égide de l’ONU suite à l’accord de cessez-le-feu en 1991. Dans une interpellation au chef de la mission de l’ONU au Sahara occidental (Minurso) basée à Tindouf, Yussef Djedyan, le Front Polisario a exprimé sa forte protestation « pour la violation flagrante marocaine et sans précédent de l’accord du cessez-le-feu », selon un communiqué publié via l’agence officielle sahraoui (SPS).
En effet, l’armée marocaine effectue, depuis samedi 13 août, une vaste opération de ratissage dans la localité de Guerguerat, située dans le sud-ouest du Sahara occidental occupé, rapporte le site marocain le 360. Officiellement, l’objectif de ce ratissage massif vise à « nettoyer » cette bande frontalière avec la Mauritanie sur 7 km du trafic sévissant dans la région.
Cela dit, cette démonstration de force de l’armée royale pourrait être dirigée contre la Mauritanie notamment après les dernières accusations portées à l’égard de l’armée de cette dernière, qui aurait hissé le drapeau mauritanien dans la bourgade de Lagouira, située sur la côte atlantique à environ 81 km du poste de Guerguaret.
Ces manœuvres militaires interviennent dans un contexte de tensions entre le Maroc et la Mauritanie. Ces derniers mois, les rapports entre les deux pays se seraient nettement dégradés, selon plusieurs médias marocains. L’on rapporte des gestes inamicaux voire des incidents diplomatiques récurrents entre les deux pays.
Même si du côté officiel aucune déclaration n’a été faite dans ce sens, la sortie de la presse marocaine, notamment celle connue pour sa proximité avec le palais, n’est pas anodine.
Une campagne médiatique dénigrante à l’encontre de la Mauritanie
À ce titre, le site d’information Hesspress, dans un article paru le 12 août dernier et intitulé « la Mauritanie s’aligne du côté des chefs du Polisario au détriment du Maroc », est revenu sur la visite à Nouakchott de Mohammed Akhdad, coordinateur du Polisario avec la Minurso. Qualifiant cette visite d’un mauvais signal de la part du président mauritanien, Mohamed Ould Abdelaziz, le journal électronique marocain a parlé d’une vengeance personnelle de ce dernier.
« Ce qui amplifie la détérioration des relations entre les deux pays, c’est le fait que Ould Abdelaziz leur donne (aux relations) une dimension personnelle sans tenir compte de l’importance stratégique des relations de son pays avec Rabat », a écrit ce journal, citant un conseiller diplomatique expert du dossier du Sahara.
De son côté, le site Telquel préfère parler de « querelle de bon voisinage » et de froid diplomatique suite au refus des autorités mauritaniennes de renouveler le permis de travail à des cadres marocains en juin dernier. « Au Maroc, ce zèle soudain des autorités mauritaniennes a été perçu comme une nouvelle pique, venue s’ajouter à celles de ces derniers mois, et auxquelles Rabat a réagi à chaque fois », a dénoncé Telquel.
Cependant, l’attaque la plus virulente est venue du site le 360, réputé proche du palais. Ce dernier, qui ne rate pas une occasion pour publier des articles musclés, s’est lancé dans une vraie cabale médiatique notamment à l’égard du président mauritanien.
En effet, après avoir accusé Nouakchott d’avoir permis à des agents de renseignement sud-africains d’opérer dans le nord de son territoire avec leurs homologues algériens, le 360 a dressé, le 14 août, un portrait peu flatteur du président Mohamed Ould Abdelaziz. Lui attribuant une origine étrangère, le site d’information est allé jusqu’à l’accuser de « félonie » et de « cleptomanie », autrement dit de vol à répétition.
« Après la chute et la mort de Kaddafi, son chef des renseignements, Senoussi se vit proposer un refuge en Mauritanie. Arrivé à Nouakchott, il sera placé en résidence surveillée et remis plus tard aux nouveaux maîtres de Tripoli contre 200 millions de dollars selon les parlementaires libyens qui divulgueront plus tard ce deal. Précisant que l’argent a été versé dans un compte appartenant à Ould Abdelaziz et non dans les caisses du Trésor mauritanien », a accusé le 360.
Un froid diplomatique palpable
Il n’en demeure pas moins vrai que certains indicateurs accréditent la thèse d’un froid diplomatique entre les deux pays. En effet, l’absence continue d’un ambassadeur mauritanien à Rabat depuis 2012 est synonyme d’une réduction du personnel, ce qui pourrait être lié à un mécontentement et / ou une protestation diplomatique.
De surcroît, les émissaires envoyés par le roi Mohamed VI à Nouakchott en juillet dernier, les mêmes qui ont été admis en audience par Abdelmalek Sellal à Alger, n’ont pas pu rencontrer le président mauritanien, qui a préféré mandaté son ministre des Affaires étrangères, Isselkou Ould Ahmed Izidbih, pour les recevoir.
Une réaction à celle du monarque marocain, qui auparavant a refusé de recevoir le chef de la diplomatie mauritanienne porteur d’une invitation de Ould Abdelaziz pour assister au sommet de la Ligue arabe, tenu récemment à Nouakchott.