C’était le Mandela des Sahraouis. Celui qui fut le leader du Front Polisario, Mohamed Abdelaziz, avait toujours privilégié la diplomatie et su contenir la colère d’un peuple opprimée avec l’espoir d’une solution pacifique au Sahara occidental.
Par Nabil Benali
Ce fut bien entendu une triste nouvelle lorsque le Front Polisario a annoncé la mort de son chef, Mohamed Abdelaziz, mardi à l’âge de 68 ans après avoir souffert de la maladie au cours des dernières années.
L’agence SPS a annoncé 40 jours de deuil dans les camps des réfugiés sahraouis, alors que le président Bouteflika qui le recevait souvent et qui le considérait comme «un guerrier de la paix» a annoncé huit jours de deuil.
Homme emblématique de la cause sahraouie, une icône pour l’un des derniers dossiers de décolonisation au XXIe siècle, Mohamed Abdelaziz avait observé un relatif retrait au cours de ces trois dernières années et avait réduit ses déplacements à l’étranger qui, autrefois étaient incessants afin de représenter et défendre la cause sahraouie.
Mohamed Abdelaziz a été secrétaire général du Front Polisario depuis 1976 après la mort de l’un des leaders chevronnés du mouvement, El Ouali Mustafa. Dans le même temps, il dirige la République arabe sahraouie démocratique (Rasd), proclamée au milieu des années 1970 et, depuis, a remporté la reconnaissance de plusieurs dizaines de pays à travers le monde.
Mohamed Abdelaziz a partagé toutes les étapes difficiles aux côtés de ses militants et ses combattants et vivait dans les mêmes conditions que les autres réfugiés sahraouis dans la région de Tindouf, refusant l’hospitalité et les honneurs de certaines capitales occidentales pas toujours bienveillantes. L’homme est le fils du Sahara, appartenait à la tribu Roqaibi, l’une des trois grandes tribus sahraouies. Il a reçu un enseignement primaire et secondaire jusqu’à la fin des années 1960 où, voyageant entre Rabat et Casablanca, il fait la rencontre de l’avant-garde des militants, des nationalistes sahraouis qui fréquentaient les universités marocaines.
Dans ces cercles très actifs, Mohamed Abdelaziz accomplit ses premiers pas politiques avant de passer à la clandestinité puis de s’engager publiquement pour l’indé- pendance du Sahara occidental. En mai 1973, il fonde avec Mustapha Sid El Ouali le Front Polisario et devient l’un de ses principaux chefs militaires. Il a été préparé avec Ibrahim Ghali les premiers raids contre les sites militaires espagnols. Lui-même participait à ces opérations et a continué à le faire il y a quelques années avant de devenir le n°1 sahraoui en 1976. Progressivement, l’homme qui a préféré porter l’uniforme jusqu’à la fin de sa vie, parfait polyglotte, était passé des fonctions militaires aux missions politiques.
A la fin des années 1980, devant l’impasse du conflit armée qui s’imposait aux deux parties en conflit, il donne son feu vert pour la première rencontre entre le Front Polisario et le roi Hassan II qui eut lieu en janvier 1989. En 1991, soutenu par l’ONU et la promesse d’un référendum d’autodétermination, le Front Polisario annonce le cessez-le-feu. L’attente dure à ce jour et les menaces d’abandonner la voie pacifique apparaissent de temps à autre, laissant à Mohamed Abdelaziz le choix entre céder aux ailes les plus radicales du Front Polisario ou rester sur le difficile chemin de la paix. Mohamed Abdelaziz a guidé le Front Polisario pendant 40 ans, l’une des plus longues périodes reconnue à un leader d’un mouvement politique.
De nombreuses personnalités politiques sont témoins qu’il a toujours œuvré à contenir la colère du peuple sahraoui et consenti tous ses efforts à éloigner le retour du conflit armé au cours de ces dernières années. Il a fait le pari d’un dialogue pacifique dans le cadre de négociations avec le Maroc et, en toutes circonstances, le suivi scrupuleux des résolutions de l’ONU et du Droit international. S’agissant de sa succession, il faut savoir que conformément à l’article 49 des statuts du Front Polisario, c’est le président du Conseil national, Khatri Ouadou, qui remplit le poste de secrétaire général par inté- rim du Front et de président de la République, jusqu’à l’élection du nouveau secrétaire général lors d’un congrès extraordinaire qui se tiendra dans les 40 jours suivant le décès du président. N. B
Les Débats, 2 juin 2016
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